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17/11/2004 | LUXEMBOURG | N°18360a

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 novembre 2004, 18360a


Tribunal administratif N° 18360a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 juillet 2004 Audience publique du 17 novembre 2004 Recours formé par Monsieur … et consorts, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Revu la requête inscrite sous le numéro 18360 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 juillet 2004 par Maître Romain LUTGEN, avocat à la Cour, assisté de Maître Réjane JOLIVAT-DA CUNHA,

avocat, tous les deux étant inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au no...

Tribunal administratif N° 18360a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 juillet 2004 Audience publique du 17 novembre 2004 Recours formé par Monsieur … et consorts, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Revu la requête inscrite sous le numéro 18360 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 juillet 2004 par Maître Romain LUTGEN, avocat à la Cour, assisté de Maître Réjane JOLIVAT-DA CUNHA, avocat, tous les deux étant inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de :

1) Monsieur …, né le … (Fédération de Russie), de nationalité allemande et de citoyenneté russe, et de son épouse, Madame …, née le 25 septembre 1968 à Perm (Fédération de Russie), de nationalité et de citoyenneté russes, tous les deux agissant en leur nom personnel ainsi qu’en tant qu’administrateurs légaux de leur enfant mineure …, née le… , de nationalité et de citoyenneté russes, tous demeurant actuellement ensemble à L-…, 2) Monsieur …, né le… , de nationalité allemande et de citoyenneté russe, et de son épouse, Madame X, née le… , de nationalité et de citoyenneté russes, tous les deux agissant en leur nom personnel ainsi qu’en tant qu’administrateurs légaux de leur enfants mineurs …x …, née le… , et …x, né le… , tous les deux de nationalité et de citoyenneté russe, tous demeurant actuellement ensemble à L-…, 3) Madame …-…-Y, née le … (Fédération de Russie), de nationalité et de citoyenneté russes, demeurant à L-…, et tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 9 avril 2004, rejetant leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 11 juin 2004, prise suite à un recours gracieux ;

Vu le jugement du 27 octobre 2004, numéro 18360 du rôle, déclarant le recours recevable en la forme ;

Revu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Ouï Maître Réjane JOLIVAT-DA CUNHA ainsi que Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRÜCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience du 8 novembre 2004.

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Le 30 décembre 2002, Monsieur … et son épouse, Madame …, Monsieur … et son épouse, Madame X, ainsi que Madame …-…-Y, ci-après « la famille … », introduisirent oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Ils furent entendus le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur leur identité.

Ils furent encore entendus séparément en date des 19 mars, 20 mars, 21 mars, 23 mai, 18 décembre et 19 décembre 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de leurs demandes d’asile.

Par décision du 9 avril 2004, notifiée par lettre recommandée expédiée le 20 avril 2004, le ministre de la Justice les informa de ce que leur demande avait été rejetée au motif qu’ils n’allégueraient aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre leur vie intolérable dans leur pays, de sorte qu’aucune crainte justifiée de persécution en raisons d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un certain groupe social ne serait établie dans leur chef.

Suite à un recours gracieux introduit par le mandataire de la famille … par courrier du 12 mai 2004, le ministre de la Justice prit une décision confirmative datée du 11 juin 2004, qui lui fut notifiée par courrier recommandé expédié le 15 juin 2004.

La famille … a fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation des deux décisions ministérielles précitées par requête déposée en date du 8 juillet 2004, recours déclaré recevable en la forme par jugement du 27 octobre 2004, numéro 18360 du rôle.

Quant au fond, les requérants font plaider que les décisions ministérielles déférées n’apprécieraient pas à ses justes proportions leur situation individuelle. Ils insistent sur l’appartenance ethnique allemande des sieurs … et sur les discriminations subies par les minorités.

Ils exposent qu’ils auraient été soumis à des persécutions accrues suite à la constitution d’un fonds de charité au profit de la minorité ethnique allemande et suite à leur activité politique au sein d’un mouvement dénommé « Rossia Molodaïa ». Ils précisent à ce sujet que tant Monsieur … que Monsieur … auraient été à plusieurs reprises passés à tabac par la milice, et que leurs plaines afférentes auraient toutes été classées sans suite.

Ils en concluent qu’il existerait des craintes sérieuses pour la subsistance de l’ensemble de la famille ….

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et que le recours sous analyse laisserait d’être fondé.

Il y a lieu de relever liminairement que les décisions ministérielles litigieuses, outre d’être motivées quant au fond par la considération que les motifs de persécution invoqués par les demandeurs ne sauraient pas, de par leur nature, être utilement retenus pour justifier une demande en obtention du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève, sont d’abord basées sur le constat d’un défaut de crédibilité et de cohérence au niveau du récit présenté par les requérants à l’appui de leur demande, le ministre, dans sa décision initiale du 9 avril 2004, ayant fait état à cet égard de toute une série d’incohérences et d’éléments mettant en doute la crédibilité des déclarations des requérants.

Le ministre a plus précisément émis des doutes quant au fait que la plainte prétendument déposée par les frères … auprès de la commission électorale locale contre le candidat … ait pu être la cause des persécutions subies, le dénommé … ayant de toute façon perdu les élections au profit d’un certain… , et ce sans que l’intervention des frères … n’y ait joué un quelconque rôle.

Le ministre a encore émis des doutes quant à la relation de causalité existant prétendument entre la prédite plainte et l’adhésion à un mouvement politique des frères … et les contrôles administratifs subis par après, en relevant que ces derniers contrôles trouvent plutôt leur origine dans le montage juridique peu orthodoxe organisé par les frères … et consistant à utiliser un fonds de charité pour poursuivre des activités commerciales. Dans le même ordre d’idées, le ministre relève que la simple adhésion à un mouvement politique ne saurait plausiblement expliquer les persécutions alléguées, une telle adhésion ne plaçant pas les requérants dans une situation particulièrement exposée.

La décision ministérielle relève par ailleurs un défaut de crédibilité consistant dans le fait que les épouses des frères … aient tout ignoré des activités diverses poursuivies par leurs époux respectifs, activités qui auraient pourtant provoqué les persécutions alléguées.

Enfin, le ministre souligne que l’éventualité d’une discrimination du fait de l’appartenance des requérants à la minorité allemande ne saurait être retenue le cas échéant que dans le seul chef de Madame …, étant donné que celle-ci est seule à invoquer une telle persécution.

Or, concernant les motifs de refus ci-avant évoqués basés sur l’invraisemblance et l’incohérence du récit présenté par les requérants, force est de constater que les requérants n’ont pas fourni le moindre élément tangible, voire une quelconque explication susceptible d’élucider leur situation au regard des interrogations pourtant clairement posées, de sorte que le tribunal, confronté à un dossier non autrement instruit sur ces points, ne peut que constater que lesdits motifs de refus n’ont pas été utilement combattus, les demandeurs n’ayant tout simplement pas pris position y relativement, mais s’étant contentés, outre de décrire d’une manière générale la situation des minorités ethniques en Russie, de reprendre certains points de leurs déclarations telles que actées par les services du ministère de la Justice, de manière à ne pas avoir mis le tribunal en mesure d’engager utilement un quelconque débat afférent.

En effet, si le tribunal est certes investi du pouvoir de statuer en tant que juge du fond en la présente matière, il n’en demeure pas moins que saisi d’un recours contentieux portant contre un acte déterminé, l’examen auquel il doit se livrer ne peut s’effectuer que dans le cadre des moyens invoqués par le demandeur pour contrer les motifs de refus spécifiques à l’acte déféré, mais que son rôle ne consiste pas à pour procéder indépendamment des motifs de refus ministériels à un réexamen général et global de la situation des requérants. Il ne suffit dès lors pas de contester la conclusion d’une décision administrative donnée, en renvoyant en substance le juge administratif au contenu du dossier administratif, mais il appartient au requérant d’établir que la décision critiquée est non fondée ou illégale pour l’un des motifs énumérés à l’article 2, alinéa 1er de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif tant en ce qui concerne sa conclusion que sa motivation.

Il se dégage dès lors de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé des décisions litigieuses dans la mesure où celles-ci sont motivées par un défaut de crédibilité et de cohérence au niveau du récit présenté par les requérants.

En ce qui concerne par ailleurs la question de la discrimination alléguée du fait de l’appartenance directe ou indirecte des requérants à la minorité allemande, seul motif de refus effectivement et concrètement rencontré par les requérants dans leurs écrits, force est de constater que seule Madame …-…-Y, qui pourtant n’est pas d’origine allemande, mais de nationalité russe, évoque – de manière vague et non circonstanciée – des humiliations non autrement précisées provoquées par l’origine allemande de feu son époux, le père des frères et …, humiliations qui, à défaut de toute précision quant à leur caractère, ne sauraient être considérées comme constitutives d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans leur chef.

Cette conclusion n’est pas énervée par les déclarations du demandeur …, présentées par les requérants dans leurs écrits comme étayant leurs allégations relatives aux persécutions d’origine ethnique. En effet, la première citation tirée des déclarations du demandeur … (« Nous avons subi des pressions morales et physiques dès notre enfance ») ne se rapporte pas à des persécutions ou discriminations d’origine ethnique, mais se réfère d’une manière générale aux conditions de vie très rude, le demandeur … relevant à ce sujet à titre d’exemple un épisode de son service militaire. Quant à la seconde citation, celle-ci se rapporte à des humiliations non autrement spécifiées dues au nom patronymique allemand, et sont dès lors, en l’état actuel du dossier et en l’absence de toute précision, non susceptibles d’être prises en compte en tant que persécutions au sens de la Convention de Genève.

C’est partant à juste titre que le ministre de la Justice a déclaré la demande d’asile sous analyse comme n’étant pas fondée pour ne pas tomber dans le champ d’application de la Convention de Genève. Il s’ensuit que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs ;

le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

vidant le jugement du 27 octobre 2004 ;

au fond, déclare le recours non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 17 novembre 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 18.11.2004 Le Greffier en chef du Tribunal administratif 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18360a
Date de la décision : 17/11/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-11-17;18360a ?

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