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22/11/2004 | LUXEMBOURG | N°18762

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 22 novembre 2004, 18762


Tribunal administratif N° 18762 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 octobre 2004 Audience publique du 22 novembre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18762 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 octobre 2004 par Maître Yvette NGONO YAH, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ord

re des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, sans état, né le … (Kosovo / Etat de Serbi...

Tribunal administratif N° 18762 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 octobre 2004 Audience publique du 22 novembre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18762 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 octobre 2004 par Maître Yvette NGONO YAH, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, sans état, né le … (Kosovo / Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-

monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation sinon à la réformation d’une décision datée du 30 septembre 2004 attribuée au ministre de la Justice, déclarant sa demande en obtention du statut de réfugié manifestement infondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 octobre 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 4 novembre 2004 au greffe du tribunal administratif en nom et pour compte du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 15 novembre 2004, Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER s’étant rallié aux écrits de la partie publique, Maître Yvette NGONO YAH pour sa part n’étant ni présente ni représentée.

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Le 6 juillet 2004, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité. Il ressort du rapport de police établi à cette occasion que Monsieur … avait précédemment résidé en Allemagne, où il s’était vu refuser le statut de réfugié par décision du 7 décembre 2001 et qu’il avait fait l’objet d’un rapatriement à destination de Pristina en date du 23 juillet 2003 Monsieur … fut entendu en date du 27 juillet 2004 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande.

Par décision datant du 17 août 2004, lui notifiée par courrier recommandé expédié le 31 août 2004, le ministre de la Justice l’informa de ce que sa demande avait été rejetée comme étant manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, au motif qu’il ne ferait valoir aucune crainte raisonnable de persécution pour une des raisons prévues par la Convention de Genève.

Suite à un recours gracieux formulé par lettre du 16 septembre 2004 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration prit une décision confirmative le 30 septembre 2004.

Monsieur … a fait introduire un recours contentieux tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation de la décision ministérielle du 30 septembre 2003 par requête déposée en date du 22 octobre 2004.

Le délégué du Gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours subsidiaire en réformation au motif qu’aucune disposition légale ne prévoirait un recours au fond en la matière.

La procédure devant les juridictions administratives étant essentiellement écrite, le fait que l’avocat constitué pour un demandeur n’est ni présent, ni représenté à l’audience de plaidoiries, est indifférent. Comme le demandeur a pris position par écrit par le fait de déposer sa requête introductive d’instance, le jugement est contradictoire entre parties.

Etant donné que l’article 10 (3) de la loi modifiée du 3 avril 1996 précitée prévoit un recours en annulation en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives, de sorte que le tribunal est incompétent pour connaître de la demande subsidiaire en réformation de la décision déférée.

Le recours en annulation est recevable pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur expose être de nationalité serbo-

monténégrine, sans toute fois indiquer dans son recours son appartenance ou non à une minorité ethnique, et avoir fui son pays à la suite de ce que son propre mandataire qualifie de « banale bagarre ». Il expose en des termes pour le moins imprécis ne pas avoir réussi à se réconcilier avec ses adversaires, non autrement identifiés, et avoir dû se cacher « tellement il avait peur » et estime que ses ennuis seraient d’une gravité suffisante pour fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève.

Le délégué du Gouvernement rétorque que le demandeur n’aurait fait état d’aucune crainte raisonnable de persécution correspondant à l’un des motifs de fond prévus par la Convention de Genève, et estime pour sa part que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte que celui-ci serait à débouter de son recours.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

En l’espèce, l’examen des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande d’asile dans le cadre de son audition, ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse, amène le tribunal à conclure qu’il n’a manifestement pas établi, ni même allégué, des raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance.

En effet, lors de son audition, telle que celle-ci a été relatée dans le compte rendu figurant au dossier, le demandeur, interrogé sur les motifs de sa demande d’asile au Luxembourg, a répondu en substance qu’il avait quitté le Kosovo pour échapper à des individus qu’il avait frappé « par solidarité familiale », ces individus s’étant apparemment auparavant bagarré avec un cousin du demandeur.

Le demandeur a affirmé en particulier que sa peur n’a rien à voir avec la politique ou avec ses origines, mais qu’il craint uniquement la vengeance des personnes qu’il a battues.

Force est partant de constater qu’à sa base, la crainte invoquée par le demandeur à l’appui du recours est exclusivement d’ordre privé, et non d’une crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques.

C’est partant à juste titre que le ministre de la Justice a déclaré la demande d’asile sous analyse comme étant manifestement infondée pour ne pas tomber sous le champ d’application de la Convention de Genève.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours formé par le demandeur est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 22 novembre 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 22.11.2004 Le Greffier en chef du Tribunal administratif 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18762
Date de la décision : 22/11/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-11-22;18762 ?

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