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13/12/2004 | LUXEMBOURG | N°17626

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 décembre 2004, 17626


Tribunal administratif N° 17626 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 février 2004 Audience publique du 13 décembre 2004 Recours formé par Monsieur …, … en matière d’impôt sur le revenu

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17626 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 février 2004 par Maître Marianne GOEBEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, demeurant à Luxembourg au nom de Monsieur …, … , demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation du bul

letin d’impôt sur le revenu pour l’année 2001, émis le 27 mars 2003, par le bureau d’imposition L...

Tribunal administratif N° 17626 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 février 2004 Audience publique du 13 décembre 2004 Recours formé par Monsieur …, … en matière d’impôt sur le revenu

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17626 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 février 2004 par Maître Marianne GOEBEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, demeurant à Luxembourg au nom de Monsieur …, … , demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation du bulletin d’impôt sur le revenu pour l’année 2001, émis le 27 mars 2003, par le bureau d’imposition Luxembourg 4 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 25 mai 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 24 juin 2004 par Maître Marianne GOEBEL au nom de Monsieur … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le bulletin critiqué ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Eric PRALONG, en remplacement de Maître Marianne GOEBEL, et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-

Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 29 septembre 2004 ;

Vu la rupture du délibéré prononcée en date du 29 octobre 2004 ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 15 novembre 2004 par Maître Marianne GOEBEL au nom de Monsieur … ;

Vu le mémoire supplémentaire du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 17 novembre 2004 ;

Vu un second mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 29 novembre 2004 par Maître Marianne GOEBEL au nom de Monsieur … ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Eric PRALONG, en remplacement de Maître Marianne GOEBEL, et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries complémentaires à l’audience publique du 1er décembre 2004.

Le 27 mars 2003, le bureau d’imposition Luxembourg 4 émit pour l’année 2001 un bulletin d’impôt fixant la cote d’impôt sur le revenu à 11.841, 63 €.

Le 4 avril 2003, Monsieur … fit parvenir au bureau d’imposition une lettre ayant la teneur suivante :

« Madame, J’accuse bonne réception du décompte de l’année 2001 du 27 mars 2003.

En annexe vous mentionnez « Imposition suivant lettre du 26.02.2003 », cette lettre je ne l’ai jamais reçue. Veuillez me faire parvenir une copie.

J’ai noté que vous avez procédé à une hausse de mon revenu commercial. Or mon revenu commercial ne s’élevait qu’à 50.945 Flux comme indiqué dans ma déclaration. Pour financer les dépenses personnelles, j’ai vendu pour des titres pour nominal Flux 1.800.000 selon convention de cession ci-jointe, convention qui se trouve aussi dans le dossier.

En conséquence je vous prie de bien vouloir procéder à une imposition rectificative pour 2001 … ».

Le 9 avril 2003, le bureau d’imposition pria Monsieur … « de bien vouloir me faire parvenir un état récapitulatif renseignant sur le nombre des parts détenues dans la société anonyme HTC Luxembourg et ce à partir du 01.01.1999 » et « un relevé bancaire démontrant le versement ou virement sur l’un de vos comptes bancaires de la somme de 1.800.000 Flux provenant de la vente des parts détenues dans la société anonyme HTC Luxembourg ».

Le 26 mai 2003, Monsieur … renseigna le bureau d’imposition sur le nombre d’actions détenues et précisa ce qui suit : « j’ai vendu en 2001 1800 actions pour 1.800.000 (annexe 3), pour financer mes dépenses personnelles …L’argent qui a servi à financer mes dépenses journalières a été mis dans le coffre. ».

Le 2 juin 2003, le bureau d’imposition demanda des précisions supplémentaires.

Le 21 août 2003, Monsieur … fit parvenir à travers son avocat un courrier au bureau d’imposition en réitérant son mécontentement quant à la hausse opérée de son bénéfice commercial et en expliquant qu’il n’a pas répondu à la demande de précisions supplémentaires estimant avoir fourni toutes les explications et pièces nécessaires. En fin de courrier il y est précisé : « Un bulletin d’imposition rectificatif serait à émettre, l’imposition au titre du bénéfice commercial selon le bulletin émis en date du 27 mars 2003 manquant de toute base et n’étant pas justifiée. Je vous signale à toutes fins utiles que le courrier recommandé vous envoyé par mon mandant en date du 4 avril 2003 est à considérer comme une réclamation au sens du § 249 de la LGI contre le bulletin d’imposition émis en date du 27 mars 2003 ».

Monsieur … estimant avoir satisfait aux conditions posées par l’article 8, paragraphe 3, point 3 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation à l’encontre du bulletin d’impôt sur le revenu pour l’année 2001, émis le 27 mars 2003, par le bureau d’imposition Luxembourg.

A l’audience publique à laquelle l’affaire a été plaidée le 29 septembre 2004, le mandataire de Monsieur … soulève en premier lieu l’irrecevabilité pour cause de tardiveté du mémoire en réponse déposé par le délégué du Gouvernement. Le délégué du Gouvernement se rapporte à prudence de justice en ce qui concerne la recevabilité du mémoire en réponse déposé.

La requête introductive d’instance a été déposée le 20 février 2004, de sorte que le mémoire en réponse déposé le 25 juin 2004, soit après le délai légal de trois mois à compter du dépôt de la requête, a été fourni tardivement. Il y a donc lieu de l’écarter des débats.

Il y a donc également lieu d’écarter le mémoire en réplique déposé au nom de Monsieur … en date du 24 juin 2004 suite au dépôt tardif du mémoire en réponse, la réplique ne constituant qu’une prise de position par rapport au mémoire en réponse déposé.

A l’appui de son recours Monsieur … estimant avoir introduit une réclamation en bonne et due forme fait valoir que son recours actuellement introduit à l’encontre du bulletin d’impôt critiqué serait valable étant donné que le directeur n’aurait pas répondu dans un délai de 6 mois à partir de l’introduction de sa réclamation.

Quant au fond, il fait valoir que l’imposition effectuée serait insuffisamment motivée et que l’administration resterait en défaut de justifier la majoration de son bénéfice commercial, d’autant plus qu’il aurait fait parvenir à celle-ci toutes les informations demandées après l’imposition effectuée.

Dans la suite le tribunal a prononcé la rupture du délibéré afin de permettre aux parties de prendre position quant aux questions suivantes :

1. « l’hypothèse posée que le courrier de Monsieur … du 4 avril 2003 soit à qualifier de réclamation aux termes du paragraphe 228 AO, les parties sont appelées à prendre plus amplement position sur les éléments suivants :

-

sauf preuve contraire à rapporter encore en cours d’instance, la réclamation en question n’a pas été transmise par le bureau d’imposition au directeur de l’Administration des Contributions directes compétente pour la toiser. Quid de l’application des dispositions du paragraphe 299 AO ? Quel incidence la violation éventuelle du paragraphe 299 AO aurait-elle sur la recevabilité, sinon le bien-fondé du recours, concernant notamment le délai de 6 mois prévu par l’article 8, paragraphe 3. 3 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 ? Quid des actes posés par le bureau d’imposition et de demande par lui formulée concernant plus particulièrement son dessaisissement éventuel à partir de l’introduction de la réclamation ? 2. la partie … à travers son écrit du 4 avril 2003 et plus loin ses requête introductive et mémoire en réplique d’introduire dans les débats le fait par elle soutenu que le courrier du bureau d’imposition du 26 février 2003 concernant l’application du paragraphe 205,3 (AO) ne lui est pas parvenu avant que le bulletin d’imposition ne soit émis, de même que les dispositions du paragraphe 204 AO n’auraient pas été respectées dans la manière de procéder du bureau concernant les devoirs faute de collaboration entre le contribuable et le bureau, ce dernier ayant tout de suite procédé à une ajoute de recette sur base d’une comparaison de fortune unilatéralement opérée, sans demande préalable de pièces ou d’informations afférentes ;

Quelle conséquence juridique serait à tirer des faits ainsi soumis de façon circonstanciée au tribunal ? 3. Quant au fond la partie … de répéter à plusieurs endroits à voir réaliser en 2001, 1.800 actions au porteur de la société anonyme de droit luxembourgeois HTC Luxembourg S.A. portant son stock d’actions de 5.150 à 3.350.

Or, il résulte des deux conventions de cession de parts des 30 avril et 15 octobre 2001 que le nombre de parts cédé à chaque fois fut de 1.000 portant le total cédé à 2.000 au lieu de 1.800. Quid ? » Quant à la première question posée, le demandeur fait valoir que son courrier du 4 avril 2003 serait à considérer comme une réclamation, de sorte qu’il aurait appartenu au bureau d’imposition de transmettre la réclamation au directeur et que le contribuable ne saurait subir un quelconque préjudice du fait que sa réclamation ne semble pas avoir été transmise par le bureau responsable au directeur. Il ajoute que dans la mesure où la réclamation produirait un effet positif en ce qu’elle dessaisirait le bureau d’imposition de la cause, celui-ci n’aurait plus été en droit de formuler des demandes de renseignement après l’introduction de la réclamation, soit après le 4 avril 2003, sinon il aurait dû continuer les explications et renseignements lui parvenus après cette date au directeur.

Quant à la deuxième question posée, le demandeur fait valoir que la taxation d’office ne serait permise que dans les cas où l’administration ferait état d’un doute raisonnable sur la véracité de la déclaration. Il estime qu’en l’espèce les doutes éprouvés reposeraient sur une suspicion de fraude non fondée, de sorte que les doutes émis ne pourraient être qualifiés de raisonnables, d’autant plus qu’il se serait conformé à son obligation de collaboration. Il termine que l’administration n’aurait pas été en droit de procéder à une taxation d’office, de sorte que la majoration de ses revenus ainsi effectuée serait dès lors à annuler.

Quant à la troisième question posée, il fait valoir que la convention de cession du 15 octobre 2001 comporterait une « coquille », le nombre d’actions vendues serait de 800 et non de 1000, de sorte qu’il aurait vendu un nombre total de 1800 actions pour un prix total de 1.800.000 Luf.

Le délégué du gouvernement a déposé un mémoire supplémentaire en date du 17 novembre 2004.

La partie demanderesse soulève d’abord que le mémoire supplémentaire déposé par le délégué du Gouvernement le 17 novembre 2004, soit après le délai fixé au 15 novembre 2004 dans l’avis de rupture, serait irrecevable pour être entaché de forclusion.

Force est cependant de constater que dans l’avis de rupture, il n’était pas précisé que les mémoires supplémentaires respectifs seraient à déposer dans un délai déterminé sous peine de forclusion, de sorte que le moyen ainsi soulevé est à écarter pour manquer de pertinence.

Qu’en toute occurrence ledit mémoire étatique a encore été déposé endéans le second délai accordé jusqu’au 29 novembre 2004.

Il en résulte qu’il n’y a pas lieu d’écarter des débats le mémoire supplémentaire déposé par le délégué du Gouvernement.

Quant à première question posée, la partie publique, en se référant au § 249, alinéa 3 AO, estime que le directeur serait saisi d’une réclamation dès qu’elle est introduite auprès du bureau d’imposition qui a émis le bulletin attaqué, même si le bureau d’imposition omet de continuer la réclamation au directeur et que le délai après lequel le réclamant peut déférer sa réclamation non vidée par une décision définitive au tribunal courrait à partir de l’introduction de la réclamation. Il ajoute que la réclamation déclencherait d’office le réexamen intégral du dossier même en défaveur du contribuable et que le bureau d’imposition, n’aurait plus, après émission du bulletin d’impôt, que le pouvoir de revenir sur sa décision soit dans une des hypothèses de compétence liée prévues par la loi, soit avec l’accord du contribuable par simple retrait (schlichte Änderung). Il conclut que depuis la modification législative du § 299 AO, l’effet dévolutif opérerait sans ambages.

Quant à la troisième question soulevée, il relève que les affirmations de Monsieur … concernant les ventes d’actions seraient sujettes à caution.

Le demandeur dans un deuxième mémoire supplémentaire versé, après avoir soulevé comme relevé ci-avant que le mémoire déposé par le délégué du Gouvernement serait entaché de forclusion, se rallie cependant dans la suite entièrement aux développements du délégué relatives à la première question soulevée par le tribunal. Pour le surplus il ré expose les propos tenus dans le premier mémoire supplémentaire déposé.

Quant à la recevabilité du recours L’article 8, paragraphe 3, point 3 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif a la teneur suivante :

« Lorsqu’une réclamation au sens du §228 de la loi générale des impôts … a été introduite et qu’aucune décision définitive n’est intervenue dans le délai de six mois à partir de la demande, le réclamant :.. peu[ven]t considérer la réclamation … comme rejetée[s] et interjeter recours devant le tribunal administratif contre la décision qui fait l’objet de la réclamation … ».

Le § 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », dispose :

« Les décisions visées au § 2111…peuvent être attaquées dans un délai de trois mois par voie de réclamation devant le directeur de l’Administration des contributions directes ou son délégué. Il sera procédé conformément au § 299. La décision du directeur est susceptible d’un recours devant le tribunal administratif, qui statuera au fond ».

1 En l’espèce der Steuerbescheid L’article 8, paragraphe 3, point 3 permet au contribuable, au cas où sa réclamation ne reçoit pas une réponse définitive de la part du directeur dans un délai de six mois à partir de la demande, d’interjeter un recours devant le tribunal administratif contre la décision qui fait l’objet de la réclamation, c’est-à-dire en l’espèce contre le bulletin d’impôt sur le revenu de l’année 2001.

Monsieur … estime que son courrier du 4 avril 2004 serait à qualifier de réclamation.

Il y a dès lors lieu d’analyser si en l’espèce une réclamation a été introduite.

En matière de réclamation les dispositions pertinentes sont le § 228 AO, déjà cité, et les § 249 AO et 299 AO.

Le § 249 AO dispose dans ses trois premiers alinéas :

„(1) Die Rechtsmittel können schriftlich eingereicht oder zu Protokoll erklärt werden.

Es genügt, wenn aus dem Schriftstück hervorgeht, wer das Rechtsmittel eingelegt hat.

Einlegung durch Telegramm ist zulässig. Unrichtige Bezeichnung des Rechtsmittels schadet nicht.

(2) Ein Rechtsmittel gilt als eingelegt, wenn aus dem Schriftstück oder der Erklärung hervorgeht, dass sich der Erklärende durch die Entscheidung beschwert fühlt und Nachprüfung begehrt.

(3) Die Rechtmittel sind bei der Geschäftsstelle der Behörde anzubringen, deren Bescheid angefochten wird. Die Anbringung bei der zur Entscheidung berufenen Stelle (Rechtsmittelbehörde) oder bei der für eine frühere Rechtsstufe zuständigen Behörde genügt…“.

Le courrier du 4 avril 2003 répond aux exigences du § 249, alinéa 1er en ce qu’il indique clairement l’auteur dont il émane, à savoir le demandeur lui-même.

Le § 249, alinéa 2 requiert que la formulation de la réclamation fasse ressortir que le contribuable se considère lésé par le bulletin d’impôt en cause et qu’il sollicite un réexamen de son imposition. Cet alinéa commande « une interprétation large de la notion de « réclamation ». Toutes les fois que la réclamation est celle qui présente de l’intérêt pour le contribuable, sa déclaration doit être considérée comme expression de sa volonté d’exercer un recours contentieux. Au besoin il faut que l’administration se renseigne auprès du contribuable sur le sens à donner à sa déclaration »2. En l’espèce, dans son écrit sous analyse, le demandeur prend note que le bureau d’imposition a procédé à une augmentation de son revenu commercial, il précise que son revenu commercial à prendre en considération est celui indiqué dans sa déclaration d’impôt et non celui fixé par le bureau et enfin il demande une imposition rectificative pour 2001, de sorte que les conditions exigées par l’alinéa 2 sont également remplies. On ne saurait déduire du simple emploi des termes « imposition rectificative », la volonté du contribuable d’avoir introduit une demande en retrait ou 2 La procédure contentieuse en matière d’impôts directs, Jean Olinger, Etudes fiscales, novembre 1989, Nos 81-

85, p.60. point 76 modification du bulletin d’impôt au sens du § 94 AO3, sans replacer la demande introduite dans son contexte général. A ce sujet, dans son article de doctrine précité, Monsieur OLINGER fait remarquer : « La qualification donnée par le contribuable à sa déclaration, si elle est importante, n’est pas toujours déterminante. En aucun cas les déclarations obscures des contribuables ne doivent être interprétées de la façon la plus favorable, la moins fastidieuse pour l’administration4 ». En plus « l’instruction concernant les voies de recours », telle qu’exigée par le § 211 AO5, inscrite sur le verso du bulletin d’impôt renseigne comme unique voie de recours possible celle de la réclamation et ne renseigne pas du tout la possibilité de recourir au § 94 AO. Enfin l’application du § 94 AO requiert le consentement du contribuable, de sorte qu’en l’espèce au vu des doutes émis par le bureau d’imposition et les renseignements supplémentaires exigées sur la situation de Monsieur …, il apparaît que l’accord entre l’administration et le contribuable, cependant indispensable à l’application de cette disposition, fasse défaut, de sorte qu’on peut valablement admettre que la situation se résume en une situation de conflit ne pouvant être toisée que par une décision directoriale.

Le § 249, alinéa 3 AO exige que la réclamation est à introduire auprès du bureau lequel qui a émis la décision litigieuse. En l’espèce il est constant que la réclamation a été adressée audit bureau d’imposition, de sorte que le § 249, alinéa 3 AO a été respecté en l’espèce.

Etant donné que les exigences de forme contenues au § 249, alinéa 4 ne présentent pas de caractère contraignant, le contrôle de légalité de la demande introduite par rapport à ces exigences est superfétatoire.

De tout ce qui précède il résulte que le courrier du 4 avril 2003 introduit par Monsieur … auprès du bureau d’imposition Luxembourg IV est à qualifier de réclamation.

Il en résulte que conformément aux dispositions combinées du § 228 AO et de l’article 8, paragraphe 3, point 3 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 précitée, le tribunal administratif est compétent pour connaître du recours principal en réformation en ce qu’il entend déférer au tribunal le bulletin de l’impôt sur le revenu 2001 émis le 27 mars 2003.

Le recours introduit en date du 20 février 2004 n’est pas prématuré étant donné qu’aucune réponse du directeur n’est intervenue dans un délai de 6 mois à partir de la demande, à savoir en l’espèce à partir du 4 avril 2003, de sorte que le demandeur a pu s’adresser valablement au tribunal administratif. A ce sujet il importe peu de savoir si le directeur a été effectivement saisi de la réclamation afin de prendre une décision y relative, dans la mesure où la réclamation introduite répond aux exigences légales en la matière, de sorte que le tribunal ne saurait se livrer à d’autres vérifications non prévues par la loi. C’est dès lors à bon droit que la partie publique souligne que le directeur est saisi d’une réclamation dès qu’elle est introduite auprès du bureau d’imposition qui a émis le bulletin litigieux, même si de fait le bureau d’imposition omet de continuer la réclamation au directeur et que le délai 3 L’article § 94, alinéa 1er AO dispose : « Les bulletins d’impôt … ne peuvent être retirés ou modifiés qu’à la double condition que le contribuable y consente expressément et qu’il ne se trouve pas forclos dans le cadre d’un recours contentieux ».

4 La procédure contentieuse en matière d’impôts directs, Jean Olinger, Etudes fiscales, novembre 1989, Nos 81-

85, p.60. point 76 5 Le paragraphe 211 dispose : „ Sie [Steuerbescheide] müssen ferner enthalten: 1. eine Belehrung, welches Rechtsmittel zulässig ist und binnen welcher Frist und bei welcher Behörde es einzulegen ist..“ de 6 mois ouvrant la possibilité d’introduire un recours devant le tribunal court à partir de l’introduction de la réclamation.

A cela s’ajoute que le § 299 AO applicable en matière de réclamation, précise que „Richtet sich die Anfechtung gegen einen Bescheid, den eine Hilfstelle des Steueramts erlassen hat, so ist, soweit die Hilfstelle den Bescheid weder zurücknehmen noch ändern will, das Steueramt zur Rücknahme oder Änderung befugt. Macht das Steueramt von dieser Befugnis keinen Gebrauch, so hat es die Sache dem Steuerdirektor vorzulegen “, de sorte qu’il aurait appartenu au bureau d’imposition de transmettre la réclamation au directeur. A ce titre c’est dès lors également à bon droit que la partie demanderesse soulève qu’elle ne saurait subir un quelconque préjudice du fait que sa réclamation ne semble pas avoir été transmise par ledit bureau au directeur.

De tout ce qui précède il découle que le recours est recevable pour suffire aux conditions de forme et de délai.

Quant au fond Monsieur … fait valoir au fond que la taxation d’office de son bénéfice commercial serait irrégulière.

La base légale de la taxation d’office se trouve au § 217 AO qui dispose :

« 1.

Soweit das Finanzamt die Besteuerungsgrundlagen (einschliesslich solcher Besteuerungsgrundlagen, für die eine gesonderte Feststellung nicht vorgeschrieben ist) nicht ermitteln oder berechnen kann, hat es sie zu schätzen. Dabei sind aller Umstände zu berücksichtigen, die für die Schätzung von Bedeutung sind.

2.

Zu schätzen ist insbesondere dann, wenn der Steuerpflichtige über seine Angaben keine ausreichenden Aufklärungen zu geben vermag oder weitere Auskunft oder eine Versicherung an Eides Statt verweigert. Das Gleiche gilt, wenn der Steuerpflichtige Bücher oder Aufzeichnungen, die er nach den Steuergesetzten zu führen hat, nicht vorlegen kann oder wenn die Bücher oder Aufzeichnungen unvollständig oder formell oder sachlich unrichtig sind.“ D’une part la taxation doit permettre aux instances d’imposition qui ont épuisé toutes les possibilités d’investigation sans pouvoir élucider convenablement tous les éléments matériels du cas d’imposition, d’arriver néanmoins à la fixation de l’impôt, à laquelle elles ne peuvent guère se soustraire. D’autre part la taxation ne doit pas être considérée comme une mesure de sanction à l’égard des contribuables. Elle constitue un procédé de détermination des bases d’imposition qui est appliqué même à l’égard des contribuables soigneux et diligents6.

Il résulte des pièces versées que le bureau d’imposition a adressé en date du 26 février 2003 une lettre à Monsieur et Madame … ayant la teneur suivante :

6 Cf. La procédure contentieuse en matière d’impôts directs, Jean Olinger, Etudes fiscales, novembre 1989, Nos 81-85, p.116, point 90, cf. TA 15 décembre 2003, Pas. adm. 2004, V° Impôts, sous Procédure administrative, n°300 et 304, p. 435.

« … Ayant effectué une analyse des revenus et des dépenses par vous , les recettes indiquées de votre part s’avèrent insuffisantes, de sorte qu’à la suite d’une comparaison de fortune, une ajoute de recettes de l’ordre de 2.500.000 Flux (61.973 Euros) sera imposée sub bénéfice commercial Vous voudrez me signaler vos objections éventuelles par écrit (avec pièces à l’appui) pour le 17.03.2003 au plus tard.

Je vous prie également de bien vouloir remettre la déclaration ci-jointe concernant l’impôt sur le revenu…».

En date du 27 mars 2003, le bureau procéda à l’imposition du revenu en majorant le bénéfice commercial déclaré d’un montant de 2.500.000 Luf.

Etant donné que Monsieur … conteste avoir reçu avant l’imposition effectuée la lettre citée ci-avant du 26 février 2003, il n’a pas pu produire avant l’émission du bulletin d’impôt litigieux des pièces ou autres éléments de preuve permettant à l’administration d’apprécier objectivement les recettes et dépenses déclarées, de sorte qu’il y a lieu de constater que le bureau d’imposition, en se basant uniquement sur une comparaison de fortune pour procéder à la majoration litigieuse du bénéfice commercial, n’a pas épuisé toutes les possibilités d’investigation afin de pouvoir élucider convenablement tous les éléments matériels du cas d’imposition, de sorte que la taxation d’office opérée de manière unilatérale sans qu’il ne soit établi que le contribuable ait pu valablement prendre position, ne satisfait pas aux conditions légales imposées par le § 217 AO.

Il y a lieu d’ajouter que, compte tenu de l’effet dévolutif de la réclamation, le tribunal ne saurait pas tenir compte des demandes de renseignements supplémentaires adressées par le bureau d’imposition à Monsieur … après l’introduction par celui-ci d’une réclamation à l’encontre du bulletin litigieux, étant donné que le bureau d’imposition se trouvait dessaisi du dossier dès l’introduction de la réclamation, sous peine de concurrencer la compétence du directeur.

Même dans le cas où le juge est amené à statuer sur un recours en réformation, il peut se limiter à ne prononcer que l'annulation de la décision critiquée et à renvoyer l'affaire devant l'administration. Dans le cadre du recours en réformation, il y a dès lors lieu d’annuler le bulletin d’impôt déféré en raison de la majoration du bénéfice commercial effectuée.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, écarte les mémoires en réponse et en réplique ;

au fond déclare le recours justifié, partant dans le cadre du recours en réformation annule le bulletin d’impôt déféré en raison de la majoration du bénéfice commercial effectué ;

renvoie l’affaire devant le directeur de l’administration des Contributions directes en vue de sa transmission au bureau d’imposition compétent en prosécution de cause ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par et prononcé à l’audience publique du 13 décembre 2004 :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 15.12.2004 Le Greffier en chef du Tribunal administratif 10


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17626
Date de la décision : 13/12/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-12-13;17626 ?

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