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13/12/2004 | LUXEMBOURG | N°18468

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 décembre 2004, 18468


Tribunal administratif N° 18468 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 juillet 2004 Audience publique du 13 décembre 2004 Recours formé par la société à responsabilité limitée … s.à r.l., …, contre une décision du ministre des Classes Moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’autorisation d’établissement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18468 du rôle et déposée le 28 juillet 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Jeannot BIVER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, a

u nom de la société à responsabilité limitée … s.àr.l., établie et ayant son siège social à...

Tribunal administratif N° 18468 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 juillet 2004 Audience publique du 13 décembre 2004 Recours formé par la société à responsabilité limitée … s.à r.l., …, contre une décision du ministre des Classes Moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’autorisation d’établissement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18468 du rôle et déposée le 28 juillet 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Jeannot BIVER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée … s.àr.l., établie et ayant son siège social à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement du 30 juin 2004 lui refusant l’autorisation de faire le commerce ;

Vu le mémoire en réponse déposé par le délégué du Gouvernement en date du 21 octobre 2004 ;

Vu le mémoire en réplique, désigné par « mémoire en réponse », déposé au greffe du tribunal administratif le 4 novembre 2004 par Maître Jeannot BIVER pour compte de la demanderesse ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 6 décembre 2004, Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRÜCK s’étant rapportée aux écrits de la partie publique et Maître Jeannot BIVER n’étant ni présent, ni représenté.

En date du 3 décembre 2003, Madame … sollicita auprès du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement, ci-après désigné par « le ministre », l’octroi d’une autorisation de commerce pour l’activité de « vente de gaufres (à base de pâte préfabriquée à chauffer) et de snacks (pizza-baguette etc, aliments préfabriqués à chauffer), de boissons « soft » et alcooliques (bouteilles et canettes sans débit), de cigarettes et de tabacs » pour le compte de la société à responsabilité limitée … s.à r.l., ci-après désignée par « la société … » .

Par courrier du 24 février 2004, le ministre accusa réception de la prédite demande et informa la société … qu’il avait transmis la demande au ministre de la Justice pour prière d’avis quant à la responsabilité de Madame … dans la faillite … s.à r.l..

Le Parquet du tribunal d’arrondissement de Luxembourg adressa au ministre un avis daté du 17 mai 2004 relatif à la demande d’autorisation présentée par Madame …, concluant à l’absence d’honorabilité professionnelle dans le chef de celle-ci, et la commission instituée par la loi du 28 décembre 1988 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel ainsi qu’à certaines professions libérales, telle que modifiée notamment par la loi du 4 novembre 1997, ci-après désignée par « la loi d’établissement », rendit en date du 21 juin 2004 un avis défavorable en ce qui concerne l’honorabilité professionnelle de Madame ….

Cet avis amena le ministre en date du 30 juin 2004 à adresser à la société … une décision de refus libellée comme suit :

« Par la présente, j’ai l’honneur de me référer à votre demande sous rubrique, qui a fait entre temps l’objet de l’instruction administrative prévue à l'article 2 de la loi d’établissement du 2 décembre 1988, modifiée le 4 novembre 1997.

Le résultat m’amène à vous informer que selon l'avis de la commission y prévue, Madame … ne dispose plus de l'honorabilité professionnelle requise en raison de son implication dans les faillites des sociétés … S.à r.1. et … II S.à r.l., notamment par l'absence d'aveu de la cessation des paiements, l'absence de comptabilité et les dettes très importantes auprès des créanciers publics (art. 2 de la loi du 28 décembre 1988 quant aux charges sociales et fiscales), comme il ressort de l’avis du Parquet du Tribunal d’Arrondissement du 17 mai 2004 ainsi que de l’avis du curateur des faillites en question, Me ….

Comme je fais miennes les considérations et prises de position de cet organe de consultation, je suis au regret de ne pouvoir faire droit à votre requête dans l’état actuel du dossier en me basant sur l'article 2 et sur l’article 3 de la loi susmentionnée.

La présente décision peut faire l’objet d’un recours par voie d'avocat à la Cour endéans trois mois auprès du Tribunal Administratif.(…) » Par requête déposée le 28 juillet 2004 au greffe du tribunal administratif, la société … a fait introduire un recours tendant à l’annulation, sinon à la réformation de la décision ministérielle précitée du 30 juin 2004.

Le délégué du Gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en réformation au motif qu’aucune disposition légale ne prévoirait un recours au fond en la matière.

Encore que la demanderesse entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation, l’existence d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision (trib. adm.

4 décembre 1997, n° 10404 du rôle, Pas. adm. 2004, v° recours en réformation, n° 3 et autres références y citées).

Aucun recours au fond n’est prévu par la loi d’établissement qui, au contraire prévoit expressément en son article 2, alinéa 6, qu’en matière d’octroi, de refus ou de révocation d’autorisation d’établissement seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives, de sorte que le recours en réformation introduit en ordre principal n’est pas recevable.

Le recours en annulation quant à lui est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

Dans le cadre d’un recours en annulation, le tribunal statue par rapport à la décision administrative lui déférée sur base des moyens invoqués par la partie demanderesse tirés d’un ou de plusieurs des cinq chefs d’annulation énumérés à l'article 2 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, de sorte que son pouvoir de contrôle est essentiellement limité dans la mesure des griefs invoqués, eux-mêmes conditionnés par l’intérêt à agir existant dans le chef du recourant à la base de la requête introduite (trib. adm. 21 juin 1999, n° 10874, confirmé par arrêt du 15 février 2000, n° 11420C, Pas. adm. 2004, v° recours en annulation, n° 8, p.652).

La demanderesse fait valoir pour unique moyen à l’appui de son recours que la décision ministérielle se fonderait sur des considérations erronées en fait, la gérance des sociétés faillies … S.à r.1. et … II S.à r.l., ayant été exercée par Monsieur …, et non par l’épouse, Madame …, et souligne le fait que les époux … et … seraient mariés sous le régime de la séparation des biens depuis le 27 mars 1992 Dans le cadre de son mémoire en réplique la demanderesse réitère ses contestations, en affirmant que « la dame … n’a jamais été gérante des deux sociétés déclarées en faillite », et soulève en tant que nouveau moyen le fait que le rapport du curateur, retenu par le ministre comme justifiant le défaut d’honorabilité de Madame …, serait « loin d’être exhaustif », le curateur n’ayant pas envisagé d’action en interdiction professionnelle de Madame …, n’aurait rien indiqué quant à la responsabilité des dirigeants de fait ou de droit dans la faillite et n’aurait retenu aucune « faute accablante ».

Le délégué du Gouvernement estime pour sa part que le ministre aurait fait une saine appréciation de l’honorabilité de Madame …, de sorte que la demanderesse serait à débouter de son recours.

Il ressort du dossier administratif versé aux débats, et en particulier de l’autorisation d’établissement délivrée par le ministre en date du 11 août 1993 à la société … S.à r.1.sous le numéro 66538/F que ladite autorisation « n’est valable que si la gérance est assurée par … Nicole ».

Il ressort encore d’un procès-verbal d’assemblée générale de la société … & …, Xxx S.à r.1. du 4 août 1999 versé en cause par la demanderesse elle-même que Madame … a été gérante de cette société jusqu’au 4 août 1999. La société … & …, Xxx S.à r.1. ayant été pour sa part gérante – aux dires même de la demanderesse - des sociétés faillies … S.à r.1. et … II S.à r.l., Madame … a effectivement exercé en tant que personne physique la gérance des sociétés faillies, et ce à tout le moins jusqu’au 4 août 1999, date de sa démission de la fonction de gérante de la société … & …, Xxx S.à r.1.

Cette analyse rejoint par ailleurs celle faite par le curateur des sociétés faillies … S.à r.1. et … II S.à r.l., qui indique dans ses rapports d’activité afférents à chaque fois en tant que dirigeants de droit de ces sociétés les époux …-….

Il s’avère par ailleurs à l’étude du dossier administratif que les dettes sociales et fiscales considérables des deux sociétés faillies correspondent à la période de 1993 à 1997, les deux sociétés ayant cessé leurs activités commerciales en juin 1997, c’est-à-dire à la période durant laquelle Madame … était, comme relevé ci-dessus, impliquée directement dans la gérance de ces sociétés, de sorte que le motif avancé par le ministre dans sa décision de refus est vérifié.

Il s’avère dès lors, face à ces pièces versées aux débats que les contestations non autrement étayées de la demanderesse – alors pourtant qu’il aurait été loisible à cette dernière de verser les documents statutaires des sociétés concernées – sont à écarter.

En ce qui concerne le moyen de la demanderesse relatif au fait que les rapports du curateur ne seraient pas exhaustifs, moyen produit pour la première fois dans le cadre du mémoire en réplique - intitulé erronément « mémoire en réponse » - déposé par la demanderesse au greffe du tribunal administratif en date du 4 novembre 2004, le tribunal tient à rappeler qu’il aurait appartenu à la partie demanderesse de faire valoir ses moyens dans la requête introductive d'instance, étant donné qu’elle ne peut, sous peine de forclusion, faire valoir d'autres moyens ou prendre d'autres conclusions après l'expiration du délai de recours, sous réserve des moyens d'ordre public qui peuvent être soulevés en tout état de cause et même être suppléés d'office (Cour adm., 17 juin 1997, n° 9481C, Pas. adm. 2004, v° procédure contentieuse, n° 378, p.631).

Il s’ensuit que ce moyen est à écarter des débats. A titre tout à fait superfétatoire, le tribunal relève néanmoins que si la demanderesse reproche au curateur le caractère « non exhaustif » de ses rapports d’activité, elle ne conteste cependant pas la réalité des faits y retenus, tels que l’importance des dettes fiscales et sociales et l’absence de communication des documents comptables au curateur, de sorte que le reproche adressé au caractère « non exhaustif » des rapports du curateur n’est pas de nature à énerver les motifs d’ores et déjà vérifiés gisant à la base de la décision ministérielle déférée.

Il résulte dès lors des considérations qui précèdent, en l’absence d’autres moyens valablement proposés, que le recours en annulation sous examen laisse en l’état d’être fondé.

La procédure devant les juridictions administratives étant essentiellement écrite, le tribunal est appelé à statuer contradictoirement en l'espèce, encore que le demandeur n'était pas représenté à l'audience publique à laquelle l'affaire fut plaidée.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le dit non justifié et en déboute ;

laisse les frais à charge de la demanderesse.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 13 décembre 2004 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18468
Date de la décision : 13/12/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-12-13;18468 ?

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