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08/12/2004 | LUXEMBOURG | N°18511

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 décembre 2004, 18511


Tribunal administratif N° 18511 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 août 2004 Audience publique du 8 décembre 2004

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Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18511 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 6 août 2004 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de

M. …, né le … à Média (Algérie), de nationalité algérienne, demeurant actuellement à …, tendant à la réf...

Tribunal administratif N° 18511 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 août 2004 Audience publique du 8 décembre 2004

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Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18511 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 6 août 2004 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M. …, né le … à Média (Algérie), de nationalité algérienne, demeurant actuellement à …, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice intervenue le 12 mai 2004 rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, telle que cette décision a été confirmée par ledit ministre le 7 juillet 2004, suite à un recours gracieux du demandeur ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 septembre 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en sa plaidoirie.

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En date du 24 février 2004, M. … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

M. … fut entendu le 22 avril 2004 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 12 mai 2004, le ministre de la Justice l’informa que sa demande d’asile avait été refusée. Cette décision est libellée comme suit :

« Il résulte de vos déclarations que vous auriez quitté l’Algérie en janvier 2004, avec votre cousin Samir. Vous auriez pris place dans un conteneur qui aurait été placé sur un bateau. A l’arrivée du bateau à destination, vous vous seriez caché dans un camion et vous vous seriez réveillé au Luxembourg.

Vous avez déposé votre demande en obtention du statut de réfugié le 24 février 2004.

Vous n’auriez pas fait votre service militaire. On vous aurait convoqué en 2000, mais vous n’auriez pas eu envie d’y aller et cela ne vous aurait posé aucun problème.

Vous dites n’avoir jamais appartenu à un parti politique, mais avoir, en 1999, participé à une manifestation destinée « à faire connaître la situation de votre pays ». La manifestation se serait déroulée sans incident.

Vous expliquez que vous connaissiez des jeunes gens qui sont morts, tués par des terroristes. En 1995, vous auriez été arrêté avec un ami par la police, alors que vous nagiez tranquillement. Vous auriez été frappés seulement parce que vous auriez dit être originaire de Média, région de terroristes. Votre ami aurait eu « des morceaux de peau coupés ». Vous dites n’avoir aucun avenir en Algérie. Vous n’auriez aucun travail fixe depuis 1999, vivant seulement d’expédients.

Il y a d’abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu‘elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Je vous rends attentif au fait que, pour invoquer l’article 1er A,2 de la Convention de Genève, il faut une crainte justifiée de persécutions en raison de vos opinions politiques, de votre race, de votre religion, de votre nationalité ou de votre appartenance à un groupe social et qui soit susceptible de vous rendre la vie intolérable dans votre pays.

Je constate que vous n’avez jamais eu personnellement de menaces de la part des terroristes que vous craignez. Vos problèmes avec la police, à les supposer crédibles, sont trop anciens pour qu’on puisse en tenir compte. Par contre, ce qui est sûr c’est que vous êtes sans travail et que des motifs économiques sous tendent votre demande d’asile.

Or, selon l’article 9, alinéa 1 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

Des problèmes économiques ne répondent pas aux critères de fond de la Convention précitée.

Une demande qui peut être déclarée manifestement infondée sur base de l’article 9 précité peut également être déclarée non fondée sur base de l’article 11 de la même loi.

Il résulte de ce qui précède que votre demande en obtention du statut de réfugié est refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne sauriez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

Suite à un recours gracieux introduit par lettre de son mandataire le 16 juin 2004 et à une décision confirmative de son refus initial prise par le ministre de la Justice le 7 juillet 2004, M. …, par requête déposée le 6 août 2004, a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation des deux décisions prévisées du ministre de la Justice des 12 mai et 7 juillet 2004.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre les décisions ministérielles critiquées. – Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est irrecevable.

Le recours principal en réformation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond, le demandeur reproche en substance au ministre de la Justice d’avoir commis une erreur d’appréciation et une mauvaise application de la loi en refusant sa demande d’asile. Il soutient remplir les conditions pour être admis au statut de réfugié, au motif qu’il « a refusé d’intégrer à l’armée suite à plusieurs convocations en ce sens », de sorte qu’il serait considéré comme étant « déserteur ». Le demandeur n’ajoute pas d’autre précision ni d’élément d’appréciation, se limitant à ajouter que son pays d’origine ne présenterait « aucune garantie pour établir sa sécurité ».

Le représentant étatique soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, une crainte de persécution doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur d’asile risque de subir des persécutions et force est de constater que l’existence de pareils éléments ne se dégage pas des éléments d’appréciation soumis au tribunal.

En effet, il se dégage du rapport dressé lors de son audition du 22 avril 2004 par un agent du ministère de la Justice que M. … a essentiellement été mû par des considérations d'ordre économique et un sentiment d’inconfort, dès lors qu'il a exposé avoir quitté son pays parce qu’il était sans travail depuis 1999, qu’il connaissait des problèmes financiers et s’inquiétait de son avenir.

En ce qui concerne l’état d’insoumission du demandeur, seul véritable motif de persécution concrètement invoqué dans le cadre de son recours contentieux, force est de constater que ni l’insoumission ni la désertion ne sont, en elles-mêmes, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu’elles ne sauraient, à elles seules, fonder dans le chef du demandeur une crainte justifiée d’être persécuté pour un des motifs prévus par la Convention de Genève et qu’il ne ressort pas des éléments d’appréciation soumis au tribunal que l’intéressé a risqué ou risquerait une condamnation à une peine disproportionnée par rapport à la gravité de pareille infraction, l’intéressé ayant expressément déclaré lors de son audition ne pas avoir connu de problèmes en raison de son insoumission.

Enfin, un climat général d’insécurité régnant dans le pays d’origine du demandeur, motif de persécution et de fuite qui a été effleuré dans la requête introductive d’instance, ne saurait fonder à lui seul une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève, étant donné que le demandeur ne relève qu’un sentiment général d’insécurité et non pas la preuve d’une persécution subie ou d’un risque concret qu’il subisse individuellement une persécution susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge et lu à l’audience publique du 8 décembre 2004 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 18511
Date de la décision : 08/12/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-12-08;18511 ?

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