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22/11/2004 | LUXEMBOURG | N°18421

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 22 novembre 2004, 18421


Tribunal administratif N° 18421 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 juillet 2004 Audience publique du 22 novembre 2004 Recours formé par la société anonyme … s.a., Luxembourg, contre une décision du ministre des Finances en matière d’agrément

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18421 du rôle et déposée le 19 juillet 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Fernand ENTRINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, a

u nom de la société anonyme … s.a., établie et ayant son siège social à L-…, tendant à l’an...

Tribunal administratif N° 18421 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 juillet 2004 Audience publique du 22 novembre 2004 Recours formé par la société anonyme … s.a., Luxembourg, contre une décision du ministre des Finances en matière d’agrément

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18421 du rôle et déposée le 19 juillet 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Fernand ENTRINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme … s.a., établie et ayant son siège social à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision du 5 juillet 2004 émanant du directeur du Commissariat aux Assurances et imposant à la requérante un examen pour courtier d’assurances, ainsi que d’une décision du 9 juillet 2004 de la même teneur et signée par le directeur du Commissariat aux Assurances pour le ministre du Trésor et du Budget et, « pour autant que de besoin », d’un courrier du directeur du Commissariat aux Assurances du 27 mai 2004 informant la requérante qu’elle bénéficie d’une dispense partielle de l’examen de capacité pour les courtiers d’assurances ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 30 septembre 2004 ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment les décisions déférées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 15 novembre 2004, Maître Florence HOLZ, en remplacement de Maître Fernand ENTRINGER, s’étant rapportée au recours déposé en cause et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER aux écrits de la partie publique.

Par courrier du 8 mars 2004 adressé au Commissariat aux Assurances, la société anonyme … s.a. sollicita l’agrément nécessaire à l’exercice de l’activité de courtage en assurances.

Le Commissariat aux Assurances accusa réception de ce courrier par lettre du 4 mai 2004 et exigea, outre la production de documents supplémentaires afin de compléter le dossier administratif de la demanderesse, une modification de ses statuts, l’objet social y libellé étant considéré comme étant trop vague.

La société anonyme … s.a. ayant donné suite à cette demande par courrier du 19 mai 2004, le Commissariat aux Assurances l’informa par missive du 27 mai 2004 que Monsieur …, personne physique par laquelle la demanderesse entendait exercer l’activité de courtier en assurances, bénéficierait d’une dispense partielle de l’examen de capacité pour les courtiers d’assurances.

Par courrier du 3 juin 2004, la société anonyme … s.a., sous la signature de son administrateur-délégué …, adressa au Commissariat aux Assurances un recours gracieux afin de bénéficier d’une dispense complète de l’examen de capacité.

Par écrit du 5 juillet 2004, rédigé sur papier à entête du Commissariat aux Assurances, le directeur du Commissariat aux Assurances informa la société anonyme … s.a. qu’il maintenait sa décision relative à l’obligation pour Monsieur … de se soumettre à un examen partiel.

En date du 9 juillet 2004, le directeur du Commissariat aux Assurances réitéra le précédent courrier, mais cette fois-ci sur papier à entête du ministère des Finances avec la mention « pour le ministre du Trésor et du Budget ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 19 juillet 2004, la société anonyme … s.a. a fait introduire un recours tendant à l’annulation, sinon à la réformation de « la décision entreprise », le mandataire de la société ayant précisé à l’audience publique du 15 novembre 2004 que le recours viserait tant l’écrit du 5 juillet 2004 rédigé sur papier à entête du Commissariat aux Assurances que le courrier du 9 juillet 2004 rédigé sur papier à entête du ministère des Finances.

Il s’avère dès lors que la demanderesse critique tant l’écrit du 5 juillet 2004 rédigé sur papier à entête du Commissariat aux Assurances que le courrier du 9 juillet 2004 rédigé sur papier à entête du ministère des Finances, reprochant à la décision du 5 juillet 2004 d’avoir été illégalement prise par le Commissariat aux Assurances, et à celle du 9 juillet 2004, qui reproduit à l’identique celle du 5 juillet 2004, de ne pas avoir été prise personnellement par le ministre, mais par le directeur du Commissariat aux Assurances agissant pour compte du ministre.

Le délégué du Gouvernement résiste à ces moyens en expliquant que la première décision, couchée erronément sur du papier à entête du Commissariat aux Assurances et signée erronément par son directeur, aurait été remplacée par la décision du ministre des Finances du 9 juillet 2004, de sorte que la décision initiale du 5 juillet 2004 serait nulle et non avenue, partant à écarter des débats.

Le tribunal est amené à retenir au vu des explications fournies par la partie publique et relatives à une simple erreur, explications corroborées par une analyse des décisions des 5 et 9 juillet 2004, qui s’avèrent effectivement ne différer que par le papier à entête utilisé et par la qualité du signataire, que le débat se limite dès lors à la question de la validité du courrier du 9 juillet 2004 tel que signé par le directeur du Commissariat aux Assurances pour compte du ministre.

En ce qui concerne le volet du recours tel que dirigé « pour autant que de besoin » contre le courrier du directeur du Commissariat aux Assurances du 27 mai 2004 informant la requérante qu’elle bénéficie d’une dispense partielle de l’examen de capacité pour les courtiers d’assurances, la partie demanderesse déclare dans son recours ne pas « revenir » sur ce point, en se prévalant d’un courrier daté du 3 juin 2004 censé figurer dans les pièces versées par elle aux débats, à moins que le délégué du Gouvernement « n’insiste », « en sorte que ce point-là est réservé à toutes fins utiles ». Le tribunal, confronté à ce libellé pour le moins ambigu, en absence de toute précision apportée par ailleurs à l’audience publique du 15 novembre 2004 quant aux suites à réserver à ce moyen et au vu de la non-communication par la demanderesse du courrier par elle invoqué, ne saurait déceler de manière non équivoque la volonté dans le chef de la demanderesse de maintenir, ou plutôt de se ressaisir de ce moyen, par ailleurs non spécifié, de sorte qu’il est à écarter des débats.

Quant à la recevabilité Le délégué du Gouvernement soulève de prime abord l’irrecevabilité du recours en annulation tel que formulé à titre principal.

Encore que le demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation, l’existence d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision (trib. adm. 4 décembre 1997, n° 10404 du rôle, Pas. adm. 2003, v° recours en réformation, n° 2 et autres références y citées).

Il est constant en cause que le recours sous analyse a pour objet une décision relative à la dispense d’examen dans le cadre d’une demande d’agrément en vue de l’exercice de l’activité de courtier d’assurances, activité régie par les dispositions de la loi du 6 décembre 1991 sur le secteur des assurances telle qu’elle a été modifiée, et plus particulièrement par la partie IV de cette loi, intitulée « les dirigeants, agents et courtiers d’assurance », regroupant les articles 103 et suivants.

Aux termes de l’article 111 de cette loi, modifiée en ce point par la loi du 8 août 2000 relative à la surveillance complémentaire des entreprises d'assurances faisant partie d'un groupe d'assurance, « les décisions prises par le ministre ou le Commissariat en application des articles 105, 109 et 110 [il s’agit des décisions relatives aux examens d’aptitude et aux sanctions disciplinaires] ainsi que les décisions de refus ou de retrait d'agrément prises par le ministre peuvent être déférées au tribunal administratif. Elles doivent être motivées et notifiées à la personne concernée avec indication des voies de recours. (…) Le tribunal administratif statue comme juge du fond ».

Il s’en suit que seul un recours en réformation a pu être introduit, de sorte que le recours en annulation formulé à titre principal doit être déclaré irrecevable.

La partie publique soulève en second lieu l’irrecevabilité du recours pour défaut d’intérêt, sinon pour défaut de qualité à agir, au motif que la décision ministérielle du 9 juillet 2004 refusant une dispense d’agrément ne viserait que Monsieur … en tant que courtier personne physique.

Force est cependant au tribunal de constater que le demandeur d’agrément est la société anonyme … s.a., Monsieur … n’ayant à aucun moment de la procédure administrative sollicité l’agrément en tant que courtier personne physique. Il y a lieu de se rapporter à ce sujet à l’article 103 de la prédite loi modifiée du 6 décembre 1991 sur le secteur des assurances selon lequel : « Il est interdit à toute personne de faire ou de tenter de faire dans le Grand-Duché de Luxembourg, ou à partir de celui-ci, une opération d'assurances pour compte de tiers sans avoir préalablement obtenu l'agrément du ministre. (…) Au cas où la personne visée à l'alinéa 1er est une personne morale, celle-ci doit désigner, pour la représenter, une personne physique remplissant les conditions d'agrément ».

Par conséquent, conformément aux dispositions citées ci-dessus, l’agrément sollicité en l’état concerne la personne morale … s.a., les conditions d’agrément devant toutefois être remplies dans le chef d’une personne physique la représentant.

En d’autres termes, Monsieur … n’intervient dans la présente procédure d’agrément qu’en sa qualité d’administrateur-délégué de la société … s.a., tantôt en tant que personne physique qualifiée au sens de ladite loi modifiée du 6 décembre 1991, tantôt en tant qu’organe statutaire de la société, mais jamais en nom personnel et pour son propre compte, de sorte que son intérêt d’organe se confond nécessairement avec celui de la société qu’il dirige et représente.

Le recours en réformation introduit en nom et pour le compte de la société … s.a.

est par conséquent recevable tant en ce qui concerne la question de l’intérêt à agir que celle de la qualité à agir ; il est par ailleurs encore recevable pour avoir été déposé pour le surplus dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond La demanderesse reproche à la décision du 9 juillet 2004 de ne pas avoir été prise personnellement par le ministre, mais par le directeur du Commissariat aux Assurances agissant pour compte du ministre.

Le délégué du Gouvernement fait valoir que le directeur du Commissariat aux Assurances n’aurait pas signé en sa qualité de directeur du Commissariat aux Assurances, mais en tant que délégué du ministre compétent sur base d’une délégation de signature lui conférée légalement et approuvée formellement par le Gouvernement en Conseil en date du 12 février 2001.

Le tribunal tient à rappeler à ce sujet qu’un administré qui conteste la qualité du signataire d’un acte administratif doit spécifier en quoi les dispositions de l’arrêté grand-

ducal du 22 décembre 2000 concernant la délégation de signature par le Gouvernement n’ont pas été respectées (voir trib. adm. 27 février 1997, n° 9605 du rôle, Pas. adm. 2003, v° actes administratifs, n° 48, p.24, et autres références y citées).

Force est de constater que la demanderesse ne précise ni ses griefs avancés, ni ne rencontre les explications cohérentes de la partie publique, de sorte que son moyen doit être écarté comme étant non fondé.

Le délégué du Gouvernement reproche à la demanderesse de s’être méprise dans la numérotation des articles ainsi que dans la partie de la loi à laquelle elle fait référence dans son recours.

Force est effectivement de constater que les articles invoqués par la demanderesse en tant que dispositions violées par la décision déférée, à savoir les articles 1er, 6, point 2 , 7 et 8 de la loi du 6 décembre 1991, cités dans le recours introductif d’instance, ne correspondent à la loi telle qu’actuellement en vigueur.

En termes d’analyse cette divergence ne saurait s’expliquer que par le fait que la demanderesse a assis sa demande sur la loi initiale du 6 décembre 1991 sur le secteur des assurances telle que publiée au Mémorial A n° 84 du 23 décembre 1991, sans tenir compte des modifications intervenues par la suite, et notamment par le biais de la loi du 8 décembre 1994 qui a profondément modifié la législation relative au secteur des assurances, en introduisant notamment un régime différent pour les courtiers d’assurances.

Confrontée au moyen afférent de la partie publique, la demanderesse est restée cependant en défaut de rectifier son argumentation et de préciser, le cas échéant, ses moyens sur base de la législation effectivement applicable à l’heure actuelle.

Les moyens tirés de la violation des articles 1er, 6, point 2 , 7 et 8 de la loi du 6 décembre précitée, entre-temps modifiée, sont dès lors à écarter.

En ce qui concerne le moyen de la demanderesse relative à l’anti-

constitutionnalité de l’article 105 de la loi, au motif que cet article permettrait au ministre d’accorder des dispenses d’examen par le bais d’un règlement ministériel, en l’occurrence le règlement ministériel du 7 avril 1992, force est de constater que le texte de l’article 105 de la loi du 6 décembre 1991, tel que modifié par la loi du 8 août 2000 relative à la surveillance complémentaire des entreprises d'assurances faisant partie d'un groupe d'assurance, a actuellement le libellé suivant : « En vue de la vérification de leurs connaissances professionnelles, les personnes visées à l'article 103 sont tenues de se soumettre à une épreuve d'aptitude dont le programme et les modalités sont déterminés par le Commissariat. Sont dispensées de l’épreuve d’aptitude les personnes remplissant les conditions posées par la directive 77/92/CE relative aux intermédiaires d’assurances.

Le ministre peut en outre dispenser de l'épreuve d'aptitude les personnes qui justifient de connaissances professionnelles suffisantes sur base de leurs études, de leur expérience professionnelle ou pour avoir été antérieurement agréées pour l'activité faisant l'objet de la demande d'agrément. » Il appert que là encore la demanderesse s’est basée sur un texte abrogé, le texte actuel ne contenant aucune référence à un quelconque règlement ministériel.

Il se dégage partant des considérations qui précèdent que le recours formé par la demanderesse est à rejeter comme n’étant fondé en aucun de ses moyens.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, déclare le recours en annulation formulé à titre principal irrecevable, condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 22 novembre 2004 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18421
Date de la décision : 22/11/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-11-22;18421 ?

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