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15/11/2004 | LUXEMBOURG | N°18105

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 novembre 2004, 18105


Tribunal administratif N° 18105 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 mai 2004 Audience publique du 15 novembre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18105 du rôle et déposée le 25 mai 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Crhalj (Eta

t de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant à L-…, tendant à l’annul...

Tribunal administratif N° 18105 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 mai 2004 Audience publique du 15 novembre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18105 du rôle et déposée le 25 mai 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Crhalj (Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 24 février 2004, par laquelle la délivrance d’une autorisation de séjour en faveur de son épouse, Madame … …, née le …, de nationalité serbo-

monténégrine, a été refusée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 août 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, et Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Louis TINTI, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Par lettre du 17 décembre 2003, le père du demandeur, Monsieur … …, introduisit auprès du ministère de la Justice une demande en obtention d’une autorisation de séjour en faveur de sa belle-fille, Madame … …-…, aux motifs que son fils, Monsieur …, l’avait épousée le 14 août 2003 à Sipanje, commune de Bijelo Polje (Etat de Serbie et Monténégro) et qu’il serait d’accord à loger son fils et sa belle-fille et de « prendre à ma charge toutes les garanties à leur égard ».

Faisant suite à cette demande, le ministre de la Justice par une décision du 24 février 2004, refusa d’octroyer l’autorisation de séjour ainsi sollicitée, au motif que Monsieur … ne disposerait pas « de moyens personnels légalement acquis vous permettant d’assurer le séjour de 2 personnes indépendamment de l’aide matérielle ou des secours financiers que de tierces personnes pourraient vous faire parvenir, tel que prévu à l’article 2 de la loi du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers ».

Par requête déposée en date du 25 mai 2004, Monsieur … a introduit un recours en annulation contre la décision ministérielle précitée du 24 février 2004.

Aucune disposition légale ne conférant compétence à la juridiction administrative pour statuer comme juge du fond en la présente matière, seul un recours en annulation a pu être introduit. Le recours en annulation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, Monsieur … conclut à l’annulation de la décision ministérielle déférée pour violation de la loi, sinon erreur manifeste d’appréciation des faits. Il soutient que la décision attaquée violerait l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, au motif qu’elle tiendrait en échec « le principe du respect de la cellule familiale ». Dans ce contexte, il fait valoir que la décision ministérielle ne répondrait pas au critère de proportionnalité à appliquer en la matière, consistant à ménager un juste équilibre entre les considérations d’ordre public qui sous-tendent la réglementation de l’immigration et celles de la protection de la vie familiale. En outre, il soutient que le refus d’accorder à son épouse une autorisation de séjour constituerait, au vu de la séparation géographique existant entre les époux, une entrave au respect des devoirs de cohabitation et d’assistance tels que consacrés par le code civil serbo-monténégrin et dans son esprit par le code civil luxembourgeois. En ce qui concerne le motif de refus tiré de l’absence de moyens d’existence personnels, le demandeur fait valoir que l’exigence de moyens personnels ne serait pas absolue et que l’autorité administrative n’aurait pas l’obligation de refuser la délivrance d’un titre de séjour à une personne ne disposant pas de moyens personnels suffisants dans la mesure où le refus constituerait une mesure disproportionnée par rapport au but poursuivi par l’autorité administrative. Or, le demandeur précise qu’il serait sur le point de terminer ses études au Grand-Duché de Luxembourg et que ses parents, lesquels résideraient régulièrement au Luxembourg, auraient signé une prise en charge pour subvenir aux besoins du jeune couple.

Le délégué du gouvernement rétorque, quant au moyen tiré de la violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, que le demandeur se serait marié en août 2003 au Monténégro et que depuis il n’aurait pas vécu avec son épouse puisqu’il terminerait ses études au Luxembourg, de sorte qu’il ne saurait être question d’une vie familiale entre le demandeur et son épouse. Il soutient encore qu’une ingérence serait tout à fait justifiée, une vie familiale normale étant possible au Monténégro. Quant à la prétendue violation des devoirs de cohabitation et d’assistance tels que consacrés par le code civil monténégrin, le représentant étatique s’interroge sur la raison pour laquelle le demandeur ne s’installe pas avec son épouse dans le pays dont il invoque les dispositions légales.

Au vœu de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger : (…) - qui est susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics, - ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ».

Il se dégage notamment de cette disposition légale qu’une autorisation de séjour peut être refusée lorsque l’étranger ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour, abstraction faite de tous moyens et garanties éventuellement procurés par des tiers (trib. adm. 17 février 1997, Pas. adm. 2003, V° Etrangers, II. Autorisation de séjour, n° 134 et autres références y citées).

Etant donné que la légalité d’une décision administrative s’apprécie en considération de la situation de droit et de fait existant au jour où elle a été prise et qu’il appartient au juge de vérifier, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, si les faits sur lesquels s’est fondée l’administration sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute, il y a lieu de constater qu’en l’espèce, il ne ressort d’aucun élément du dossier soumis au tribunal que Monsieur … disposait d’un quelconque moyen personnel susceptible de lui permettre de subvenir personnellement aux frais de séjour de lui-même et de son épouse au Luxembourg, étant précisé qu’une prise en charge par une tierce personne, même s’il s’agit d’un membre de la famille comme en l’occurrence, n’est pas à considérer comme constituant des moyens personnels, il s’ensuit que c’est donc à bon droit et sans commettre une erreur manifeste d’appréciation que le ministre de la Justice a pu se baser sur le défaut de moyens personnels propres légaux au moment de la prise de la décision litigieuse pour refuser la délivrance d’une autorisation de séjour en faveur de Madame ….

Si le refus ministériel se trouve, en principe, justifié à suffisance de droit par ledit motif, il convient cependant encore d’examiner le moyen d’annulation soulevé par le demandeur et tiré de la violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, dans la mesure où le demandeur estime qu’il y aurait violation de son droit au maintien de la vie familiale lequel tiendrait la disposition précitée de la loi du 28 mars 1972 précitée en échec.

L’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme dispose que :

« 1) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2) Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-

être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».

S’il est de principe, en droit international, que les Etats ont le pouvoir souverain de contrôler l’entrée, le séjour et l’éloignement des étrangers, il n’en reste pas moins que les Etats qui ont ratifié la Convention européenne des droits de l’homme ont accepté de limiter le libre exercice de cette prérogative dans la mesure des dispositions de la Convention.

Il y a dès lors lieu d’examiner en l’espèce si la vie privée et familiale dont fait état le demandeur pour conclure dans son chef à l’existence d’un droit à la protection d’une vie familiale par le biais des dispositions de l’article 8 précité de la Convention européenne des droits de l’homme, rentre effectivement dans les prévisions de ladite disposition de droit international qui est de nature à tenir en échec la législation nationale.

En l’espèce, il échet tout d’abord de relever que le demandeur se trouve depuis 1997 au Luxembourg où il s’est installé avec ses parents et qu’au mois d’août 2003, il a épousé au Monténégro Madame … … et que les deux époux n’ont pas vécu ensemble depuis puisque Monsieur … vit au Luxembourg où il termine ses études et Madame … se trouve toujours au Monténégro. Etant donné que le demandeur n’établit pas la création et l’existence de relations familiales effectives avec son épouse depuis leur mariage et portant sur une certaine durée, le simple fait de s’être marié ne saurait être à lui seul suffisant pour justifier la protection prévue par l’article 8, paragraphe 1er de la Convention européenne des droits de l’homme et qu’en outre, le demandeur n’a pas justifié à suffisance de droit que les deux époux ne seraient pas en mesure de s’installer ensemble et constituer et mener une vie familiale dans leur pays d’origine leur permettant pour le surplus de remplir leurs devoirs de cohabitation et d’assistance respectifs, le tribunal est amené à retenir que le demandeur ne tombe pas sous le champ d’application de ladite disposition et le moyen afférent doit être rejeté pour manquer de fondement.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en annulation est à déclarer non fondé et partant le demandeur est à en débouter.

Par ces motifs le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 15 novembre 2004, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Campill 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 18105
Date de la décision : 15/11/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-11-15;18105 ?

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