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18/11/2004 | LUXEMBOURG | N°18751

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 novembre 2004, 18751


Tribunal administratif N° 18751 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 octobre 2004 Audience publique du 18 novembre 2004

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Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18751 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 octobre 2004 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ord

re des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Berane (Monténégro/Etat de Serbie et Monté...

Tribunal administratif N° 18751 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 octobre 2004 Audience publique du 18 novembre 2004

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Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18751 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 octobre 2004 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Berane (Monténégro/Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 8 octobre 2004, par laquelle sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié a été déclarée irrecevable ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 novembre 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Louis TINTI, en remplacement de Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, et Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 18 juillet 2000, Monsieur … et son épouse Madame … introduisirent auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Après avoir auditionné les époux …-… sur les motifs à la base de leur demande d’asile, le ministre de la Justice les informa par lettre du 5 octobre 2000 que leur demande d’asile avait été rejetée au motif qu’ils n’alléguaient aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre leur vie intolérable dans leur pays d’origine.

Le 10 août 2004, après avoir été arrêté par la police grand-ducale sans être en possession de papiers d’identité, Monsieur … fit l’objet d’une mesure de rétention en vue de son rapatriement au Monténégro.

Le 22 septembre 2004, Monsieur … introduisit, par l’intermédiaire de son mandataire, une nouvelle demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève.

Il fut entendu le 29 septembre 2004 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa nouvelle demande d’asile.

Le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration l’informa, par lettre du 8 octobre 2004, lui notifiée en mains propres en date du 11 octobre 2004, que sa demande avait été déclarée irrecevable sur base de l’article 15 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, au motif qu’il ne ferait pas état de nouveaux éléments d’après lesquels il existerait de sérieuses indications d’une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève. Cette décision est libellée comme suit :

« Vous aviez déposé une première demande en obtention du statut de réfugié au Luxembourg le 18 juillet 2000, demande qui a été rejetée par le Ministère de la Justice en date du 11 novembre 2000. Vous aviez invoqué à la base de cette demande votre désertion de l’armée yougoslave de 1993 et votre emprisonnement ainsi qu’une condamnation liée à celle-ci. Vous auriez de nouveau déserté en 1999 ce qui vous aurait valu trois jours de détention provisoire. Vous auriez pu vous échapper alors que la police civile aurait dû vous remettre à la police militaire. En juillet 2000, vous auriez été convoqué pour comparaître au tribunal militaire de Nis. Vous dites également avoir été accusé d’espionnage pour le compte de l’OTAN et pour trahison.

Le 10 août 2004 vous avez été mis à la disposition du Gouvernement luxembourgeois en vue d’un rapatriement au Monténégro étant donné que vous aviez été arrêté sans possession de papiers d’identité. Le 22 septembre 2004, votre avocat dépose une deuxième demande d’asile en appuyant que vous auriez des nouveaux arguments à présenter.

Il résulte de vos déclarations lors de l’audition d’un agent du Ministère des Affaires étrangères et de l’immigration du 29 septembre 2004 que vous seriez retourné avec votre femme illégalement au Monténégro en décembre 2000 après avoir eu une réponse négative du Ministère de la Justice. Vous invoquez à l’appui de votre seconde demande avoir été arrêté par les autorités monténégrines tout de suite après votre arrivée le 18 décembre 2000. Vous auriez été inculpé de désertion, de trafic d’armes et de trahison pour avoir fourni de l’aide à l’UCK. Vous ajoutez que l’arrestation serait également liée à votre adhésion au parti politique « Union Libérale du Monténégro ».

Vous auriez été condamné par défaut à une peine de six ans de prison alors que vous étiez au Luxembourg. Vous auriez introduit un recours contre cette décision, mais vous vous seriez enfui du tribunal à Podgorica lorsque vous auriez demandé d’aller aux toilettes. Cette fuite aurait été organisée avec votre frère et en octobre 2001 vous seriez allé au Danemark sans pourtant y déposer une demande d’asile. Vous auriez voulu rejoindre votre femme en Belgique qui y aurait déposé une demande d’asile parce qu’elle aurait été harcelée par la police monténégrine alors que vous vous trouviez en prison.

Elle aurait quitté le Monténégro à la mi ou fin 2001. Vous auriez été arrêté par les autorités danoises vers novembre 2001 et rapatrié le 2 janvier 2002. Vous auriez de nouveau été arrêté pour évasion. Votre parti politique aurait fait un recours pour que vous puissiez être en liberté tous les week-ends. Ceci aurait été accepté et vous auriez profité pour vous enfuir de nouveau. Par la suite, vous avez été arrêté par la police luxembourgeoise en août 2004.

Vous ne présentez aucun document prouvant ces nouveaux faits, mais vous ajoutez être en possession d’une carte de membre de votre parti politique.

D’après l’article 15 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, « le ministre de la Justice considérera comme irrecevable la nouvelle demande d’une personne à laquelle le statut de réfugié a été définitivement refusé, à moins que cette personne ne fournisse de nouveaux éléments d’après lesquels il existe, en ce qui la concerne, de sérieuses indications d’une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève. Ces nouveaux éléments doivent avoir trait à des faits ou des situations qui se sont produits après une décision négative prise au titre des articles 10 et 11 qui précèdent ».

Il y a d’abord lieu de souligner que lors de l’audition du 29 septembre 2004 vous prétendez être membre d’un parti politique et que cette adhésion aurait également été à l’origine de votre arrestation du 18 décembre 2000. Face à une telle affirmation je ne peux qu’exprimer mon étonnement car il résulte très clairement de votre audition du 4 août 2000 que vous ne seriez pas membre d’un parti politique et que vous n’auriez pas eu d’activités politiques quelconques. Il semble alors peu probable et convaincant que vous auriez été arrêté pour votre adhésion à l’Union Libérale du Monténégro. Des doutes quant à la véracité de votre récit doivent également être émis.

A cela s’ajoute que même si vous apportez effectivement un élément nouveau par rapport à ceux invoqués lors de votre première demande d’asile, ce dernier est pourtant lié aux faits que vous aviez présentés lors de cette demande, à savoir votre désertion et votre prétendue condamnation par défaut de 1999 pour désertion, trahison et espionnage. Vous n’apportez par ailleurs aucune preuve que vous auriez effectivement été arrêté en décembre 2000 et en 2002 ou que vous auriez interjeté appel contre un jugement de 1999.

Il faut également noter que le Monténégro doit être considéré comme pays d’origine où il n’existe pas, en règle générale, de risques sérieux de persécution comme il l’a été jugé par le Tribunal administratif en date du 4 septembre 2002.

Au vu de ce qui précède, je suis amené à constater que les éléments fournis ne constituent pas des indications sérieuses d’une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève. » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 20 octobre 2004, Monsieur … a fait déposer un recours en annulation contre la décision ministérielle précitée du 8 octobre 2004.

L’article 15 de la loi précitée du 3 avril 1996 prévoit expressément qu’en cas d’une décision ministérielle d’irrecevabilité d’une nouvelle demande d’asile, introduite postérieurement au refus définitif du statut de réfugié, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives. Le recours en annulation à l’encontre de la décision ministérielle litigieuse ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir qu’il aurait rencontré des problèmes dans son pays d’origine en raison de son adhésion au parti politique « Union Libérale du Monténégro », et qu’il aurait été inculpé par les autorités monténégrines du chef de désertion, trafic d’armes, collaboration avec l’UCK et trahison et qu’il aurait été condamné par défaut à une peine de prison de six ans durant son séjour au Luxembourg en 2000. Il expose plus particulièrement que le 18 décembre 2000 à son retour au Monténégro, suite au rejet de sa première demande d’asile par les autorités luxembourgeoises, il aurait été arrêté par les autorités monténégrines, mais qu’il aurait interjeté appel contre le prédit jugement et qu’il se serait enfui du tribunal d’appel pour se réfugier au Danemark. Les autorités danoises l’auraient arrêté pour entrée illégale dans leur pays vers la fin du mois d’octobre 2001 et refoulé vers le Monténégro le 2 janvier 2002. Il précise qu’à son retour du Danemark, les autorités monténégrines l’auraient à nouveau arrêté et jeté en prison, qu’il aurait passé les premiers six mois de sa peine en isolation, que sa demande de pouvoir rentrer à la maison le week-end n’aurait été acceptée par les autorités que peu de temps avant sa venue au Luxembourg, et qu’il aurait profité d’une telle libération le week-end pour prendre la fuite.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a à bon droit déclaré la demande de Monsieur … irrecevable, faute d’éléments nouveaux constituant de sérieuses indications d’une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève, et que son recours laisserait d’être fondé.

L’article 15 de la loi du 3 avril 1996 précité prévoit que : « Le ministre de la Justice considérera comme irrecevable une nouvelle demande d’une personne à laquelle le statut de réfugié a été définitivement refusé, à moins que cette personne ne fournisse de nouveaux éléments d’après lesquels il existe, en ce qui la concerne, de sérieuses indications d’une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève. Ces nouveaux éléments doivent avoir trait à des faits ou des situations qui se sont produits après une décision négative prise au titre des articles 10 et 11 qui précèdent ».

En l’espèce, s’il est vrai que les craintes de persécution exprimées par le demandeur en raison de sa condamnation à une peine d’emprisonnement de six ans du chef de désertion, trafic d’armes, collaboration avec l’UCK et trahison, et ses arrestations subséquentes, ainsi que les problèmes liés à sa qualité de membre du parti d’opposition « Union Libérale du Monténégro », constituent des éléments nouveaux dont il n’a pas fait état antérieurement, il n’en reste pas moins que ces éléments, à les supposer établis, ne permettent pas de conclure à l’existence de sérieuses indications d’une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.

En effet, même en admettant que le demandeur a été condamné à une peine d’emprisonnement de plusieurs années du chef de désertion, il n’établit pas au vu de la loi d’amnistie votée entre-temps par le Parlement Yougoslave visant les déserteurs que le jugement en question soit toujours exécuté par les autorités monténégrines.

S’y ajoute que les déclarations du demandeur relatives à ses arrestations et sa condamnation restent à l’état de simples allégations non confortées par un quelconque élément de preuve tangible.

En outre, concernant les problèmes allégués en raison des opinions politiques du demandeur, ils sont difficilement crédibles, étant donné que, lors de l’audition devant l’agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration du 29 septembre 2004, le demandeur a déclaré que son adhésion au parti de « Union Libérale du Monténégro » serait également à l’origine de son arrestation le 18 décembre 2000, tandis qu’à l’occasion de son audition du 4 août 2000, il avait déclaré ne pas être membre d’un parti politique.

Il suit des considérations qui précèdent et sans qu’il ne soit nécessaire de procéder à une instruction complémentaire, telle que sollicitée par le demandeur, que c’est à bon droit que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a pu déclarer la nouvelle demande d’asile sous examen irrecevable sur base de l’article 15 de la loi modifiée du 3 avril 1996, étant donné qu’il n’a pas fourni de nouveaux éléments d’après lesquels il existe de sérieuses indications d’une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Il en résulte que le recours sous analyse est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant le rejette ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 18 novembre 2004, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Campill 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 18751
Date de la décision : 18/11/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-11-18;18751 ?

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