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24/11/2004 | LUXEMBOURG | N°18087

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 novembre 2004, 18087


Tribunal administratif N° 18087 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 mai 2004 Audience publique du 24 novembre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18087 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 mai 2004 par Maître Pascale PETOUD, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Nigeria), de nationalité nigériane, demeurant actuellement à

L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 21 janvier 2004...

Tribunal administratif N° 18087 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 mai 2004 Audience publique du 24 novembre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18087 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 mai 2004 par Maître Pascale PETOUD, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Nigeria), de nationalité nigériane, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 21 janvier 2004 par laquelle sa demande en reconnaissance du statut de réfugié fut rejetée comme étant non fondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 23 avril 2004 intervenue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 octobre 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 15 novembre 2004 en présence de Maître Pascale PETOUD qui s’est référée à sa requête introductive d’instance et de Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER qui s’est également référé au mémoire écrit de la partie publique.

En date du 17 décembre 2003, Monsieur … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, il fut entendu par un agent de la police grand-ducale, service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

Le 13 janvier 2004, il fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 21 janvier 2004, notifiée en mains propres le 23 janvier 2004, le ministre de la Justice informa Monsieur … que sa demande avait été refusée comme non fondée au motif d’abord que le récit par lui présenté présenterait différentes contradictions et invraisemblances entachant sa crédibilité et que de toute façon, même à supposer les faits par lui allégués comme étant établis, ils ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, étant donné que le fait d’être le successeur du chef d’une communauté ne saurait à lui seul justifier une crainte de persécution, ceci d’autant plus que les discordes régulières entre les communautés invoquées par le demandeur n’auraient concerné que des problèmes de terres, de manière à s’analyser en des considérations étrangères au cadre de la Convention de Genève. Le ministre a relevé en outre que Monsieur … n’a personnellement subi aucune persécution ni aucun mauvais traitement et que la crainte par lui invoquée des membres de la communauté rivale ainsi que de la sienne traduirait plutôt l’expression d’un sentiment général d’insécurité qu’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève.

Le ministre a retenu finalement que Monsieur … serait resté en défaut de fournir une explication satisfaisante relativement au fait de ne pas avoir profité d’abord d’une possibilité de fuite interne avant de se diriger vers le Luxembourg.

Le recours gracieux que Monsieur … a fait introduire par courrier de son mandataire datant du 20 février 2004 à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 21 janvier 2004 s’étant soldé par une décision confirmative du ministre du 23 avril 2004, il a fait introduire, par requête déposée en date du 21 mai 2004, un recours en réformation à l’encontre des deux décisions ministérielles prévisées des 21 janvier et 23 avril 2004.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le tribunal est compétent pour l’analyser. Le recours en réformation ayant été introduit, par ailleurs, dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, Monsieur … fait exposer qu’il serait le fils d’un chef de village de la communauté « Aliseme », que cette communauté aurait connu de graves problèmes sous forme de violents affrontements relatifs à la possession de terres avec la communauté « Ozra », ainsi qu’à l’incendie de propriétés et à l’assassinat de son père. Il relève qu’eu égard au fait qu’il devrait succéder à son père en qualité de chef du village, mais que, eu égard au sort réservé à son père, il n’aurait pas voulu s’exposer à un même traitement, de sorte que, sur les conseils de son professeur, il aurait décidé de quitter le Nigeria alors qu’aucune possibilité de fuite interne ne lui aurait été ouverte. Quant aux incohérences lui reprochées relativement à sa date de naissance, il fait valoir qu’il s’agirait d’une simple erreur matérielle, tandis que par rapport au fait de ne pas avoir contacté sa famille au Nigeria, il relève que tel ne lui aurait pas été possible vu son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière. Il précise finalement qu’il n’éprouve pas de craintes vis-à-vis des membres de sa propre communauté, mais bien de ceux de la communauté « Ozra ».

Le délégué du Gouvernement estime que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur de sorte qu’il serait à débouter de son recours.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels évènements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, tel que relevé à juste titre par le ministre à l’appui de la décision litigieuse du 21 janvier 2004, les faits invoqués par le demandeur, même à les supposer établis, ne présentent pas de facteur de rattachement direct à la Convention de Genève, mais s’analysent plutôt en une guerre de clans au sujet de la possession de terres.

S’agissant de surplus visiblement de difficultés à l’échelle de villages, c’est encore à juste titre que le ministre a retenu l’absence de justification valable relativement au fait que le demandeur n’a pas envisagé la possibilité d’une fuite interne, étant donné que le pays d’origine, dans le cadre de l’appréciation d’une demande d’asile, est à considérer dans sa globalité pour évaluer les craintes de persécution alléguées par un demandeur d’asile.

Les motifs de refus retenus à la base de la décision de refus litigieuse n’ayant pas été utilement énervés par le demandeur, le recours en réformation est partant à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais .

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 24 novembre 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 25.11.2004 Le Greffier en chef du Tribunal administratif 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18087
Date de la décision : 24/11/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-11-24;18087 ?

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