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24/11/2004 | LUXEMBOURG | N°18383

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 novembre 2004, 18383


Tribunal administratif N° 18383 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 juillet 2004 Audience publique du 24 novembre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18383 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 juillet 2004 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo/Etat de Serbie et Monténégro) de nationalité se

rbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réform...

Tribunal administratif N° 18383 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 juillet 2004 Audience publique du 24 novembre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18383 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 juillet 2004 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo/Etat de Serbie et Monténégro) de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 8 avril 2004, notifiée le 16 avril 2004, rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du 11 juin 2004 intervenue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 septembre 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Louis TINTI et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 15 novembre 2004.

Monsieur … introduisit en date du 6 janvier 2004 une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Il fut entendu le 15 mars 2004 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Monsieur … par décision du 8 avril 2004, lui envoyée par courrier recommandé expédié le 15 avril 2004, de ce que sa demande a été refusée comme non fondée au motif qu’elle ne correspondrait à aucun critère de fond défini par la Convention de Genève et qu’il ne ferait pas état de persécutions dans son pays d’origine, étant entendu que des raisons purement économiques ne sauraient fonder une demande en obtention du statut de réfugié faute de rentrer dans le cadre des motifs de persécution prévus par la Convention de Genève. Le ministre a ajouté que le Kosovo devrait être considéré comme territoire où il n’existe pas en règle générale des risques de persécution pour les Albanais.

Le recours gracieux que Monsieur … a fait introduire par courrier de son mandataire datant du 17 mai 2004 à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 8 avril 2004 s’étant soldé par une décision confirmative du 11 juin 2004, il a fait introduire, par requête déposée le 12 juillet 2004, un recours en annulation, sinon en réformation à l’encontre des deux décisions ministérielles prévisées des 8 avril et 11 juin 2004.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoyant un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées sur base de l’article 11 de la même loi, le tribunal est compétent pour statuer en tant que juge du fond en l’espèce. Encore que la requête ne tend qu’à titre subsidiaire à la réformation des décisions litigieuses, le tribunal est amené à déclarer le recours en annulation introduit à titre principal irrecevable et de se déclarer compétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation. Ledit recours ayant pour le surplus été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur reproche à l’autorité administrative de ne pas avoir pris position par rapport à l’objet réel de sa demande qui aurait tendu à se voir accorder un titre de séjour à caractère humanitaire. Il relève à cet égard que le ministre aurait dû qualifier sa démarche en ce sens étant donné qu’il a déclaré lors de son audition que « il n’y a que mon travail qui m’intéresse. (…) On n’a rien à manger et ce n’est pas avec sa (la politique) que je vais vivre. (…) Je demande uniquement un asile pour que je puisse travailler et me nourrir par mes propres moyens ». Il estime que sa demande serait complètement étrangère au cadre légal de la Convention de Genève et qu’il aurait appartenu à l’autorité administrative de déterminer le droit applicable à sa demande et de se prononcer sur son bien-fondé indépendamment du cadre légal de la Convention de Genève, non utilement applicable en l’espèce.

A titre subsidiaire il reproche à l’autorité administrative d’avoir fait une appréciation erronée des faits et de ne pas avoir apprécié à leur juste valeur les éléments de la cause qui auraient dû conduire le ministre à retenir l’existence de motifs légitimes susceptibles de valoir l’octroi du statut de réfugié. Il relève que les problèmes qu’il aurait rencontrés au Kosovo auraient été liés à son appartenance à un certain groupe de la population, à savoir un groupe de la population caractérisé par des difficultés financières extrêmes.

Le délégué du Gouvernement rétorque que les motifs économiques invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande ne sauraient en aucun cas rentrer dans le cadre de la Convention de Genève, mais que le mandataire du demandeur, affirmant à l’heure actuelle que la démarche de Monsieur … serait étrangère au cadre légal applicable en matière d’asile, aurait lui-même, dans le cadre de son recours gracieux, demandé uniquement de reconnaître à l’intéressé le bénéfice de l’asile politique. Il ajoute que Monsieur … a demandé dès son arrivée l’enregistrement d’une demande d’asile et non pas l’enregistrement d’une demande d’autorisation de séjour, de sorte que le ministre aurait été tenu de l’examiner par rapport au cadre invoqué par le demandeur.

Concernant le premier moyen du demandeur basé sur une erreur alléguée de qualification de sa démarche auprès des autorités luxembourgeoises par le ministre, force est de constater que celui-ci n’est pas tenu de qualifier une demande au-delà de la qualification expressément revendiquée par le demandeur lui-même et reitérée, de surcroit par le biais d’un avocat, dans le cadre du recours gracieux, étant entendu que le mandataire professionnel du demandeur agissant pour compte de la personne concernée est tenu, en tant qu’auxiliaire de la Justice, d’assister le demandeur précisément au niveau de la présentation en droit de ses prétentions.

Or, tel que relevé en l’espèce, il se dégage clairement et expressément du recours gracieux introduit par le demandeur à l’encontre de la décision ministérielle litigieuse du 8 avril 2004 que sa démarche tend à l’octroi du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève et qu’il demande le bénéfice de l’asile politique, visant ainsi une finalité tout à fait différente de l’octroi d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires.

Il se dégage des considérations qui précèdent que ce premier moyen, présenté de surcroît par le mandataire même qui a agit au niveau du recours gracieux, laisse d’être fondé pour se trouver en contradiction flagrante tant avec les affirmations écrites du même mandataire qu’avec la démarche initiale du demandeur.

Pour le surplus il se dégage tant des déclarations du demandeur que de son argumentation présentée à titre subsidiaire que les soi-disant motifs de persécution par lui invoqués à l’appui de sa demande d’asile ne rentrent pas dans le cadre de la Convention de Genève, la simple argumentation générale déployée à titre subsidiaire pour conclure au caractère erroné de l’appréciation à laquelle s’est livré le ministre, contredite à de multiples égards par les éléments du dossier, n’étant pas de nature à énerver autrement la régularité des décisions litigieuses.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, déclare le recours en annulation irrecevable, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 24 novembre 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18383
Date de la décision : 24/11/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-11-24;18383 ?

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