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15/11/2004 | LUXEMBOURG | N°18114

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 novembre 2004, 18114


Tribunal administratif N° 18114 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 mai 2004 Audience publique du 15 novembre 2004 Recours formé par les époux … et consort contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le n° 18114 du rôle et déposée le 26 ami 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Olivier LANG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …(Monténégro/Etat de Serbie et Monténégro), et de son épou

se, Madame …, née le …. Macédoine), ainsi qu’en nom et pour compte de leur enfant mineur ....

Tribunal administratif N° 18114 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 mai 2004 Audience publique du 15 novembre 2004 Recours formé par les époux … et consort contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le n° 18114 du rôle et déposée le 26 ami 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Olivier LANG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …(Monténégro/Etat de Serbie et Monténégro), et de son épouse, Madame …, née le …. Macédoine), ainsi qu’en nom et pour compte de leur enfant mineur .., née le… , tous les trois de nationalité macédonienne, demeurant actuellement ensemble à L-… , tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 9 décembre 2003, par laquelle il n’a pas été fait droit à leur demande en reconnaissance du statut de réfugié, ainsi que d’une décision confirmative sur recours gracieux prise par ledit ministre en date du 14 avril 2004 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 août 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, et Maître Olivier LANG et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 25 octobre 2004.

Le 27 janvier 2003, Monsieur … et son épouse, Madame …, agissant en leur nom personnel ainsi qu’en celui de leur enfant mineur .., introduisirent oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Monsieur et Madame … furent entendus le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur leur identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Ils furent en outre entendus séparément respectivement en dates des 6 février et 21 février 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de leur demande d’asile.

Par décision du 9 décembre 2003, notifiée le 11 décembre 2003, le ministre de la Justice les informa de ce que leur demande avait été rejetée comme non fondée au motif qu’ils n’ont invoqué aucune crainte justifiée de persécution en raison de leurs opinions politiques, de leur race, de leur religion, de leur nationalité ou de leur appartenance à un groupe social qui soit susceptible de leur rendre la vie intolérable dans leur pays.

Par lettre du 15 janvier 2004, les époux … introduisirent par le biais de leur mandataire, un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle précitée du 9 décembre 2003.

Par décision du 14 avril 2004, le ministre de la Justice confirma sa décision négative antérieure.

Par requête déposée le 26 mai 2004, les époux … ont fait introduire un recours tendant à la réformation des décisions précitées du ministre de la Justice des 6 décembre et 14 avril 2004.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation qui est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les demandeurs soutiennent que le ministre de la Justice aurait fait une appréciation inexacte de la situation actuelle en Macédoine, ainsi que de leur situation personnelle. Dans ce contexte, ils font exposer qu’ils seraient de confession musulmane et qu’ils appartiendraient à la communauté bochniaque et qu’en raison de ladite appartenance, ils auraient été victimes de toute une série d’attaques et de menaces aussi bien dans leur vie privée que dans la vie professionnelle de Monsieur …. Ils font valoir que malgré les plaintes par eux déposées, les autorités de police n’auraient pas été disposées à les protéger.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et que leur recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue.

L’examen des déclarations faites par les époux … - …lors de leurs auditions respectives, ensemble les arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Concernant les craintes des demandeurs en raison de leur confession musulmane et de leur appartenance à la minorité bochniaque, il convient de rappeler qu’un risque de persécution au titre de l’une des cinq causes visées à l’article 1er de la Convention de Genève émanant de groupes de la population, ne peut être reconnu comme motif d’octroi du statut de réfugié que si la personne en cause ne bénéficie pas de la protection des autorités de son pays.

Or, la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion. Une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel, mais seulement dans l’hypothèse où les agressions commises par un groupe de la population seraient encouragées ou tolérées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d’offrir une protection appropriée. Il faut en plus que le demandeur d’asile ait concrètement recherché cette protection, de sorte que ce n’est qu’en cas de défaut de protection, dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile, qu’il y a lieu de prendre en compte une persécution commise par des tiers (cf. Jean-Yves Carlier : Qu’est-ce-qu’un réfugié ?, p. 113, nos 73-s).

Or, en l’espèce, les craintes exprimées par les demandeurs en raison de leur appartenance ethnique, ainsi que de la situation générale existant en Macédoine et plus spécialement à Prilep s’analysent, en substance, en un sentiment général de peur, insuffisant pour établir une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève, d’autant plus qu’aucun élément du dossier n’indique que le défaut allégué -mais non autrement établi- de protection de la part des autorités compétentes est fondé sur un des motifs énoncés par la Convention de Genève.

A cela s’ajoute que malgré leur appartenance à la minorité des Bochniaques, Monsieur …, militaire de carrière, affirme lui-même qu’il a réussi à se faire accepter, malgré son origine, au sein de son unité militaire.

Il suit de ce qui précède que les demandeurs n’ont pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans leur chef. Partant, le recours est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 15 novembre 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 15.11.2004 Le Greffier en chef du Tribunal administratif 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18114
Date de la décision : 15/11/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-11-15;18114 ?

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