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22/11/2004 | LUXEMBOURG | N°18426

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 22 novembre 2004, 18426


Tribunal administratif N° 18426 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 juillet 2004 Audience publique du 22 novembre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18426 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 juillet 2004 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Monténégro/Etat de Serbie et Monténégro), d

e nationalité serbo-

monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation...

Tribunal administratif N° 18426 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 juillet 2004 Audience publique du 22 novembre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18426 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 juillet 2004 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Monténégro/Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-

monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 20 avril 2004 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 17 juin 2004 prise sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 octobre 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 15 novembre 2004.

Monsieur … introduisit en date du 18 décembre 2002 une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu le 5 mars 2004 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Monsieur … par décision du 20 avril 2004, lui envoyée par courrier recommandé en date du 26 avril 2004, qu’il ne saurait bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève au motif qu’aucune des raisons invoquées à l’appui de sa demande ne saurait fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève.

Le 28 mai 2004, Monsieur … fit introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision.

Le ministre de la Justice confirma sa décision antérieure par une décision prise en date du 11 juin 2004.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 19 juillet 2004, Monsieur … a fait déposer un recours en réformation à l’encontre des deux décisions ministérielles de refus des 20 avril et 11 juin 2004.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le tribunal est compétent pour l’analyser. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

En premier lieu, Monsieur … fait valoir que la procédure serait irrégulière au motif qu’il n’aurait pas été informé de son droit de se faire assister par un avocat tel qu’exigé par l’article 5 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile.

Le dossier administratif versé par l’Etat renseigne une fiche intitulée « assistance d’un avocat » comportant la mention que : « par la présente, je confirme que j’ai été informé dans une langue comprise par moi que j’ai le droit de choisir un avocat inscrit au tableau de l’un des barreaux établi au Grand-Duché de Luxembourg ou de me faire désigner un avocat par le bâtonnier de l’Ordre des avocats » dûment signée par le demandeur, de sorte que le moyen ainsi présenté est à écarter pour manquer en fait.

Quant au fond, Monsieur … reproche à l’autorité administrative de n’avoir pas tiré les conséquences qui se seraient imposées du fait de la persécution dont il aurait été victime ou pourrait être victime du fait notamment de son origine bochniaque et de ses activités en faveur du parti SDA pendant le conflit en ex-Yougoslavie. Il souligne qu’en sa qualité de membre du parti SDA il aurait participé au transport des armes pour le compte du susdit parti pendant la guerre uniquement dans un but de protection des populations civiles bochniaques et défensif contre les actes de barbarie commis par les diverses milices serbes en ex-Yougoslavie. Il ajoute que les membres de sa famille seraient recherchés activement par le septième bataillon, police spéciale composée d’extrémistes, laquelle perpétrait régulièrement des exactions à l’égard des musulmans et notamment à l’égard des membres du SDA ayant défendu la cause des Bochniaques pendant le susdit conflit.

Il estime qu’il lui serait impossible de chercher une protection dans son pays d’origine auprès des autorités étatiques dans la mesure où il ne pourrait pas porter plainte auprès de l’autorité même qui l’aurait persécuté. Selon le demandeur, son soutien militaire aux membres du SDA pendant l’état de guerre en ex-Yougoslavie ne pourrait être, contrairement à l’appréciation ministérielle, considéré comme une infraction de droit commun, mais plutôt comme un moyen de protection et de défense légitime contre les actes de barbarie commis par l’armée serbe et les groupe extrémistes et notamment les membres du septième bataillon à l’égard des civils bochniaques. Il se réfère encore à deux rapports et à un jugement du tribunal administratif d’Oldenbourg du 20 février 2003 pour illustrer ses dires.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours sous analyse laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Force est de retenir que l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Même à supposer l’activité de Monsieur … au sein de l’SDA comme établie, force est de constater que les persécutions alléguées, non autrement étayées, dont le demandeur aurait été victime restent en l’état de pure allégation. En effet le demandeur ne soumet au tribunal aucun élément concret lui permettant de retenir dans son chef une crainte de persécution pour un des motifs prévus par la Convention de Genève. Ainsi à la question « Quelles peuvent être les conséquences d’un retour dans votre pays », il répond « J’en sais rien ».

A ce titre la référence de son avocat à différents rapports et à un jugement du tribunal administratif d’Oldenburg du 20 février 2003, n’enlèvent rien à la conclusion ci-

avant dégagée, étant donné que les faits à la base de ce jugement sont complètement différents de ceux relatés par Monsieur ….

De tout ce qui précède, il résulte que les craintes dont le demandeur fait état ne sauraient fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève, de sorte que le recours laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 22 novembre 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 22.11.2004 Le Greffier en chef du Tribunal administratif 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18426
Date de la décision : 22/11/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-11-22;18426 ?

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