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22/11/2004 | LUXEMBOURG | N°18528

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 22 novembre 2004, 18528


Tribunal administratif N° 18528 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 août 2004 Audience publique du 22 novembre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18528 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 août 2004 par Maître Pascale HANSEN, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de

Monsieur …, né le … (Fédération de Russie), de nationalité ossète et de citoyenneté russe, ...

Tribunal administratif N° 18528 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 août 2004 Audience publique du 22 novembre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18528 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 août 2004 par Maître Pascale HANSEN, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, né le … (Fédération de Russie), de nationalité ossète et de citoyenneté russe, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 11 juin 2004 déclarant sa demande en obtention du statut de réfugié non fondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 septembre 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 15 novembre 2004, tant Maître Pascale HANSEN que Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER s’étant rapportés aux écrits de leurs parties respectives.

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Le 24 octobre 2003, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Il fut encore entendu en date du 12 janvier 2004 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande.

Par décision du 11 juin 2004, notifiée par lettre recommandée expédiée en date du 21 juin 2004, le ministre de la Justice informa Monsieur … de ce que sa demande avait été rejetée au motif qu’il n’alléguerait aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre sa vie intolérable dans son pays d’origine, de sorte qu’aucune crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un certain groupe social ne serait établie dans son chef.

Suite à un recours gracieux introduit par le mandataire de Monsieur … par courrier du 12 juillet 2004, le ministre de la Justice prit une décision confirmative datée du 15 juillet 2004, qui lui fut notifiée par courrier recommandé expédié le 20 juillet 2004.

Monsieur … a fait introduire un recours contentieux tendant principalement à la réformation de la décision ministérielle initiale du 11 juin 2004 précitée par requête déposée en date du 18 août 2004.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre les décisions ministérielles entreprises. Le recours en réformation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au fond, Monsieur … fait exposer à l’appui de son recours qu’il aurait été témoin en qualité de milicien responsable du maintien de l’ordre de fraudes commises à l’occasion des élections parlementaires en Russie en mai 2003. Il explique qu’il aurait arrêté le responsable de ces fraudes, mais que son supérieur hiérarchique n’aurait pas voulu donner de suites aux fraudes constatées. Monsieur … relate qu’il aurait dénoncé cet incident à l’un des candidats qui aurait alors décidé de porter plainte.

Le demandeur fait plaider que suite à cette plainte il aurait été victime de persécutions orchestrées par l’OSB, le département de la police des polices, qui l’accuserait à tort de s’être laisser corrompre.

Il explique que convoqué par le Parquet suite aux accusations de corruption lancées contre lui, il aurait préféré prendre la fuite, étant donné qu’il risquerait une très importante peine de prison, la justice russe corrompue ne lui garantissant pas un procès juste et équitable.

Le délégué du Gouvernement estime pour sa part que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte que celui-ci serait à débouter de son recours.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Il ressort en effet des déclarations du demandeur telles qu’actées dans le rapport d’audition du 12 janvier 2004 qu’il a fui son pays d’origine au vu d’une convocation émanant du Parquet russe, étant donné qu’il craignait « d’être poursuivi illégalement pour des raisons politiques ». Il ressort encore de ces déclarations que le demandeur, ayant appris que la plainte déposée du chef des fraudes électorales n’avait pas abouti, en a déduit que « je n’allais gagner mon affaire non plus, que personne ne pourra m’aider et que je serai arrêté tôt ou tard (…) ».

Il s’avère encore que prévoyant sa condamnation à « 7 à 12 ans de prison avec confiscation de [ses] biens » et son emprisonnement avec des simples délinquants, « ce qui équivaut pour moi, en tant que milicien à la peine de mort », il a aussitôt pris la fuite.

Aucun élément du dossier ne permet cependant de conclure au fait que le demandeur aurait effectivement été exposé à un procès non équitable, ni au fait qu’il aurait effectivement risqué de se voir condamner à une longue peine d’emprisonnement, de sorte que les craintes du demandeur doivent, en l’état actuel du dossier, être considérées comme purement hypothétiques. Il ne résulte d’ailleurs à ce sujet d’aucun élément du dossier que le demandeur ait entre-temps fait l’objet d’un jugement par défaut, ou encore qu’il fasse l’objet de recherches ou de poursuites en Russie.

Il s’avère encore que la dénonciation par le demandeur des fraudes électorales, à la supposer en relation causale avec les incidents survenus par après, n’a pas eu de suites, de sorte qu’à la date de sa convocation par le Parquet, le demandeur ne devait plus représenter un quelconque danger pour les auteurs ou responsables de fraudes que le demandeur accuse d’être à l’origine de ses problèmes avec la justice.

Il s’ensuit que les craintes dont fait état le demandeur doivent être considérées comme purement hypothétiques, de sorte qu’elles ne sauraient justifier l’obtention du statut de réfugié.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef.

Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, déclare le recours non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 22 novembre 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 22.11.2044 Le Greffier en chef du Tribunal administratif 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18528
Date de la décision : 22/11/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-11-22;18528 ?

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