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15/11/2004 | LUXEMBOURG | N°18077

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 novembre 2004, 18077


Tribunal administratif N° 18077 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 mai 2004 Audience publique du 15 novembre 2004

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18077 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 mai 2004 par Maître Gilbert REUTER, avocat à la Cour, assisté de Maître Daniel BAULISCH, avocat, les deux inscrits au tablea

u de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de M. …, né le … à Conakry (Guinée), de nationalité guiné...

Tribunal administratif N° 18077 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 mai 2004 Audience publique du 15 novembre 2004

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18077 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 mai 2004 par Maître Gilbert REUTER, avocat à la Cour, assisté de Maître Daniel BAULISCH, avocat, les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de M. …, né le … à Conakry (Guinée), de nationalité guinéenne, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice intervenue le 27 janvier 2004 rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 août 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Daniel BAULISCH, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 4 septembre 2003, une personne déclarant s’appeler … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le dénommé … fut convoqué pour le 15 janvier 2004 pour être entendu par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Ne s’étant pas présenté en date du 15 janvier 2004, le ministre de la Justice l’informa que sa demande d’asile avait été refusée. Cette décision est libellée comme suit :

« En mains le rapport du Service de police judiciaire du 4 septembre 2003, selon lequel vous seriez venu en Europe par bateau. Par la suite vous auriez pris un train pour le Luxembourg où vous avez déposé votre demande d’asile au Luxembourg le 4 septembre 2003.

Vous ne présentez aucune pièce d’identité.

Vous ne vous êtes pas présenté à l’audition concernant les motifs de votre demande d’asile prévue pour le 15 janvier 2004, à laquelle vous été convoqué en mains propres le 22 décembre 2003 [sic]. Vous ne venez également plus prolonger votre attestation de demandeur d’asile.

Ce comportement doit être interprété comme un refus de collaboration de votre part et considéré comme omission flagrante de vous acquitter d’obligations importantes imposées par les dispositions régissant les procédures d’asile.

Je vous informe que l’article 6 f) du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile dispose comme suit : « Une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle repose clairement sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile. Tel est notamment le cas lorsque le demandeur a omis de manière flagrante de s’acquitter d’obligations importantes imposées par les dispositions régissant les procédures d’asile ».

Je vous informe qu’une demande d’asile qui peut être déclarée manifestement infondée peut, a fortiori, être déclarée non fondée pour les mêmes motifs.

Je constate par conséquent que vous n’alléguez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de vous rendre la vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie.

Il résulte de ce qui précède que votre demande en obtention du statut de réfugié est refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

Dans un recours gracieux formé par courrier de son mandataire du 1er mars 2004, le dénommé … fait relever que les agents compétents auraient omis d’informer l’avocat chargé de l’assister de la date fixée pour son audition et il sollicite une nouvelle date pour être auditionné.

Ce recours ayant été rencontré par une décision confirmative du ministre du 23 avril 2004, l’intéressé a fait introduire un recours en réformation sinon en annulation à l’encontre de la décision ministérielle initiale du 27 janvier 2004 par requête déposée le 18 mai 2004.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre la décision ministérielle critiquée. – Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est irrecevable.

Le recours principal en réformation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond, le demandeur reproche au ministre de la Justice d’avoir rejeté sa demande d’asile sans l’avoir entendu en ses explications. Dans ce contexte, il relève que son mandataire aurait contacté le bureau d’accueil des demandeurs d’asile en date du 13 janvier 2004 pour être informé de l’état d’avancement de la procédure et que ledit service aurait omis de lui signaler que l’audition était fixée déjà au 15 janvier 2004, de sorte que son mandataire n’aurait pas pu le joindre pour l’informer de la nécessité de se présenter à ladite date. Ainsi, ses droits de la défense n’auraient pas été respectés et la procédure serait viciée.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

Il convient d’ajouter qu’aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile » et qu’en vertu de l’article 6, point 1) du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle repose clairement sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile », le point 2) dudit article précisant que tel est le cas notamment lorsque le demandeur a « a) fondé sa demande sur une fausse identité (…) ».

Or, en l’espèce, force est de constater que faute d’avoir participé activement à l’instruction de sa demande d’asile, le demandeur a mis les autorités luxembourgeoises dans l’impossibilité d’examiner sa situation particulière et de vérifier concrètement et individuellement s’il a raison de craindre d’être persécuté pour un des motifs visés par la Convention de Genève.

Dans ce contexte, le demandeur est mal venu de critiquer le défaut d’instruction suffisante de sa demande d’asile, étant donné que cet état des choses tient essentiellement au fait qu’il n’a pas participé activement à l’instruction de son dossier, étant relevé qu’il est constant en cause que le demandeur ne s’est pas présenté au bureau d’accueil pour prolonger son attestation de demandeur d’asile, qu’il a reçu notification en mains propres de la convocation pour l’audition du 15 janvier 2004 et qu’on ne saurait reprocher au ministre de la Justice de ne pas l’avoir reconvoqué suite à sa non comparution. - Cette conclusion n’est pas ébranlée par le fait que les services compétents du ministère de la Justice n’ont pas immédiatement répondu au courrier du 13 janvier 2004 et informé le mandataire du demandeur de la fixation de l’audition de l’intéressé au 15 janvier 2004, dès lors qu’aucun préjudice n’est découlé de ce fait pour le demandeur, son mandataire ayant reconnu dans le courrier même du 13 janvier 2004 qu’à cette époque, il ignorait l’adresse de résidence du demandeur, de sorte que même informé de la date d’audition, il n’aurait pas pu joindre son client pour rappeler à celui-ci ce qu’il ne pouvait par ailleurs pas ignorer.

Il y a encore lieu de relever qu’il appert des éléments du dossier que le demandeur avait précédemment à sa venue au Luxembourg déposé sous une autre identité une demande d’asile aux Pays-Bas, fait confirmant la mauvaise foi et le recours abusif à la procédure d’asile du dénommé ….

Il suit de ce qui précède que le recours est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge et lu à l’audience publique du 15 novembre 2004, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Campill 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 18077
Date de la décision : 15/11/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-11-15;18077 ?

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