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01/12/2004 | LUXEMBOURG | N°17690

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 01 décembre 2004, 17690


Tribunal administratif N° 17690 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 mars 2004 Audience publique du 1er décembre 2004 Recours formé par les époux … et … et consorts, … contre une décision du bourgmestre de la commune de Luxembourg en matière de permis de construire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17690 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 3 mars 2004 par Maître Claudie PISANA, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de :

1) Monsieur …, fonctionnaire europée

n, et son épouse Madame …, sans profession, les deux demeurant ensemble à L-…, 2) Monsieur …...

Tribunal administratif N° 17690 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 mars 2004 Audience publique du 1er décembre 2004 Recours formé par les époux … et … et consorts, … contre une décision du bourgmestre de la commune de Luxembourg en matière de permis de construire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17690 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 3 mars 2004 par Maître Claudie PISANA, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de :

1) Monsieur …, fonctionnaire européen, et son épouse Madame …, sans profession, les deux demeurant ensemble à L-…, 2) Monsieur …, expert-comptable, demeurant à L-…, 3) Madame …, sans profession connue, demeurant à L-…, propriétaire de l’immeuble sis à L-…, 4) Monsieur …, ouvrier, demeurant à L-…, 5) Monsieur …, ouvrier, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du bourgmestre de la Ville de Luxembourg du 10 janvier 2003, délivrant à l’établissement de droit public Entreprise des Postes et Télécommunications une autorisation pour l’agrandissement du centre de télécommunications sis à Luxembourg 1, rue Yolande ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Lou THILL, demeurant à Luxembourg, du 11 mars 2004, portant signification de la prédite requête à l’administration communale de la Ville de Luxembourg, établie à Luxembourg, 42, Place Guillaume, et à l’établissement de droit public Entreprise des Postes et Télécommunications, établi à L-

2020 Luxembourg, 8a, avenue Monterey ;

Vu la constitution d’avocat de la part de Maître Jean MEDERNACH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour l’administration communale de la Ville de Luxembourg, déposée au greffe du tribunal administratif en date du 23 mars 2004 ;

Vu le courrier de Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 29 mars 2004, portant information qu’il a mandat d’occuper pour l’établissement public de droit public Entreprise des Postes et Télécommunications ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 28 mai 2004 par Maître Jean MEDERNACH en nom et pour compte de l’administration communale de la Ville de Luxembourg, lequel mémoire a été notifié par voie de télécopie le 27 mai 2004 aux mandataires constitués des demandeurs et de l’établissement de droit public Entreprise des Postes et Télécommunications ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 7 juin 2004 par Maître Georges KRIEGER en nom et pour compte de l’établissement de droit public Entreprise des Postes et Télécommunications ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 7 juin 2004, portant signification du prédit mémoire en réponse aux demandeurs en leur domicile élu et à l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 22 juin 2004 par Maître Claudie PISANA en nom et pour compte des demandeurs, lequel mémoire a été notifié par voie de télécopie le même jour aux mandataires constitués de l’administration communale de la Ville de Luxembourg et de l’établissement de droit public Entreprise des Postes et Télécommunications ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 7 juillet 2004 par Maître Jean MEDERNACH en nom et pour compte de l’administration communale de la Ville de Luxembourg, lequel mémoire a été notifié par voie de télécopie le même jour aux mandataires constitués des demandeurs et de l’établissement de droit public Entreprise des Postes et Télécommunications ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maîtres Claudie PISANA, Christian POINT, en remplacement de Maître Jean MEDERNACH, et Georges KRIEGER, en leurs plaidoiries respectives.

En date du 4 août 1999, la société GEHL JACOBY & ASSOCIES Ingénieurs-

Conseils s.à r.l. sollicita pour compte de l’établissement de droit public Entreprise des Postes et Télécommunications, ci-après dénommé « l’entreprise des P&T », une autorisation de principe relative à l’agrandissement du centre de télécommunications sis à Luxembourg, 1, rue Yolande.

En date du 22 mars 2000, le bourgmestre de la Ville de Luxembourg, ci-après dénommé « le bourgmestre », délivra un accord de principe pour un projet d’agrandissement dudit centre de télécommunications, prolongé suivant autorisation du 18 juin 2001.

Suivant autorisation de bâtir n° 694.5B.2002 du 10 janvier 2003, le bourgmestre accorda à l’entreprise des P&T l’autorisation pour l’agrandissement du centre de télécommunications sis 1, rue Yolande à Luxembourg sous respect d’un certain nombre de conditions.

Suivant courrier du 3 décembre 2003, entré en les services de la Ville de Luxembourg en date du 12 décembre 2003, les demandeurs, ensemble avec un certain nombre d’autres personnes ont introduit « un recours contre l’autorisation de bâtir » de la teneur suivante :

« Monsieur le bourgmestre de la Ville de Luxembourg, Les soussigné(e)s tiennent par la présente à former un recours contre l’autorisation de bâtir que vous avez accordée à l’entreprise des P&T relative à l’agrandissement du centre de télécommunications situé 1, rue Yolande, L-2761 Luxembourg.

L’autorisation n’est pas conforme à la partie écrite du règlement des bâtisses qui prévoit que les constructions admises sur les terrains réservés doivent s’intégrer d’une façon harmonieuse dans le tissu urbain. En l’espèce le gigantisme de la construction constitue une violation flagrante de ce principe. En outre le paragraphe F1g du règlement sur les bâtisses n’est pas respecté vu que les couleurs y prévues ne concordent pas avec la partie graphique du plan d’aménagement général. La construction de ce central engendrera un trafic routier accrû qui constituera un danger pour les enfants fréquentant l’école rue Yolande.

Nous vous demandons d’annuler l’autorisation de bâtir dont question ».

Suivant courrier du 2 février 2004, le bourgmestre répondit de la façon suivante :

« Par lettre collective du 3 décembre 2003 vous avez introduit un recours contre l’autorisation de bâtir du 10 janvier 2003, relative à l’agrandissement de la centrale téléphonique implantée aux abords de la rue Yolande tout en demandant l’annulation de cette autorisation.

Tout d’abord, je voudrais vous faire savoir que conformément au règlement grand-ducal du 8 juin 1979, relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, les recours contre une décision administrative sont à présenter au Tribunal administratif, par requête signée d’un avocat, ceci dans un délai de trois mois.

Ceci dit, je ne voudrais toutefois pas manquer de répondre à vos diverses remarques formulées pour préciser que le site critiqué est réservé par le plan d’aménagement général aux édifices et installations publics. Il est régi par les dispositions de l’article F.1a) de la partie écrite du PAG et non par les dispositions de l’article F.1.g) comme vous l’assumez erronément dans votre courrier. Il n’y a donc pas de divergence entre les parties écrite et graphique du plan d’aménagement général.

Les terrains entourant la parcelle abritant le Centre de Télécommunications se situent tous dans un secteur défini par le PAG de la Ville comme zone d’habitation 3. Le projet autorisé tient compte des critères de la partie écrite du PAG régissant cette zone d’habitation 3, notamment pour ce qui est de la hauteur de construction ainsi que des reculs sur les limites. Il ne peut donc être question de non-intégration dans le voisinage.

En ce qui concerne la procédure d’autorisation, je vous prie de noter que la Ville a été saisie depuis le 4 août 1999, d’une demande en autorisation pour l’agrandissement du Centre de Télécommunications aux abords de la rue Yolande. Cette demande a été instruite par le service de la police des bâtisses et en date du 22 mars 2000 un accord de principe a été délivré. Les voisins ayant manifesté leur intérêt au projet ont été informés de l’octroi de cet accord de principe.

Les mêmes personnes ont été informées par lettre du 28 novembre 2002 de l’intention de la Ville de délivrer une autorisation de bâtir tout en leur accordant le droit de consulter le dossier.

En date du 10 janvier 2003, l’autorisation de bâtir définitive a été délivrée alors que le projet a été jugé conforme aux prescriptions réglementaires régissant les constructions admises sur un terrain réservé aux édifices et installations publics. Les voisins intéressés ont été informés de l’octroi de cette autorisation de bâtir avec indication des moyens de recours.

Aucun recours n’a été introduit à l’encontre de cette autorisation de bâtir dans les délais prévus par la loi.

En ce qui concerne vos craintes quant à la circulation dans la rue Yolande, je vous prie de noter que la rue visée est une rue à circulation interdite.

Espérant que ces quelques renseignements sont de nature à apaiser vos inquiétudes, je vous prie de croire, Madame, Monsieur, à l’assurance de ma considération distinguée ».

Par requête du 3 mars 2004, Monsieur … et son épouse Madame …, Monsieur …, Madame …, Monsieur … et Monsieur … ont fait introduire un recours en annulation contre l’autorisation de construire prévisée du bourgmestre du 10 janvier 2003.

L’entreprise des P&T soulève en premier lieu l’irrecevabilité pour cause de tardiveté du recours en faisant valoir que le recours aurait dû être introduit avant le 3 février 2004, au motif que les demandeurs auraient été informés de la délivrance de l’autorisation de construire litigieuse en date du 3 novembre 2003, premier jour d’affichage de la décision dans le cadre de la procédure « commodo-incommodo », tel que cela ressortirait de la requête introductive sur ce point. L’administration communale de la Ville de Luxembourg se rapporte à prudence de justice tout en donnant à considérer que l’autorisation attaquée a été délivrée 14 mois avant l’introduction du recours.

L’article 13 (1) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives vise directement l’hypothèse où l’auteur de la décision en question, en vertu des dispositions légales ou réglementaires qui lui en font l’obligation, sinon spontanément, a porté à la connaissance des parties tierces intéressées l’existence de la décision en question d’une façon à permettre à l’administré concerné d’en vérifier les éléments essentiels concernant son contenu de façon à engager utilement, le cas échéant, une procédure contentieuse (cf. trib. adm. 21 mai 2001, n° 12517 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Procédure contentieuse, n° 124 et autres références y citées) – Il appartient à l’administration de prouver l’existence de la formalité qui a pu faire courir le délai du recours contentieux. La partie qui se prévaut de la tardiveté de l’exercice d’une action en justice a la charge de la preuve que la partie demanderesse a eu une connaissance adéquate de la décision attaquée pendant un laps de temps supérieur au délai légal pour exercer un recours contentieux (cf. Cour adm. 15 mars 2001, n° 12137C du rôle, Pas. adm. 2004, V° Procédure contentieuse, n° 124 et autres références y citées).

Dès l’affichage de l’autorisation de construire, les tiers intéressés ont la possibilité de s’enquérir auprès de l’auteur de ladite décision sur le contenu de celle-ci, de sorte que c’est à partir de cet affichage que le délai de recours contentieux commence à courir (cf.

trib. adm. 9 juillet 2002, n° 9727 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Procédure contentieuse, n° 130).

La réclamation faite dans les trois mois contre une décision administrative a pour effet de reporter le point de départ du délai du recours contentieux à la date de la notification de la nouvelle décision statuant sur cette réclamation. Le délai du recours contentieux ne peut en principe être interrompu qu’une seule fois à la suite de l’introduction, dans le délai légal, d’un recours gracieux, à moins que l’autorité compétente ne consente à ouvrir l’instruction et à réexaminer la cause, à condition qu’elle se trouve en présence d’éléments nouveaux, c’est-à-dire de faits s’étant produit à la suite de la première décision et qui sont de nature à modifier la situation personnelle du demandeur (cf. trib. adm. 3 avril 1997, n° 9753 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Procédure contentieuse, n° 110 et autres références y citées).

Concernant le point de départ du délai pour agir à l’encontre de l’autorisation litigieuse du 10 janvier 2003, il convient de retenir en premier lieu qu’aucun des demandeurs actuels n’a été directement informé de la délivrance de l’autorisation de construire litigieuse, et ceci contrairement à d’autres voisins du site litigieux qui s’étaient manifestés à la suite de l’introduction de la demande en autorisation.

Comme les demandeurs sont en aveu que l’autorisation litigieuse a été portée à leur connaissance suite à l’affichage « de la procédure de commodo et incommodo », apparemment entre le 3 et 17 novembre 2003, il échet de retenir que les demandeurs n’ont eu connaissance de l’existence de l’autorisation qu’au plutôt en date du 3 novembre 2003, de sorte que le délai du recours contentieux n’a commencé à courir qu’à partir de cette date.

Pour le surplus, c’est également à juste titre que les demandeurs soutiennent que leur courrier du 3 décembre 2003, enregistré en les services de la Ville de Luxembourg en date du 12 décembre 2003, est à considérer comme réclamation respectivement recours gracieux à l’encontre de l’autorisation délivrée ayant pour effet de reporter le point de départ du recours contentieux à la date de la nouvelle décision statuant sur cette réclamation, en l’espèce le 2 février 2004. En effet, dans le prédit courrier du 3 décembre 2003, les demandeurs soutiennent que l’autorisation délivrée ne serait pas conforme à « la partie écrite du règlement des bâtisses de la Ville de Luxembourg » et qu’elle engendrerait un trafic routier accru qui constituerait un danger pour les enfants fréquentant l’« école rue Yolande » et ils sollicitent l’annulation de l’autorisation litigieuse. Dans ce contexte, c’est à tort que l’entreprise des P&T soutient que la réponse du bourgmestre du 2 février 2004 ne serait pas à considérer comme décision par rapport à la réclamation introduite, étant donné que le bourgmestre, tout en rappelant qu’un recours contre une décision administrative est à présenter dans un délai de trois mois, répond aux doléances contenues dans le courrier précité du 3 décembre 2003, de sorte que le point de départ du délai du recours contentieux a été reporté au 2 février 2004.

Il s’ensuit que le moyen tiré de la tardiveté du recours laisse d’être fondé et que le recours sous examen, introduit en date du 3 mars 2004 l’a été dans le délai de recours légal.

L’administration communale de la Ville de Luxembourg dénie ensuite aux demandeurs un intérêt suffisamment caractérisé pour agir contre l’autorisation litigieuse, au motif que le projet autorisé par la décision attaquée n’aurait une quelconque incidence concrète sur leur situation de voisin respectivement que le permis de construire litigieux ne serait pas susceptible de leur causer un préjudice nettement individualisé.

Toute partie demanderesse introduisant un recours contre une décision administrative doit justifier d’un intérêt personnel et distinct de l’intérêt général. Si les voisins proches ont un intérêt évident à voir respecter les règles applicables en matière d’urbanisme, cette proximité de situation constitue un indice pour établir l’intérêt à agir, mais ne suffit pas à elle seule pour le fonder. Il faut de surcroît que l’inobservation éventuelle de ces règles soit de nature à entraîner une aggravation concrète de leur situation de voisins (cf. trib. adm. 22 janvier 1997, confirmé par Cour adm. du 24 juin 1997, Pas. adm. 2004, V° Procédure contentieuse, n° 22 et autres références y citées).

En l’espèce, Madame … est propriétaire d’un immeuble situé dans les alentours immédiats du centre de télécommunications litigieux et les autres demandeurs sont des voisins proches de la construction litigieuse, tel que cela ressort de la partie graphique du plan d’aménagement général de la Ville de Luxembourg, ci-après dénommé le « PAG ».

Si la seule qualité de propriétaire voisin d’une parcelle contiguë n’est pas suffisante en tant que telle, l’intérêt à agir existe si les dimensions de la construction autorisée égalisent au total approximativement l’entière profondeur de la parcelle du demandeur, ensemble l’impact visuel afférent (cf. trib. adm. 6 mai 2002, n° 14067 du rôle, confirmé par Cour adm. 17 décembre 2002, 15033C du rôle, Pas. adm. 2004, V° Procédure contentieuse, n° 28).

A qualité et intérêt à agir à l’encontre d’une autorisation de construire le voisin direct longeant le terrain devant accueillir la construction projetée et ayant une vue immédiate sur celui-ci (cf. trib. adm. 4 juin 1997, n° 9278 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Procédure contentieuse, n° 23). - Même un second voisin justifie d'un intérêt à agir lorsque la construction litigieuse se trouve dans son champ de vision direct (cf. trib adm.

9 novembre 1998, n° 10400 du rôle, confirmé par Cour adm. 30 mars 1999 n° 11028C et 11037C du rôle, Pas. adm. 2004, V° Procédure contentieuse, n° 23). - En se basant sur des considérations de vue tirées d'arguments relatifs au recul, à l'emplacement, au nombre de niveaux et à la hauteur de la construction du titulaire d'une autorisation de construire, les voisins directs et immédiats, dont la construction se trouve dans le champ de vision réciproque par rapport à celui du titulaire du permis de construire, justifient d'un intérêt personnel, direct et légitime suffisant à voir contrôler la conformité du permis aux dispositions réglementaires en vigueur, dans la mesure où les irrégularités invoquées sont de nature à aggraver leur situation de voisins, leur intérêt ne se confondant pas avec l'intérêt général (cf. trib. adm. 15 juillet 1997, n° 9842 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Procédure contentieuse, n° 23).

En l’espèce, au vu de l’envergure du projet litigieux, ayant une surface au sol d’approximativement 24 x 34 mètres et une hauteur de plus de 10 mètres, et en considération du fait que les immeubles des demandeurs ne sont situés qu’à quelques dizaines de mètres de la construction litigieuse, il y a lieu de retenir que ceux-ci se prévalent d’un intérêt à agir suffisant et que le moyen d’irrecevabilité afférent de l’administration communale de la Ville de Luxembourg est à rejeter.

Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de leur recours, les demandeurs exposent que leurs immeubles seraient situés dans la zone d’habitation 3 du PAG et que l’immeuble faisant l’objet de l’autorisation de construire du 10 janvier 2003 serait prévu dans une zone représentée par la couleur bleue claire à la partie graphique du PAG et réservée selon la partie F.1. dudit PAG « aux édifices et installations publics ( bâtiments et administrations publics, églises, écoles, théâtres, centres culturels, parkings publics et de quartier, etc.) ». Or, comme l’entreprise des P&T n’aurait plus depuis l’année 1992 le statut d’administration publique, la construction envisagée ne pourrait plus ranger dans la catégorie des bâtiments publics, d’autant plus que « les règlements de police, tels le PGA sont d’interprétation stricte ».

Pour le surplus, aux termes dudit article F.1. du PAG, les constructions à ériger devraient s’intégrer de façon harmonieuse dans le tissu urbain environnant ce qui ne serait pas le cas en l’espèce, au motif que le projet litigieux ne tiendrait pas compte des critères imposés pour la zone d’habitation 3 et plus particulièrement ne serait pas implanté dans une bande de 15 mètres de profondeur à partir de l’alignement de construction, d’autant plus qu’il y aurait une incertitude quant au choix du matériel des façades de la construction projetée.

L’administration communale de la Ville de Luxembourg estime de son côté que le projet litigieux est éligible en zone F.1. a) du PAG en tant qu’édifice respectivement installation publique « ceci sous le chapeau général de l’article F.1. qui réserve cette zone aux équipements publics ou privés d’utilité générale ». Ledit article F.1.a) donnerait une énumération exemplative et non exhaustive de bâtiments pouvant être érigés dans cette zone, « c’est-à-dire des édifices destinés à la satisfaction d’intérêts autres que ceux du seul propriétaire des constructions comme répondant à un but d’utilité générale ou publique imprimant aux édifices et installations un caractère public ». Or, en l’occurrence l’installation serait publique, puisqu’en tant que centrale téléphonique, s’y effectueraient les commutations entre abonnés et elle profiterait à un nombre indéterminé de personnes auxquelles l’usage et le bénéfice des installations ne pourraient être refusés.

Il s’ensuivrait que la qualité et le statut de l’entreprise des P&T ne serait pas d’une importance capitale, alors qu’il ne saurait être nié que ladite entreprise poursuit une mission d’utilité générale imprimant à ces installations et édifices un caractère public indéniable.

Finalement, le projet s’intégrerait encore de façon harmonieuse dans le tissu urbain environnant, d’autant plus qu’il ne serait pas exigé que le projet respecte tous les critères imposés par les zones environnantes, mais uniquement les règles de la zone F.1.a) et la faible envergure de l’agrandissement et du bâtiment existant permettrait d’assurer « une intégration au milieu de bâtiments dont les dimensions sont plus grandes, notamment en hauteur ».

L’entreprise des P&T insiste sur le fait que le terrain sur lequel est situé à l’heure actuelle la centrale de télécommunications est un terrain réservé tombant sous l’article F.1.a) du PAG destiné à recevoir des équipements publics ou privés d’utilité générale, que même si elle n’a plus le statut d’administration elle disposerait du statut d’une entreprise publique et que les demandeurs ne préciseraient pas en quoi l’immeuble projeté ne s’intégrerait pas de façon harmonieuse dans le tissu urbain existant.

Dans leur mémoire en réplique, les demandeurs rétorquent que l’énumération contenue à l’article F.1.a) serait limitative, que les règle d’urbanisme seraient d’interprétation stricte, que le statut actuel de l’Entreprise des P&T serait d’une importance capitale et qu’on ne saurait plus admettre que celle-ci puisse bénéficier des privilèges accordés aux services publics, « alors que les autres opérateurs de téléphonie ne sauraient bénéficier des mêmes faveurs ». Pour le surplus, l’obligation d’intégration harmonieuse dans le tissu urbain environnant, inscrite à l’article F.1.du PAG, serait formulée d’une manière tellement vague que la seule manière légitime de procéder serait de se référer aux règles régissant la zone au milieu de laquelle l’établissement est censé être implanté, à savoir le secteur d’habitation 3 qui prescrit une bande de construction de 15 mètres à partir de l’alignement de construction.

L’administration communale de la Ville de Luxembourg, dans son mémoire en duplique, insiste de nouveau sur le fait que ce n’est pas le statut et la qualité du maître de l’ouvrage qui seraient prévus comme critère par l’article F.1.a) du PAG, mais la destination des bâtiments et installations autorisés ou autorisables. Pour le surplus, l’intégration harmonieuse du projet ne saurait être contestée, d’autant plus que la hauteur de l’agrandissement projeté serait inférieure à la hauteur maximale imposée par l’article A.3.4.a) du PAG, applicable aux zones d’habitation 3.

Concernant tout d’abord la compatibilité du projet avec le terrain destiné à l’accueillir, l’article F.1. du PAG, intitulé « les terrains réservés » énonce ce qui suit :

« Certaines parties du territoire de la Ville sont destinées à recevoir des équipements publics ou privés d’utilité générale.

Ces parties sont appelées terrains réservés :

a) terrains réservés aux édifices et installations publics (bâtiments et administrations publics, églises, écoles, théâtres, centres culturels, parkings publics et de quartier, etc.) représentés dans la partie graphique par la couleur bleu clair (…) ».

Comme il est constant en cause que le projet litigieux est prévu sur un « terrain réservé », il convient de se prononcer sur la compatibilité du centre de télécommunications projeté avec les critères énoncés à l’article F.1.a) du PAG. Dans ce contexte, c’est à juste titre que les parties défenderesses soutiennent que le statut de l’Entreprise des P&T n’est pas déterminant, étant donné que le fait qu’un centre de télécommunications soit construit et exploité par une personne de droit privé n’est pas de nature à lui enlever son caractère d’utilité publique, seul l’objet de l’entreprise devant être pris en considération pour déterminer si elle poursuit un objectif d’intérêt général (voir trib. adm. 16 décembre 2002, n° 14920 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Etablissements classés, n° 97). Sur ce point, c’est à tort que les demandeurs soutiennent que l’énumération prévue à l’article F.1.a) serait limitative et qu’il conviendrait d’interpréter de manière restrictive ladite règle d’urbanisme, étant donné que les édifices énumérés audit article F.1.a) sont suivis de la mention « etc. », spécifiant précisément que ladite énumération n’est pas limitative.

En l’espèce, il ne saurait être nié qu’un centre de télécommunications, implanté depuis longue date sur les lieux et sujet à un agrandissement, est à considérer comme installation publique respectivement équipement d’utilité générale et ceci au vu de la vocation primaire d’une centrale de télécommunications, qui consiste à favoriser la facilité des communications téléphoniques entre les abonnés, le fait que d’autres opérateurs, à côté de l’Entreprise des P&T, se soient installés sur ce marché n’étant pas de nature à enlever audit centre sa vocation d’installation publique.

Concernant ensuite l’intégration du projet dans le tissu urbain environnant, c’est à tort que les demandeurs soutiennent que le projet devait respecter les critères imposés à une construction implantée en zone d’habitation 3 du PAG, et notamment l’obligation d’implantation dans une bande de 15 mètres de profondeur, étant donné que les règles d’urbanisme d’une zone ne sauraient par principe s’appliquer à une autre zone.

Pour le surplus, l’inscription de l’exigence d’une intégration harmonieuse dans le tissu urbain environnant à l’article F.1., alinéa 3 du PAG pour une construction sur terrain réservé serait superflue si le projet litigieux devrait de toute façon respecter les critères imposés à une construction à ériger en zone d’habitation 3 du PAG et ledit PAG devrait alors expressément prévoir l’exigence mise en avant par les demandeurs, étant donné que les dispositions de la partie écrite d’un plan d’aménagement général, ensemble le règlement sur les bâtisses, constituent des mesures de police et sont d’interprétation restrictive (cf. trib. adm. 15 décembre 1998, n° 10655 et 10696 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Urbanisme, n° 3).

Finalement, les demandeurs restent en défaut de prouver concrètement en quoi l’envergure de la nouvelle construction ne s’intègre pas de façon harmonieuse dans le tissu urbain environnant, étant donné qu’il est constant en cause que ladite construction ne comporte que trois niveaux, à savoir un sous-sol, un rez-de-chaussée et un premier étage, et que de toute façon, elle ne dépasse pas la hauteur maximale autorisée pour les immeubles en zone d’habitation 3, à savoir une hauteur de façade sur rue de 11 mètres et demi.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé et que les demandeurs doivent en être déboutés.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare cependant non justifié, partant en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Campill, vice-président, M. Schroeder, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 1er décembre 2004 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Campill 11


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17690
Date de la décision : 01/12/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-12-01;17690 ?

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