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18/11/2004 | LUXEMBOURG | N°18127

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 novembre 2004, 18127


Tribunal administratif N° 18127 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 mai 2004 Audience publique du 18 novembre 2004

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Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18127 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 mai 2004 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom

de Monsieur …, né le … à Porto-Novo (Bénin), de nationalité béninoise, déclarant être domicilié à L...

Tribunal administratif N° 18127 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 mai 2004 Audience publique du 18 novembre 2004

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Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18127 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 mai 2004 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Porto-Novo (Bénin), de nationalité béninoise, déclarant être domicilié à L-…, actuellement détenu au Centre Pénitentiaire de Schrassig, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 18 février 2004, rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, telle que confirmée par une décision du même ministre du 26 avril 2004 suite à un recours gracieux du demandeur ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 août 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en sa plaidoirie.

Le 24 novembre 2003, Monsieur … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Monsieur … fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Le 28 janvier 2004, il fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 18 février 2004, lui notifiée en mains propres le 27 février 2004, le ministre de la Justice l’informa que sa demande avait été refusée. Cette décision est libellée comme suit :

« En mains le rapport d’audition de l’agent du ministère de la Justice du 28 janvier 2004.

Il résulte de vos déclarations que vous auriez quitté le Bénin le 1er novembre 2003 pour l’unique raison de faire soigner votre maladie en Europe. La personne qui vous aurait payé vos médicaments serait décédée en févier 2003 et vos parents n’auraient pas pu vous payer ces médicaments. Vous dites avoir subi une opération chirurgicale en Afrique du Sud en janvier 2002. Vous admettez ne pas être membre d’un parti politique et vous ne faites pas état de persécutions. Vous ne présentez aucune pièce d’identité.

Vous dites avoir pris un avion à Cotonou en direction de Paris où vous seriez resté quelques semaines. La personne qui vous aurait fait passer en Europe avec un passeport d’emprunt vous aurait conseillé de déposer une demande d’asile au Luxembourg, ce que vous avez fait le 24 novembre 2003. Vous auriez payé l’équivalence de 3.000 euros pour votre voyage en Europe.

Selon l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

Je vous informe qu’une demande d’asile qui peut être déclarée manifestement infondée peut, a fortiori, être déclarée non fondée pour les mêmes motifs.

Force est de constater que vous basez votre demande d’asile sur des motifs d’ordre purement médical, sans citer un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève. Tout en exprimant ma compassion pour votre état de santé je suis au regret de vous informer que des raisons médicales ne sauraient fonder une demande en obtention du statut de réfugié politique car elles ne rentrent pas dans le cadre d’un motif de persécution prévu par la Convention de Genève de 1951.

A cela s’ajoute que le Bénin, pays démocratique, doit être considéré comme pays d’origine sûr où il n’existe pas en règle générale des risques de persécution au sens de l’article 5-1) du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi du 3 avril 1996 précitée, qui dispose que « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsque le demandeur d’asile provient d’un pays où il n’existe pas, en règle générale, de risques sérieux de persécution ». A cela s’ajoute que vous avez que des faibles connaissances sur le Bénin, de sorte que des doutes doivent être émis quant à votre réelle provenance.

Par conséquent vous n’alléguez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

Par lettre du 19 mars 2004, Monsieur … introduisit, par le biais de son mandataire de l’époque, un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle précitée du 18 février 2004.

Par décision du 26 avril 2004, lui notifiée en mains propres en date du 29 avril 2004, le ministre de la Justice confirma sa décision négative du 18 février 2004.

Le 27 mai 2004, Monsieur … a introduit un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 18 février 2004.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le recours en réformation, ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est à déclarer irrecevable. En effet, l’article 2 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif dispose qu’un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, de sorte que l’existence d’une possibilité d’un recours en réformation contre une décision rend irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

A l’appui de son recours, le demandeur fait exposer qu’il serait originaire du Bénin, et qu’il aurait dû quitter son pays d’origine en raison d’une crainte raisonnable pour sa vie sans autrement préciser les faits motivant cette crainte. Il estime qu’il remplirait les conditions pour bénéficier de l’asile politique et soutient que la décision ministérielle ne serait pas légalement motivée, sinon résulterait d’une erreur manifeste d’appréciation des faits. Il ressort encore des déclarations du demandeur lors de son audition qu’il fait valoir des problèmes de santé, à savoir une maladie musculaire appelée « myasthénie », dont il souffrirait et qui nécessiterait la prise de médicaments. Or, comme la personne qui lui aurait payé ses médicaments au Bénin serait morte, il aurait quitté son pays pour se faire soigner.

En substance, il reproche au ministre de la Justice d’avoir fait une mauvaise application de la Convention de Genève et d’avoir méconnu la gravité des motifs de persécution qu’il a mis en avant pour justifier la reconnaissance du statut de réfugié.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre de la Justice a fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte qu’il serait à débouter de son recours.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition le 28 janvier 2004, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, force est de constater que le demandeur, interrogé sur les motifs de sa demande d’asile, a répondu qu’il voulait qu’« on s’occupe de ma santé. C’est la santé avant tout. Comme c’est une maladie musculaire, j’ai besoin d’un neurologue » et encore « je ne sais rien de l’asile, or j’ai besoin de médicaments très chers. Mes parents ne pouvaient plus payer les médicaments pour moi à la fin de chaque mois ». Le demandeur a par ailleurs affirmé ne pas avoir subi personnellement de persécutions.

Ainsi, le demandeur se réfère essentiellement à ses problèmes de santé, lesquels ne sont non seulement pas documentés par une quelconque pièce, mais même à les supposer établis, ne sauraient justifier la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève, étant donné que ni les problèmes de santé en question ni encore la qualité des soins que peuvent assurer les médecins dans son pays d’origine, ne sont de nature à justifier dans le chef du demandeur une crainte de persécution au sens de ladite Convention (cf. trib. adm. 6 décembre 2000, n° 12222 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Etrangers, n° 83 et autres références y citées).

Il résulte de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 18 novembre 2004 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 18127
Date de la décision : 18/11/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-11-18;18127 ?

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