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22/11/2004 | LUXEMBOURG | N°17913

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 22 novembre 2004, 17913


Tribunal administratif N° 17913 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 avril 2004 Audience publique du 22 novembre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17913 du rôle et déposée le 15 avril 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Emmanuelle RUDLOFF, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxemb

ourg, au nom de Monsieur …, né le 22 janvier 1965, de nationalité cap-verdienne, demeurant...

Tribunal administratif N° 17913 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 avril 2004 Audience publique du 22 novembre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17913 du rôle et déposée le 15 avril 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Emmanuelle RUDLOFF, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le 22 janvier 1965, de nationalité cap-verdienne, demeurant à L-…, tendant à l’annulation de la décision du ministre du Travail et de l’Emploi du 13 janvier 2004 lui refusant l’octroi d’un permis de travail en tant qu’ouvrier non qualifié auprès de la société en commandite simple … S.e.c.s. établie à …;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé en date du 26 septembre 2004 ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 15 novembre 2004, Maître Pascale PETOUD, déclarant se présenter en remplacement de Maître Rachel JAZBINSEK, occupant elle-même en remplacement de Maître Emmanuelle RUDLOFF, s’étant rapportée au recours déposé et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER s’étant rallié aux écrits de la partie publique

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Par déclaration d’engagement datée au 11 mars 2002, la société en commandite simple … S.e.c.s. introduisit en faveur de Monsieur … une demande en obtention d’un permis de travail pour un emploi de main-d’œuvre.

Par arrêté du 16 janvier 2004, le ministre du Travail et de l’Emploi, ci-après dénommé le « ministre », rejeta cette demande « pour les raisons inhérentes à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi suivantes :

-

des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place : 2424 ouvriers non qualifiés inscrits comme demandeurs d’emploi aux bureaux de placement de l’Administration de l’Emploi -

priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen -

poste de travail non déclaré vacant par l’employeur -

occupation irrégulière depuis le 15.11.1999 -

recrutement à l’étranger non autorisé -

a fait usage de faux papiers d’identité ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 15 avril 2004, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle précitée.

La loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers, 2. le contrôle médical des étrangers ; 3. l’emploi de la main d’œuvre étrangère ne prévoit pas de recours au fond en la matière, de sorte que de sorte que seul un recours en annulation a pu être déposé.

Le recours en annulation formé à l’encontre la décision ministérielle déférée est par ailleurs recevable pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’audience du 15 novembre 2004, Maître Pascale PETOUD a informé oralement le tribunal de ce que Maître Emmanuelle RUDLOFF a déposé son mandat dans la présente affaire, mandat repris par Maître Rachel JAZBINSEK. Force est de constater que bien que la procédure devant les juridictions administratives soit essentiellement écrite, le tribunal ne dispose d’aucun écrit du litismandataire initial documentant sa démission. Par ailleurs, aux termes de l’article 21 (4) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, une reprise d’instance tout comme une constitution de nouvel avocat se font nécessairement par écrit, et ce soit par acte séparé, soit par voie de mémoire, de sorte que la seule constitution de nouvel avocat faite oralement, de surcroît par un avocat qui n’est pas l’avocat nouvellement constitué, ne saurait être valablement accueillie en l’état par le tribunal.

Quant au fond et à l’appui de son recours, le demandeur critique la décision ministérielle attaquée, dont la motivation est critiquée pour être « fallacieuse ». Il expose que ce serait à tort que le ministre lui a refusé le permis de travail sollicité, en invoquant la disponibilité de 2424 ouvriers non qualifiés, aucun élément ne permettant de conclure à la disponibilité effective et réelle de ces ouvriers pour occuper le poste vacant.

Il expose encore que si effectivement il a usé de faux papiers, il aurait cependant rectifié sa situation en présentant « délibérément » son véritable état à l’administration compétente, et que, ayant été jugé par le tribunal correctionnel pour ce fait, il ne saurait être sanctionné une seconde fois de ce chef, sous peine pour l’administration de violer le principe élémentaire de la prohibition de la double peine.

Le délégué du Gouvernement estime pour sa part que le ministre aurait fait une saine application de la loi, de sorte que le demandeur serait à débouter de son recours.

L’article 16 de la loi modifiée du 21 février 1976 concernant l’organisation et le fonctionnement de l’administration de l’Emploi et portant création d’une commission nationale de l’emploi, tel que modifié par la loi du 12 février 1999 concernant la mise en œuvre du plan d’action national en faveur de l’emploi, dispose dans ses deux premiers alinéas que « (1) Le recrutement de travailleurs non ressortissants de l’Espace Economique Européen dans les Etats non membres de l’Espace Economique Européen est de la compétence exclusive de l’administration de l’Emploi.

(2) Dans ce cas, l’administration de l’Emploi peut, sur demande préalable, autoriser un ou plusieurs employeurs ou une organisation professionnelle d’employeurs, à recruter des travailleurs ».

Il y a lieu de constater que partant le recrutement de travailleurs à l’étranger est de la compétence exclusive de l’administration de l’Emploi, sauf l’exception où un ou plusieurs employeurs, sur demande préalable, ont été autorisés par cette administration à procéder eux-mêmes à un tel recrutement « pour compléter et renforcer les moyens d’action de l’administration, notamment lorsque le déficit prononcé de main-d’œuvre se déclare » (doc. parl. n° 1682, commentaire des articles, ad. art. 16).

Le demandeur reste non seulement en défaut d’établir qu’il ait bénéficié d’une autorisation de séjour au moment où il a déposé sa demande de permis de travail, mais il ressort encore du dossier qu’il avait obtenu un engagement par la société en commandite simple … S.e.c.s. en se prévalant, sur base de faux papiers, de la nationalité portugaise. Il échet de relever à ce sujet que son employeur potentiel, la prédite société, souligne elle-

même avoir été délibérément trompée par le demandeur tant en ce qui concerne sa nationalité que son permis de travail.

Dans la mesure où l’on ne saurait admettre qu’un travailleur qui séjourne irrégulièrement au pays puisse tirer avantage d’une telle situation illégale, et se voir considérer comme travailleur disponible sur le marché du travail interne pour ainsi contourner les contraintes administratives supplémentaires découlant de l’article 16 précité, c’est à bon droit que le demandeur, à défaut de preuve d’un séjour régulier au pays, doit être considéré comme ayant été recruté, sans autorisation, à l’étranger.

La méconnaissance de l’obligation légale dans le chef de l’employeur de solliciter en premier lieu auprès de l’administration de l’Emploi l’autorisation de recruter un travailleur à l’étranger est susceptible de sanctions pénales expressément énoncées à l’article 41 de la loi modifiée du 21 février 1976 précitée, lequel dispose notamment qu’est puni d’une amende de 500 à 25.000 € toute personne qui exerce une activité de recrutement de travailleurs à l’étranger sans être en possession de l’autorisation préalable prévue à l’article 16 de la même loi ou qui n’observe pas les conditions imposées dans ladite autorisation.

Au-delà du fait qu’une sanction pénale est prévue par l’article 41 prévisé, il convient d’analyser si le non-respect de la formalité préalable à l’emploi d’un travailleur étranger inscrite à l’article 16 (2) précité est de nature à justifier une décision de refus du permis de travail.

A cet égard, il a été décidé par la Cour administrative que l’article 16 (1) de la loi modifiée du 21 février 1976, précitée, fixe en principe pour l’administration de l’Emploi le monopole de procéder au recrutement de travailleurs à l’étranger et cela pour des raisons inhérentes à la surveillance du marché de l’emploi, ensuite pour des motifs concernant la santé publique, l’ordre public et la sécurité publique, enfin dans l’intérêt de la protection de l’emploi de la main-d’œuvre occupée dans le pays, la Cour s’étant référée à cet égard aux documents parlementaires n° 1682 entrevus plus particulièrement à partir de leur exposé des motifs, pour conclure au caractère impératif de la règle de procédure sous examen (cf. Cour adm. 22 octobre 2002, n°s 14539C et 14967C du rôle, Pas. adm. 2004, v° Etrangers, III. Permis de travail, n° 63, p.699).

Il s’ensuit que le motif de refus basé sur le recrutement à l’étranger non autorisé, au regard des considérations ci-avant fondées sur une jurisprudence constante de la Cour administrative, s’inscrit dans le cadre légal tracé par les dispositions de l’article 27 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, en vertu desquelles seules « des raisons inhérentes à la situation, à l’évolution ou à l’organisation du marché de l’emploi », peuvent être invoquées pour motiver le refus du permis de travail, de sorte que le tribunal, statuant sur la légalité d’une décision de refus du permis de travail, est appelé à vérifier si les dispositions de l’article 16 (2) de la loi modifiée du 21 février 1976, précitée, ont été observées.

Il se dégage des développements qui précèdent que l’arrêté ministériel litigieux est motivé à suffisance de droit et de fait par le seul constat vérifié en l’état du non-

respect de la formalité inscrite à l’article 16 (2) de la loi modifiée du 21 février 1976, précitée, sans qu’il y ait lieu d’examiner plus en avant les autres motifs de refus invoqués à son appui, ainsi que les moyens y afférents.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 22 novembre 2004 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 23.11.2004 Le Greffier en chef du Tribunal administratif 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17913
Date de la décision : 22/11/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-11-22;17913 ?

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