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13/12/2004 | LUXEMBOURG | N°18151

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 décembre 2004, 18151


Tribunal administratif N° 18151 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er juin 2004 Audience publique du 13 décembre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18151 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 1er juin 2004 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, a

u nom de Monsieur …, né le … (Kosovo / Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité montén...

Tribunal administratif N° 18151 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er juin 2004 Audience publique du 13 décembre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18151 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 1er juin 2004 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo / Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 25 février 2004, déclarant non fondée sa demande d’admission au statut de réfugié, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre datant du 26 avril 2004 intervenue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 octobre 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRÜCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 29 novembre 2004.

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Monsieur … introduisit en date du 6 novembre 2003 une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu le même jour par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

Il fut entendu en outre le 20 novembre 2003 par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Le ministre de la Justice informa Monsieur … par décision du 25 février 2004, lui envoyée par courrier recommandé expédié le 2 mars 2004, que sa demande a été refusée comme non fondée au motif qu’elle ne correspondrait à aucun critère de fond défini par la Convention de Genève, étant donné que le fait d’avoir été prétendument exposé à des tirs d’arme en juillet 2003 en moissonnant ses champs situés à proximité d’un village albanais et sa crainte de l’UCK et des Albanais en général ne sauraient suffire pour fonder à eux seuls une demande en obtention du statut de réfugié, mais traduiraient plutôt l’expression d’un sentiment général d’insécurité. Le ministre a ajouté que ni des membres de l’UCK ni des Albanais ne sauraient être considérés comme des agents de persécution au sens de la Convention de Genève, que par ailleurs il ne serait pas établi que la police aurait été dans l’impossibilité de fournir une protection adéquate à Monsieur … et que de plus il reconnaîtrait lui-même avoir été protégé dans ses déplacements par des membres de la KFOR. Le ministre a relevé finalement qu’il ne ressortirait pas du dossier qu’il aurait été impossible à Monsieur … de s’installer ailleurs en République de Serbie-

Monténégro et plus particulièrement en Serbie, tout en soulignant pour le surplus qu’au vu de l’évolution récente au Kosovo une persécution systématique des minorités ethniques serait actuellement à exclure.

Le recours gracieux que Monsieur … a fait introduire par courrier de son mandataire datant du 4 avril 2004 à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 25 février 2004 s’étant soldée par une décision confirmative du 26 avril 2004, il a fait introduire, par requête déposée en date du 1er juin 2004, un recours en réformation à l’encontre des deux décisions ministérielles prévisées des 25 février et 26 avril 2004.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le tribunal est compétent pour statuer en tant que juge du fond en l’espèce.

Le recours en réformation ayant pour le surplus été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Le demandeur fait exposer à l’appui de son recours qu’il a quitté son pays d’origine par crainte pour sa vie, étant donné qu’il aurait été sérieusement menacé par les Albanais et que ses droits les plus élémentaires auraient été bafoués du fait de son appartenance religieuse et ethnique et de son activité journalistique. Il se réfère à cet égard à ses déclarations renseignées au procès-verbal dressé en date du 20 novembre 2003 tout en relevant avoir souligné lors de cette audition que sa crainte était aussi liée en partie à sa nationalité ainsi qu’à la montée inquiétante du nationalisme. Il fait valoir qu’il lui serait à l’heure actuelle impossible d’imaginer une vie sans crainte dans son pays d’origine où la majorité albanaise ne semblerait pas tolérer la présence des Bochniaques sur le sol du Kosovo et les accuserait d’avoir collaboré avec les Serbes. Il reproche ainsi au ministre de ne pas avoir tiré les conséquences qui se seraient imposées du fait de la persécution dont il aurait été victime ainsi que d’avoir méconnu l’impuissance des autorités en place de lui accorder une protection effective.

Le délégué du Gouvernement estime que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte que celui-ci serait à débouter de son recours. Il relève que la simple appartenance à une minorité ethnique ne justifierait pas à elle seule l’octroi du statut de réfugié. Il expose encore qu’une crainte de persécution par les Albanais du Kosovo ne serait pas admissible au sens de la Convention de Genève, étant donné qu’ils ne sauraient constituer des agents de persécution au sens de cette convention. Il relève pour le surplus que le demandeur n’apporterait pas de raisons suffisantes pour lesquelles il ne serait pas en mesure de s’installer dans une autre région de son pays d’origine et plus particulièrement en Serbie.

Quant au fond, l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, tel que relevé par le ministre à l’appui des décisions litigieuses, les déclarations du demandeur telles qu’explicitées en cours d’instance dénotent certes qu’il a vécu dans un état généralisé de crainte, mais ne comportent pas d’éléments suffisants pour conclure à l’existence, à l’heure actuelle, d’un risque de persécution spécifique, laissant supposer un danger sérieux pour sa personne.

Or, une crainte de persécution susceptible de justifier l’octroi du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que considéré individuellement et concrètement, le demandeur risque de subir des persécutions.

En l’espèce il se dégage à suffisance du rapport d’audition du 20 novembre 2003 que les raisons ayant poussé le demandeur à quitter son pays d’origine ont trait d’une manière générale au malaise caractérisant les relations interethniques au Kosovo et que partant sa situation individuelle ne se distingue pas fondamentalement de celle de ses concitoyens globalement considérés qui, même si c’est à des degrés variables, doivent tous faire face aux difficultés d’une situation d’après-guerre.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, déclare le recours non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 13 décembre 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18151
Date de la décision : 13/12/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-12-13;18151 ?

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