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22/11/2004 | LUXEMBOURG | N°18386

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 22 novembre 2004, 18386


Tribunal administratif Numéro 18386 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 juillet 2004 Audience publique du 22 novembre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18386 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 juillet 2004 par Maître Barbara NAJDI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Fédération de Russie), de nationalité et de citoye

nneté russes, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation...

Tribunal administratif Numéro 18386 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 juillet 2004 Audience publique du 22 novembre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18386 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 juillet 2004 par Maître Barbara NAJDI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Fédération de Russie), de nationalité et de citoyenneté russes, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 29 avril 2004, telle que confirmée par une décision du 11 juin 2004 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 septembre 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maître Barbara NAJDI et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 15 novembre 2004.

Le 7 août 2003, Monsieur … introduisit une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour il fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Le 6 octobre 2003, il fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 29 avril 2004, lui notifiée en mains propres le 11 mai 2004, le ministre de la Justice informa Monsieur … de ce que sa demande avait été refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte qu’il ne saurait bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève.

Le ministre de la Justice prend encore soin de préciser qu’il résulte des documents en sa possession que Monsieur … a déposé une demande d’asile en Suède le 6 février 2001 sous l’identité de …, né le 28 janvier 1974, que cette demande fut rejetée le 9 avril 2001 et que depuis lors il n’aurait plus été aperçu en Suède depuis le 30 juin 2001. Il ajoute que ceci jette naturellement un doute sur l’authenticité du récit produit. Enfin, il souligne que ni la désertion ni la crainte de peines de ce chef ne constitueraient une cause d’obtention du statut de réfugié.

Le 27 mai 2004, Monsieur … fit introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision de refus.

Par une décision du 11 juin 2004, le ministre de la Justice confirma sa décision de refus antérieure.

Le 12 juillet 2004, Monsieur … a fait déposer au greffe du tribunal administratif un recours en réformation, sinon en annulation contre la décision ministérielle de refus du 29 avril 2004, tel que confirmée par la décision du 11 juin 2004.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le tribunal est compétent pour l’analyser. Le recours en réformation ayant été introduit, par ailleurs, dans les formes et délai de la loi, il est recevable. Le recours en annulation est dès lors irrecevable.

A l’appui de son recours, Monsieur … fait valoir que la décision du ministre de la Justice devrait être réformée sinon annulée pour violation de la loi et pour erreur manifeste d’appréciation des faits, étant donné que le ministre aurait basé sa décision de refus sur un examen superficiel et insuffisant des faits en ne tenant pas compte de sa situation particulière.

En premier lieu, il fait valoir que le dossier administratif serait incomplet dans la mesure où le rapport de voyage manquerait. Il fait valoir également qu’il résulterait d’une note manuscrite au rapport d’audition que le rapport de voyage n’aurait pas été mis à la disposition de l’agent du ministère de la Justice chargé de l’entendre au jour de son audition.

Le rapport de voyage dressé par la police grand-ducale figurant au dossier administratif renseigne entre autre l’identité et l’itinéraire suivi par Monsieur … pour venir au Luxembourg.

Il est vrai que ce rapport porte la date du 21 novembre 2003, de sorte qu’en date du 6 octobre 2003, au moment de l’audition de Monsieur …, la rédaction du rapport n’avait pas encore été accomplie. Le rapport d’audition prend par ailleurs soin de préciser que le rapport de voyage n’est pas encore versé au dossier au moment de l’audition. La lecture du rapport de voyage permet de dégager que suite aux recherches effectuées par la police en procédant à un examen des empreintes de Monsieur … celles-ci se sont révélées identiques à celles d’une personne ayant déjà présenté sous l’identité de «… » une demande d’asile, qui fut rejetée, en Suède le 6 février 2001. Cette situation de fait est confirmée le 1er octobre 2003 par les autorités suédoises. Dans la mesure où aucune disposition légale n’exige que le rapport de voyage doit être versé au dossier au moment de l’audition du demandeur d’asile et étant donné qu’il est tout à fait légitime que la police continue ses recherches sur l’identité d’une personne, recherches qui peuvent se recouper dans le temps avec la date de l’audition, le demandeur d’asile ne saurait tirer une quelconque irrégularité de procédure résultant de l’absence du rapport de voyage au moment de son audition. A ce titre il y a lieu d’ajouter que le demandeur, questionné expressément sur le fait s’il avait déjà posé une demande d’asile dans un autre pays, a clairement répondu par la négative. Il lui aurait appartenu à ce moment de dire la vérité et non pas de la cacher.

Dans la mesure où il est constant que Monsieur … n’a pas dit la vérité sur une précédente demande d’asile posée en Suède, c’est à bon droit que le ministre de la Justice a retenu que ceci jette un doute sur l’authenticité du récit du demandeur.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée … si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

L’article 6 du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 dispose :

« 1) Une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle repose clairement sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile….

2) Tel est notamment le cas lorsque le demandeur a … d) délibérément omis de signaler qu’il avait précédemment présenté une demande dans un ou plusieurs pays, notamment sous de fausses identités… 3) Si le demandeur peut donner une explication satisfaisante relative à la fraude ou au recours abusif aux procédures en matière d’asile lui reproché, sa demande d’asile ne sera pas automatiquement rejetée ».

Les faits tels qu’établis ci-avant sont suffisamment concluants pour retenir, par substitution de motifs, que la demande d’asile est manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 parce qu’elle constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile. A cela s’ajoute que le demandeur n’a avancé, ni en cours de procédure gracieuse, ni en cours de procédure contentieuse, une quelconque explication justifiant le recours répété aux procédures en matière d’asile lui reproché, sauf à relever que « cette constatation ne nous renseigne pas sur quel point en particulier les dires du requérant sont mis en doute ». En effet, dans ces circonstances, il n’appartient pas au ministre de s’expliquer, mais bien au contraire au demandeur qui demande la protection prévue par la Convention de Genève aux autorités luxembourgeoises.

Etant donné que la décision se justifie par le seul motif analysé ci-dessus, l’examen des moyens ayant trait aux autres motifs sur lesquels le ministre a encore fondé sa décision de refus devient surabondant.

Le recours introduit est partant à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 22 novembre 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 22.11.2004 Le Greffier en chef du Tribunal administratif 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18386
Date de la décision : 22/11/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-11-22;18386 ?

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