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13/12/2004 | LUXEMBOURG | N°18857

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 décembre 2004, 18857


Tribunal administratif N° 18857 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 novembre 2004 Audience publique du 13 décembre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18857 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 novembre 2004 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au no

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Tribunal administratif N° 18857 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 novembre 2004 Audience publique du 13 décembre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18857 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 novembre 2004 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo / Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-

monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 15 juillet 2004, par laquelle sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié a été rejetée comme manifestement infondée, ainsi que d’une décision confirmative attribuée au ministre de la Justice datée du 11 octobre 2004 et prise sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 novembre 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 6 décembre 2004, Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRÜCK s’étant rallié aux écrits de la partie publique, Maître Nicky STOFFEL n’étant pour sa part ni présente ni représentée.

En date du 17 juin 2004, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

En date du 5 juillet 2004, il fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 15 juillet 2004, lui notifiée par voie de courrier recommandé expédié en date du 5 août 2004, le ministre de la Justice l’informa de ce que sa demande avait été rejetée comme étant manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, au motif qu’il ne ferait valoir aucune crainte raisonnable de persécution pour une des raisons prévues par la Convention de Genève.

Suite à un recours gracieux formulé par lettre du 11 octobre 2004 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration prit une décision confirmative le 11 octobre 2004.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 12 novembre 2004, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation des deux décisions ministérielles prévisées des 15 juillet et 11 octobre 2004.

A l'appui de son recours, le demandeur fait valoir comme unique moyen qu'il redouterait une situation d’insécurité dans son pays, de sorte qu’il remplirait les conditions pour bénéficier du statut de réfugié politique.

Le délégué du Gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours principal en réformation au motif qu’aucune disposition légale ne prévoirait un recours au fond en la matière et se rapporte à prudence de justice en ce qui concerne la recevabilité du recours en ce qu'il est dirigé contre le seul ministre de la Justice, alors que la décision confirmative du 11 octobre 2004 émane du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration.

Etant donné que l’article 10 (3) de la loi modifiée du 3 avril 1996 précitée prévoit un recours en annulation en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives, de sorte que le tribunal est incompétent pour connaître de la demande principale en réformation des décisions déférées.

Par ailleurs, étant donné que le dossier administratif versé par le délégué du Gouvernement ainsi que les pièces versées par le mandataire du demandeur renseignent comme auteur de la décision du 11 octobre 2004 le ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration, il y a lieu de considérer que la décision attaquée est clairement identifiée, de sorte que l'indication erronée du ministre de la Justice en tant qu'organe compétent ne porte pas à conséquence sur la recevabilité du recours introduit.

Dès lors, le recours en annulation, par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Quant au fond, le délégué du Gouvernement résiste au recours en relevant que le demandeur n’aurait fait état d’aucune crainte raisonnable de persécution correspondant à l’un des motifs de fond prévus par la Convention de Genève, et estime pour sa part que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte que celui-ci serait à débouter de son recours.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

En l’espèce, l’examen des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande d’asile dans le cadre de son audition, ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse, amène le tribunal à conclure qu’il n’a manifestement pas établi, ni même allégué, des raisons personnelles de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance.

En effet, lors de son audition, telle que celle-ci a été relatée dans le compte rendu figurant au dossier, le demandeur, interrogé sur les motifs de sa demande d’asile au Luxembourg, a répondu qu’il avait quitté le Kosovo « à cause de l’insécurité et parce que je n’avais pas d’emploi », mais a précisé n’avoir personnellement jamais subi de persécutions, n’avoir jamais été menacé par qui que ce soit, n’avoir jamais eu de problèmes pouvant mettre sa vie en danger et n’avoir eu peur de personne. Il a encore souligné que son retour éventuel au Kosovo serait dépourvu de toute conséquence en ce qui le concerne.

Enfin, sur question spécifique de l’agent du ministère de la Justice, il affirmé avoir quitté son pays parce qu’il n’y avait pas de travail, affirmation qu’il avait d’ailleurs déjà faite en date du 17 juin 2004 devant un agent du service de police judiciaire : « Der Grund warum ich jetzt in Luxemburg bin ist, dass ich Arbeit suche.

Ich möchte keinen Antrag auf politisches Asyl stellen ».

Des considérations d’ordre matériel et économique, telles qu’en l’espèce l’espoir de trouver ailleurs du travail, ne constituent cependant pas un motif d’obtention du statut de réfugié, de sorte que le demandeur n’a manifestement pas établi, ni même allégué, des raisons personnelles de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques.

C’est partant à juste titre que le ministre de la Justice a déclaré la demande d’asile sous analyse comme étant manifestement infondée pour ne pas tomber sous le champ d’application de la Convention de Genève.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours formé par le demandeur est à rejeter comme n’étant pas fondé.

La procédure devant les juridictions administratives étant essentiellement écrite, le tribunal est appelé à statuer contradictoirement en l'espèce, encore que le demandeur n'était pas représenté à l'audience publique à laquelle l'affaire fut plaidée.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 13 décembre 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18857
Date de la décision : 13/12/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-12-13;18857 ?

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