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13/12/2004 | LUXEMBOURG | N°18547

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 décembre 2004, 18547


Numéro 18547 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 août 2004 Audience publique du 13 décembre 2004 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 18547 du rôle, déposée le 13 août 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Steve COLLART, avocat à la Cour, assisté de

Maître Stéphane MEYER, avocat, les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembour...

Numéro 18547 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 août 2004 Audience publique du 13 décembre 2004 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 18547 du rôle, déposée le 13 août 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Steve COLLART, avocat à la Cour, assisté de Maître Stéphane MEYER, avocat, les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Madina (Gambie), de nationalité gambienne, actuellement détenu au Centre pénitentiaire de Schrassig, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 18 mai 2004 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 15 juillet 2004 prise sur recours gracieux;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 octobre 2004;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Stéphane MEYER et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 6 décembre 2004.

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Le 14 janvier 2004, Monsieur …, préqualifié, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il fut entendu en date du 29 avril 2004 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice l’informa par décision du 18 mai 2004, notifiée le 17 juin 2004, de ce que sa demande avait été rejetée comme n’étant pas fondée aux motifs énoncés comme suit :

« Il résulte de vos déclarations que vos parents seraient décédés sans pouvoir en expliquer les circonstances, cela se serait passé il y a longtemps. Vous prétendez aimer l’Europe et désirer y trouver un emploi puisque dans votre pays d’origine il n’y aurait pas de travail.

Vous ajoutez ne pas avoir eu de problème en Gambie, ni avoir subi une quelconque persécution.

Vous admettez enfin ne pas être membre d’un parti politique.

Je vous informe que la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi, et surtout, par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécutions au sens de la Convention de Genève.

Je vous rends attentif au fait que, pour invoquer l’article 1er A,2 de la Convention de Genève, il faut une crainte justifiée de persécutions en raison de vos opinions politiques, de votre race, de votre religion, de votre nationalité ou de votre appartenance à un groupe social et qui soit susceptible de vous rendre la vie intolérable dans votre pays.

Par contre, selon l’article 9, alinéa 1 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’une régime de protection temporaire « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

Je vous informe qu’une demande d’asile qui peut être déclarée manifestement infondée peut, a fortiori, être déclarée non fondée pour les mêmes motifs.

Force est de constater que votre demande d’asile ne repose que sur des considérations matérielles qui ne rentrent en aucun cas dans le cadre de la Convention de Genève.

Enfin, vous n’alléguez aucune crainte justifiée de persécutions en raison de vos opinions politiques, de votre race, de votre religion, de votre nationalité ou de votre appartenance à un groupe social et qui soit susceptible de vous rendre la vie intolérable dans votre pays. Votre demande ne répond donc à aucun des critères de fonds définis par la Convention de Genève.

A cela s’ajoute d’importantes invraisemblances qui rendent votre récit tout à fait incrédible. Tout d’abord vous affirmez ne pas connaître votre mois et jour de naissance lors de l’audition or à votre arrivée, lors de l’enregistrement de votre demande d’asile vous avez fourni une date complète à savoir le 1er février 1986. Ensuite, vous déclarez que votre mère aurait environ 25 ans alors que vous en avez 18, et que votre frère en aurait 28, par conséquent il serait plus âgé que votre mère ! Enfin, vous dites ne pas être allé à l’école or vous savez lire et écrire malgré ce que vous prétendez lors de l’audition puisque à votre arrivée vous avez rempli entièrement et sans problème la fiche de données personnelles.

Pour finir, une contradiction dans votre récit doit être soulevée, en effet vous indiquez en début d’audition que vos parents résideraient actuellement en Gambie, or plus loin vous prétendez qu’ils seraient décédés.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

Le recours gracieux formé par courrier de son mandataire du 29 juin 2004 ayant été rencontré par une décision confirmative du ministre du 15 juillet 2004, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation à l’encontre des décisions ministérielles initiale du 18 mai 2004 et confirmative du 15 juillet 2004 par requête déposée le 13 août 2004.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaure un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de manière que le tribunal est compétent pour statuer comme juge de la réformation en l’espèce.

Or, si, dans une matière dans laquelle la loi a institué un recours en réformation, le demandeur conclut à la seule annulation de la décision attaquée, le recours est néanmoins recevable dans la mesure où le demandeur se borne à invoquer des moyens de légalité, et à condition d’observer les règles de procédure spéciales pouvant être prévues et des délais dans lesquels le recours doit être introduit (trib. adm. 3 mars 1997, n° 9693, Pas. adm.

2004, v° Recours en réformation, n° 2).

Il s’ensuit que le recours en annulation introduit est recevable, étant donné qu’il a été formé dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur déclare contester la pertinence des arguments développés par le ministre de la Justice et il affirme avoir fait l’objet de persécutions dans son pays d’origine qui auraient motivé sa fuite vers le Luxembourg, de manière que les décisions attaquées devraient encourir l’annulation pour erreur manifeste d’appréciation.

Le représentant étatique soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, n° 9699, Pas. adm. 2004, v° Recours en réformation, n° 12).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition du 29 avril 2004, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments développés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, il ressort clairement des déclarations du demandeur lors de son audition qu’il n’a jamais subi de persécutions personnelles en Gambie et qu’il n’y a jamais été condamné, tout comme il n’a pas connu d’autres problèmes en Gambie. Il a encore affirmé qu’il aurait quitté son pays en raison du décès de ses parents et qu’il serait venu en Europe afin de trouver du travail.

Il s’ensuit que ni dans le cadre de la procédure administrative, ni dans le cadre de son recours contentieux, le demandeur n’a fait état d’un quelconque élément de persécution personnel ou d’un risque de persécution en cas de retour en Gambie.

Il résulte des développements qui précèdent que le demandeur reste en défaut d’établir une persécution ou un risque de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance, de manière que la légalité de l’appréciation ministérielle de la situation du demandeur n’est pas ébranlée et que le recours sous analyse doit être rejeté comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, reçoit le recours en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. CAMPILL, vice-président, M. SCHROEDER, premier juge, M. SPIELMANN, juge, et lu à l’audience publique du 13 décembre 2004 par le vice-président en présence de M. LEGILLE, greffier.

LEGILLE CAMPILL 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 18547
Date de la décision : 13/12/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-12-13;18547 ?

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