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15/11/2004 | LUXEMBOURG | N°18150

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 novembre 2004, 18150


Tribunal administratif N° 18150 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er juin 2004 Audience publique du 15 novembre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18150 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 1er juin 2004 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Téhéran (Iran), de nationalité iranienne, deme

urant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice ...

Tribunal administratif N° 18150 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er juin 2004 Audience publique du 15 novembre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18150 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 1er juin 2004 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Téhéran (Iran), de nationalité iranienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice intervenue le 26 février 2004, rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme étant non fondée, telle que cette décision a été confirmée par ledit ministre le 26 avril 2004, suite à un recours gracieux du demandeur ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 septembre 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

En date du 25 juin 2003, Monsieur … introduisit par l’intermédiaire de son avocat une deuxième demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève », sa première demande ayant été rejetée définitivement par arrêt de la Cour administrative du 25 février 2003.

Monsieur … fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa deuxième demande en reconnaissance du statut de réfugié en date du 10 juillet 2003.

Dans un avis du 5 janvier 2004, la Commission consultative pour les réfugiés, saisie en date du 8 décembre 2003, estima à l’unanimité « que le statut de réfugié politique suivant la Convention de Genève du 28 juillet 1951 n’est pas à accorder à Monsieur …».

Par décision du 26 février 2004, notifiée par lettre recommandée le 3 mars 2004, le ministre de la Justice informa Monsieur … que sa demande avait été refusée. Cette décision est libellée comme suit :

« J’ai l’honneur de me référer à la seconde demande en obtention du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 que vous avez présentée, par l’intermédiaire de votre avocat, auprès du service compétent du Ministère de la Justice en date du 25 juin 2002.

En mains le rapport d’audition de l’agent du Ministère de la Justice du 10 juillet 2003.

En mains l’avis donné par la Commission Consultative pour Réfugié daté du 5 janvier 2004, qui est annexé à la présente pour en faire partie intégrante et auquel je me rallie.

En conséquence, si, effectivement, l’élément que vous apportez à la base de votre nouvelle demande est nouveau par rapport à ceux invoqués lors des premières auditions, ce nouvel élément n’est pas constitutif de sérieuses indications d’une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Par conséquent votre seconde demande en obtention du statut de réfugié est refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne sauriez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. » Le 31 mars 2004, Monsieur … formula, par le biais de son mandataire, un recours gracieux auprès du ministre de la Justice à l’encontre de cette décision ministérielle.

Le 26 avril 2004, le ministre de la Justice confirma sa décision initiale, « à défaut d’éléments pertinents nouveaux ».

Le 1er juin 2004, Monsieur … a introduit un recours en annulation contre les décisions ministérielles de refus des 26 février et 26 avril 2004.

Le délégué du gouvernement conclut en premier lieu à l’irrecevabilité du recours en annulation introduit, au motif que les décisions attaquées ont été prises sur base de l’article 11 de la loi de la loi modifiée du 3 avril 1996, précitée, et qu’aux termes de l’article 12 de ladite loi seul un recours en réformation est ouvert contre les décisions de refus visées par ledit article 11.

Si, dans une matière dans laquelle la loi a institué un recours en réformation, le demandeur conclut à la seule annulation de la décision attaquée, le recours est néanmoins recevable dans la mesure où le demandeur se borne à invoquer des moyens de légalité, et à condition d’observer les règles de procédure spéciales pouvant être prévues et des délais dans lesquels le recours doit être introduit (cf. trib. adm. 3 mars 1997, n° 9693 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Recours en réformation, n° 1 et autres références y citées).

Lorsque le juge administratif est saisi d’un recours en annulation, il a le droit et l’obligation d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée et de contrôler si cette décision n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ou pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger des intérêts privés (cf. Cour adm. 4 mars 1997, n° 9517C du rôle, Pas. adm. 2003, V° Recours en annulation, n° 8 et autres références y citées).

En l’espèce, il ressort sans équivoque de la décision précitée du 26 février 2004, que le ministre de la Justice, après avoir analysé le fait nouveau invoqué par le demandeur à l’appui de sa deuxième demande d’asile, a déclaré celle-ci comme étant non fondée au sens de l’article 11 de la loi précitée du 3 avril 1996, de sorte que le recours légalement ouvert au demandeur a été celui d’un recours en réformation, tel que prévu par l’article 12 de ladite loi de 1996.

S’il est exact que le demandeur a expressément qualifié son recours dans la requête introductive d’instance de recours en annulation et qu’il conclut à la seule annulation de la décision attaquée, le recours est néanmoins recevable dans la mesure où le demandeur peut se borner, dans le cadre d’un recours en réformation, à conclure à la seule annulation des décisions litigieuses, en n’invoquant que des moyens de légalité, à condition d’observer les règles de procédure spéciales pouvant être prévues et les délais dans lesquels le recours doit être introduit.

En l’espèce, le recours a été introduit dans les formes et délai de la loi, de sorte que le mérite du recours est à examiner sous l’angle et dans la limite des moyens d’annulation soulevés.

A l’appui de son recours, le demandeur fait soutenir que le ministre de la Justice aurait commis une erreur d’appréciation des faits qu’il lui avait soumis, en rejetant, à tort, sa demande d’asile comme étant non fondée, alors qu’il estime remplir les conditions en vue de la reconnaissance du statut de réfugié au motif qu’il a affiché ouvertement, dans un article paru dans un journal d’opposition publié à Londres, « son opposition à l’égard des autorités étatiques et religieuses en Iran, en apposant sa signature et sa photo au bas de son article ». Dans ce contexte, Monsieur … signale encore que les courants « les plus radicaux » auraient pris le pouvoir en Iran et qu’on ne saurait parler d’une certaine libéralisation du régime politique, telle qu’indiquée dans l’avis de la Commission consultative pour les réfugiés.

Le délégué du gouvernement estime de son côté que ce serait à bon droit que le ministre de la Justice a décidé qu’un fait isolé ne saurait suffire à accorder au demandeur le statut de réfugié.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition devant l’agent du ministère de la Justice, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit un élément nouveau d’après lequel il existe une sérieuse indication d’une crainte fondée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, c’est à juste titre que le ministre s’est rallié à l’avis de la Commission consultative pour réfugiés du 5 janvier 2004 et a retenu que le seul élément nouveau mis en avant par le demandeur, à savoir la publication de son article dans un journal d’opposition, n’est pas constitutif de sérieuses indications d’une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève, étant donné que le demandeur n’a jamais eu d’activités politiques ni en Iran, ni en Europe dans le cadre de mouvements d’opposition connus, et que l’article publié par Monsieur … renferme un contenu assez vague.

Il suit de ce qui précède que la décision ministérielle ne saurait encourir le reproche de reposer sur une erreur manifeste d’appréciation des faits et que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef.

Partant, le recours est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 15 novembre 2004, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 18150
Date de la décision : 15/11/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-11-15;18150 ?

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