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29/11/2004 | LUXEMBOURG | N°18317

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 novembre 2004, 18317


Tribunal administratif N° 18317 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 juin 2004 Audience publique du 29 novembre 2004 Recours formé par les époux … et … et consort, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18317 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 juin 2004 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Bosnie Herzégovine) et de son épouse, M

adame …, née le…, agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leur enfa...

Tribunal administratif N° 18317 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 juin 2004 Audience publique du 29 novembre 2004 Recours formé par les époux … et … et consort, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18317 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 juin 2004 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Bosnie Herzégovine) et de son épouse, Madame …, née le…, agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leur enfant … …, né … , tous de nationalité bosniaque, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 8 avril 2004 rejetant leur demande en reconnaissance du statut de réfugié, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 24 mai 2004 intervenue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 octobre 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 22 novembre 2004 en présence de Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH qui s’est référé au mémoire écrit de la partie publique.

En date du 16 octobre 2003, Monsieur … et son épouse, Madame …-…, agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leur enfant … …, introduisirent oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Ils furent entendus le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur leur identité.

En date du 31 octobre 2003 les époux …-… furent entendus séparément par un agent du ministère de la Justice sur leur situation et les motifs à la base de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 8 avril 2004, notifiée par voie de courrier recommandé expédié en date du 15 avril 2004, le ministre de la Justice informa les consorts …-… que leur demande avait été refusée comme étant non fondée au motif qu’il ne résulterait pas de leurs allégations, qui ne seraient d’ailleurs corroborées par aucun élément de preuve tangible, qu’ils risquaient ou risqueraient d’être persécutés dans leur pays d’origine pour l’un des motifs énumérés par l’article 1er, A, paragraphe 2 de la Convention de Genève.

Le ministre a relevé par ailleurs que la situation en Bosnie Herzégovine se serait nettement améliorée depuis l’accord de paix signé en novembre 1995 et ceci de telle façon que les forces internationales SFOR ont prévu une importante réduction de leurs effectifs en Bosnie.

Le recours gracieux que les consorts …-… ont fait introduire par courrier de leur mandataire datant du 29 avril 2004 s’étant soldé par une décision confirmative du ministre datant du 24 mai 2004, ils ont fait introduire, par requête déposée en date du 30 juin 2004 un recours contentieux tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation des décisions ministérielles prévisées des 8 avril et 24 mai 2004.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le tribunal est compétent pour l’analyser. Le recours subsidiaire en annulation est par voie de conséquence irrecevable.

A l’appui de leur recours, les consorts …-… font valoir que Monsieur … aurait été membre d’un parti politique et que cette appartenance politique lui aurait causé régulièrement des problèmes dans son pays, qu’ils auraient même été menacés d’être tués, qu’ils n’auraient plus de maison dans leur pays, celle-ci ayant été détruite, et qu’il y aurait lieu en conséquence de réformer les décisions litigieuses alors qu’ils rempliraient les conditions pour bénéficier du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève.

Le délégué du Gouvernement estime que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs, de sorte qu’ils seraient à débouter de leur recours.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels évènements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Il se dégage de la lecture de la décision litigieuse du 8 avril 2004 que le ministre a motivé son refus notamment par le fait que les demandeurs n’étaient pas en mesure de prouver que les menaces dont ils faisaient état seraient motivées par un quelconque arrière-fond politique ou ethnique et que les craintes invoquées traduiraient plutôt l’expression d’un sentiment général d’insécurité qu’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève, tout en ayant fait état par ailleurs d’une nette amélioration de la situation actuelle en Bosnie Herzégovine depuis 1995.

Force est de constater que ni le recours gracieux déposé pour compte des demandeurs, ni encore la requête introductive d’instance ne comportent un quelconque élément tangible permettant d’invalider les motifs de refus concrètement opposés aux demandeurs, de sorte que le tribunal, appelé à examiner la régularité d’une décision administrative lui déférée dans le cadre des seuls moyens avancés en cause, ne peut que constater que le recours laisse d’être fondé.

En effet, à défaut de déclarations directement concluantes permettant d’admettre l’existence d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève dans le chef des demandeurs, la simple affirmation non autrement circonstanciée que c’est l’appartenance politique de Monsieur … qui lui aurait régulièrement valu des problèmes dans son pays, est insuffisante pour invalider la motivation retenue à la base des décisions litigieuses.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en réformation laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable ;

condamne les demandeurs aux frais .

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 29 novembre 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 29.11.2004 Le Greffier en chef du Tribunal administratif 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18317
Date de la décision : 29/11/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-11-29;18317 ?

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