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29/11/2004 | LUXEMBOURG | N°18418

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 novembre 2004, 18418


Tribunal administratif N° 18418 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 juillet 2004 Audience publique du 29 novembre 2004 Recours formé par les époux … et … et consorts, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18418 du rôle et déposée au greffe du tribunal administrative le 16 juillet 2004, par Maître Yvette NGONO YAH, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Albanie) et de son épouse, Ma

dame …-…, née le … (Albanie), agissant tant en leur nom personnel qu’en tant qu’administra...

Tribunal administratif N° 18418 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 juillet 2004 Audience publique du 29 novembre 2004 Recours formé par les époux … et … et consorts, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18418 du rôle et déposée au greffe du tribunal administrative le 16 juillet 2004, par Maître Yvette NGONO YAH, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Albanie) et de son épouse, Madame …-…, née le … (Albanie), agissant tant en leur nom personnel qu’en tant qu’administrateurs légaux de leurs enfants mineurs … et … …, tous de nationalité albanaise, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 6 avril 2004 rejetant leur demande en octroi du statut de réfugié comme étant non fondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 octobre 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 4 novembre 2004 par Maître Yvette NGONO YAH au nom des demandeurs ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment la décision entreprise ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 22 novembre 2004 en présence de Maître Yvette NGONO YAH et de Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH qui se sont référés à leurs écrits respectifs.

En date du 24 septembre 2003, Madame …-…, accompagnée de ses deux enfants … et …, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Son époux, Monsieur … introduisit une demande tendant aux mêmes fins en date du 27 octobre 2003.

Les époux …-… furent entendus chacun le jour de l’introduction de leurs demandes respectives par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur leur identité.

Les époux …-… furent entendus en outre séparément en date du 23 décembre 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de leurs demandes d’asile.

Par décision du 6 avril 2004, notifiée par voie de courrier recommandé expédié le 19 avril 2004, le ministre de la Justice informa les consorts …-… que leurs demandes avaient été refusées comme étant non fondées, étant donné que des motifs d’ordre économique ne sauraient fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève. Le ministre a retenu également que les mauvais rapports avec leurs belles-

familles respectives ne rentreraient pas non plus dans le cadre de la Convention de Genève et que la simple appartenance soit au parti démocratique, soit à l’association des persécutés ne leur aurait pas occasionné des persécutions caractérisées. Le ministre en déduit que leur demande ne répondrait à aucun des critères de fond tel que définis à l’article 1er , A, 2 de la Convention de Genève.

Sur recours gracieux introduit par courrier du mandataire des consorts …-… en date du 17 mai 2004, le ministre de la Justice confirma sa décision initiale en date du 11 juin 2004.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 16 juillet 2004, les consorts …-… ont fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation de la décision ministérielle prévisée du 6 avril 2004.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation qui est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les demandeurs font exposer qu’ils auraient collaboré à la préparation des élections de 1997 en tant que membres du parti démocratique, que pendant la campagne électorale ils auraient été persécutés et terrorisés et qu’après la victoire du parti socialiste, ils auraient été expulsés de leur logement. Dans la mesure où les persécutions, violences et autres mauvais traitements dont ils auraient été victimes auraient repris de plus belle après la mise en place d’un nouveau Gouvernement, ils auraient dès lors été contraints de quitter leur pays d’origine et de chercher refuge ailleurs. Ils reprochent ainsi au ministre de la Justice d’avoir mal apprécié la réalité du danger encouru en cas de retour en Albanie.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et que leur recours sous analyse laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels évènements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d’un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l’opportunité d’une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue.

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur d’asile, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur. Il appartient au demandeur d’asile d’établir avec la précision requise qu’il remplit les conditions prévues pour obtenir le statut de réfugié politique.

En l’espèce, force est de constater que c’est à juste titre que le ministre a relevé dans sa décision du 6 avril 2004, que les arguments avancés par les demandeurs à l’appui de leurs demandes d’asile s’analysent essentiellement en des motifs d’ordre économique et ne sauraient dès lors fonder une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève, étant donné que Monsieur …, interrogé s’il a personnellement subi des persécutions, a répondu « je ne suis pas persécuté, c’est juste un problème que je ne reçois pas de logement », de même qu’interrogé sur les raisons qui l’ont poussé à quitter l’Albanie, il a précisé que « j’ai décidé de partir du moment que j’étais sans emploi. Avant j’avais au moins assez pour manger, mais là je recevais juste une petite assistance sociale ».

Quant à Madame …, il se dégage encore de ses déclarations que son licenciement n’était pas un cas individuel, mais que tout le personnel de son entreprise fut licencié à la suite de la vente de cette entreprise, de même qu’interrogée sur des éventuels persécutions personnellement subies, elle a fait état du seul fait que son beau-père lui aurait dit « en face qu’Enver HOHA a bien fait de (les) persécuter ». Quant aux raisons indiquées en rapport avec la décision de quitter l’Albanie, elle a précisé, à l’instar de son époux, qu’elle espérait avoir un logement et pouvoir s’établir alors qu’à partir du moment où son mari ne travaillait plus, ils n’avaient plus rien et que c’était le désespoir.

S’il est certes vrai qu’à travers leur courrier du 10 mai 2004 adressé à leur mandataire après une entrevue dans le cabinet de ce dernier en date du 6 mai 2004, les demandeurs ont considérablement complété leur récit par rapport à leurs déclarations initiales en y ajoutant des détails de nature à écarter la conclusion du ministre relativement au caractère essentiellement économique de leurs demandes, force est cependant de constater qu’à défaut de tout élément de preuve tangible, cette évolution étonnante au niveau du récit présenté par les demandeurs, en l’absence de toute explication permettant d’éclaircir les raisons qui auraient amené les demandeurs à ne pas divulguer tous ces détails devant les autorités compétentes au moment de leurs auditions respectives, n’est pas de nature à énerver le bien-fondé de la décision litigieuse tel que confirmée en date du 11 juin 2004.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours, non autrement parlant quant à ce changement d’attitude des demandeurs, laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais .

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 29 novembre 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 29.11.2004 Le Greffier en chef du Tribunal administratif 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18418
Date de la décision : 29/11/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-11-29;18418 ?

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