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15/11/2004 | LUXEMBOURG | N°18281

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 novembre 2004, 18281


Numéro 18281 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 juin 2004 Audience publique du 15 novembre 2004 Recours formé par Monsieur …, Luxembourg contre un arrêté du ministre de la Justice en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 18281 du rôle, déposée le 25 juin 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de

l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, de nationalité brésilienne, d...

Numéro 18281 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 juin 2004 Audience publique du 15 novembre 2004 Recours formé par Monsieur …, Luxembourg contre un arrêté du ministre de la Justice en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 18281 du rôle, déposée le 25 juin 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, de nationalité brésilienne, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’un arrêté du ministre de la Justice du 31 mars 2004 lui refusant l’entrée et le séjour sur le territoire luxembourgeois;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 août 2004;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 9 septembre 2004 par Maître Nicky STOFFEL pour compte de Monsieur …;

Vu les pièces versées en cause et notamment l’arrêté critiqué;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en sa plaidoirie à l’audience publique du 25 octobre 2004.

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En date du 13 août 1998, Monsieur …, préqualifié, soumit au commissariat de police de Hespérange une déclaration d’arrivée en présentant une carte d’identité portugaise. En date du 27 novembre 1998, il soumit une nouvelle déclaration à la commune de Luxembourg en se prévalant encore de ladite carte d’identité portugaise.

Par rapport du 2 mars 2000, le service des Etrangers et des Jeux de la police grand-

ducale informa le ministère de la Justice qu’un procès-verbal avait été dressé le 1er février 2000 contre Monsieur … pour usage d’une carte d’identité portugaise falsifiée et qu’il serait en fait de nationalité brésilienne.

Par arrêté du 14 juin 2001, le ministre de la Justice, ci-après désigné par le « ministre », refusa l’entrée et le séjour à Monsieur … et, par transmis du même jour, il chargea le service de police judiciaire d’organiser son rapatriement. Cet arrêté n’a néanmoins pas pu être notifié à Monsieur … alors que toute trace de sa part au pays avait été perdue.

Il ressort du rapport n° 15/984/2004/KL du service de police judiciaire, section de police des Etrangers et des Jeux, du 31 mars 2004 que Monsieur … a fait en date du 24 février 2004 usage d’une carte d’identité portugaise falsifiée dans le cadre d’une demande de carte de séjour soumise à l’administration communale de Luxembourg.

En date du 31 mars 2004, le ministre prit un nouvel arrêté de refus d’entrée et de séjour à l’encontre de Monsieur … fondé sur les motifs suivants :

« Vu le procès-verbal n° 6/290 du 2 mars 2000 établi par la Police Grand-Ducale, Service de Police Judiciaire ;

Vu le rapport n° 15/984/2004/KL du 31 mars 2004 établi par la Police Grand-

Ducale, Service de Police Judiciaire ;

Attendu que l’intéressé a fait usage d’une carte d’identité portugaise falsifiée ;

Attendu que l’intéressé ne dispose pas de moyens d’existence personnels légalement acquis ;

Attendu que l’intéressé se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Attendu que l’intéressé est susceptible de compromettre l’ordre public et la sécurité publics ».

Le rapatriement de Monsieur … eut lieu le 6 avril 2004.

Par requête déposée le 25 juin 2004, Monsieur … a fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel précité du 31 mars 2004.

Aucune disposition légale n’instaurant un recours au fond en matière de refus d’entrée et de séjour, le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en réformation.

Le tribunal est pareillement incompétent pour connaître de la demande à voir ordonner la suspension des effets de la mesure d’expulsion. En effet, l’article 11 (1) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives confère au président du tribunal administratif la compétence exclusive pour ordonner l’effet suspensif d’un recours contre une décision administrative.

Par contre, le recours subsidiaire en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur reproche d’abord à l’arrêté attaqué du 31 mars 2004 un défaut complet de motivation en ce qu’il se bornerait à reprendre les termes de la législation applicable sans avancer des raisons de fait permettant de justifier la décision prise.

Ce moyen manque cependant en fait, étant donné qu’il se dégage clairement de ladite décision que l’autorisation de séjour a été refusée au demandeur aux motifs que celui-ci ne dispose pas de moyens d’existence personnels suffisants légalement acquis lui permettant de supporter ses frais de séjour au Luxembourg, qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays et qu’il est susceptible de compromettre la sécurité et l’ordre publics, ceci sur base des dispositions de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1° l’entrée et le séjour des étrangers ; 2° le contrôle médical des étrangers ; 3° l’emploi de la main-d’œuvre étrangère. Par ailleurs, le délégué du gouvernement a encore précisé la motivation en cours de procédure contentieuse, de sorte que le moyen d’annulation tiré d’un prétendu défaut de motivation de l’arrêté ministériel critiqué est à écarter.

Le demandeur critique ensuite le motif de l’arrêté déféré du 31 mars 2004 fondé sur le défaut de moyens d’existence personnels en se prévalant des emplois rémunérés par lui occupés, ainsi que du paiement des cotisations sociales et impôts redus du chef de ses rémunérations. Il ajoute que ses deux sœurs résidant au Luxembourg seraient d’accord pour l’héberger et le soutenir financièrement en cas de besoin.

L’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972 dispose que « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger : (…) – qui est dépourvu de papiers de légitimation prescrits, et de visa si celui-ci est requis, - qui est susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics, – qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ».

Au vœu de l’article 2, précité, une autorisation de séjour peut dès lors être refusée notamment lorsque l’étranger ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour, abstraction faite de tous moyens et garanties éventuellement procurés par des tiers.

En l’espèce, force est de constater qu’il ne se dégage ni des éléments du dossier, ni des renseignements qui ont été fournis au tribunal que le demandeur était, à la date de la décision ministérielle critiquée, autorisé à travers un permis de travail à occuper un poste de travail au Grand-Duché, voire à s’adonner à une activité indépendante, et qu’il pouvait partant disposer de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour.

A défaut par le demandeur d’avoir rapporté la preuve de l’existence de moyens personnels suffisants, le ministre de la Justice a dès lors valablement pu refuser l’autorisation de séjour sollicitée sur base de ce motif.

Le demandeur conteste encore que l’usage d’une carte d’identité falsifiée puisse constituer un motif suffisant pour justifier un arrêté de refus d’entrée et de séjour.

Il ressort cependant des éléments de l’espèce que le demandeur a fait en 1998 un premier usage d’un document d’identité falsifié et que, suite à la découverte du caractère falsifié dudit document, une mesure d’éloignement sur base d’un premier arrêté de refus d’entrée et de séjour n’a pas pu être exécuté alors que le demandeur résidait clandestinement au pays et y travaillait illégalement durant plusieurs années. S’y ajoute qu’en février 2004, le demandeur a fait un itératif usage d’une carte d’identité portugaise falsifiée afin d’obtenir une carte de séjour. Sur base de tous ces éléments, le ministre n’a pas commis une erreur manifeste d’appréciation en refusant au demandeur l’entrée et le séjour en se fondant sur sa susceptibilité de compromettre l’ordre public.

Enfin, c’est à tort que le demandeur soutient que l’arrêté litigieux serait vicié, au motif qu’il omettrait de lui reconnaître un délai pour quitter le territoire et qu’il ne pourrait ainsi pas prendre « les dispositions élémentaires ». En effet, cette conclusion se dégage des dispositions de l’article 7 de la loi précitée du 28 mars 1972 au titre duquel le refus de l’autorisation de séjour entraîne pour l’étranger « l’obligation de quitter le territoire luxembourgeois endéans le délai imparti, qui commencera à courir à partir de la notification de la décision », et de la considération que contrairement aux ressortissants communautaires pour lesquels un délai minimal a été fixé par l’article 12 du règlement grand-ducal modifié du 28 mars 1972 relatif aux conditions d’entrée et de séjour de certaines catégories d’étrangers faisant l’objet de conventions internationales, ledit article 7 n’a pas prévu de délai minimal, de sorte qu’il y a lieu de retenir que le délai exigé par l’article 7 peut être égal à zéro, tel étant le cas en l’espèce en présence d’une invitation à quitter le territoire dès la notification de l’arrêté litigieux, l’essentiel étant qu’un délai ait été formulé de manière déterminée (cf. Cour adm. 21 novembre 2000, n° 12156C du rôle, Pas. adm. 2003, v° Etrangers, n° 135 et autres références y citées).

Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours sous analyse n’est justifié en aucun de ses moyens et est partant à rejeter comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation et de la demande à voir ordonner l’effet suspensif du recours, reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. CAMPILL, vice-président, M. SCHROEDER, premier juge, M. SPIELMANN, juge, et lu à l’audience publique du 15 novembre 2004 par le vice-président en présence de M. LEGILLE, greffier.

LEGILLE CAMPILL 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 18281
Date de la décision : 15/11/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-11-15;18281 ?

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