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10/11/2004 | LUXEMBOURG | N°18139

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 novembre 2004, 18139


Tribunal administratif N° 18139 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 mai 2004 Audience publique du 10 novembre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18139 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 28 mai 2004 par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actue

llement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 25 fé...

Tribunal administratif N° 18139 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 mai 2004 Audience publique du 10 novembre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18139 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 28 mai 2004 par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 25 février 2004 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 26 avril 2004 prise sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 août 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Virginie ADLOFF, en remplacement de Maître Edmond DAUPHIN et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 25 octobre 2004.

Monsieur … introduisit en date du 26 novembre 2003 une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, il fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Il fut entendu le 20 janvier 2004 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Monsieur … par décision du 25 janvier 2004, lui envoyée par courrier recommandé le 2 mars 2004, de ce que sa demande a été refusée au motif qu’il n’alléguait aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre sa vie intolérable dans son pays.

Le 5 avril 2004, Monsieur … fit introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision.

Le ministre de la Justice confirma sa décision antérieure par une décision prise en date du 26 avril 2004.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 28 mai 2004, Monsieur … a fait déposer un recours en réformation à l’encontre des deux décisions ministérielles de refus des 25 février et 26 avril 2004.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le tribunal est compétent pour l’analyser. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur soulève en premier lieu que la décision initiale et celle confirmative ne seraient pas suffisamment motivées.

En ce qui concerne le défaut de motivation soulevé par le demandeur, force est de constater que ce moyen manque de pertinence. En effet, la décision du ministre de la Justice 25 février 2004 est suffisamment motivée. Les faits tels que résumés dans la décision correspondent aux faits sous-jacents à la demande d’asile du demandeur et les motifs de refus y sont énumérés. Le ministre a partant indiqué de manière détaillée et circonstanciée les motifs en droit et en fait sur lesquels il s’est fondé pour justifier son refus et les motifs ont ainsi été portés à suffisance de droit à la connaissance du demandeur. Il en est de même de la décision confirmative étant donné que le demandeur n’a pas soumis au ministre des éléments pertinents nouveaux.

Le premier moyen fondé sur le défaut de motivation des décisions ministérielles soumises au tribunal n’est donc pas fondé.

Quant au fond, Monsieur … estime que les faits par lui relatés justifieraient sa fuite, de sorte que la protection prévue par la Convention de Genève devrait lui être accordée. Il précise qu’il aurait fait l’objet de menaces à son domicile de la part d’hommes masqués qui au nom de la création d’une Albanie purifiée des minorités l’auraient terrorisé de sorte qu’il aurait été pris entre deux feux : soit il devait rejoindre les rangs des groupuscules qui dans un sentiment de nationalisme extrême se feraient appeler des « patriotes », soit il devait leur résister au péril de sa vie. Il se réfère encore au rapport de l’UNHCR daté de mars 2004 lequel relèverait le caractère toujours actuel et vivace des persécutions dont seraient victimes les personnes résidant au Kosovo.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et que le recours sous analyse laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Force est de retenir que l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Le demandeur relate qu’il n’est pas membre d’un parti politique et qu’il n’a pas d’opinion politique. Il précise qu’il a travaillé dans un atelier de meubles lequel a dû fermer ses portes 2 à 3 mois avant son départ pour cause de vol des machines. Il fait état d’un incident isolé où trois personnes inconnues et masquées ont fait irruption dans sa maison pour réclamer de l’argent. Il dit avoir été giflé et bousculé pendant cet incident et que ces personnes sont reparties les mains vides. A la question « Pour quelles raisons avez-vous quitté votre pays d’origine ? » il répond : « A cause de l’insécurité. Ils entrent dans les maisons, ils cambriolent, ils volent ».

Force est de constater que ces faits ne sont pas de nature à justifier de l’existence d’une crainte justifiée de persécution pour un des motifs prévus par la Convention de Genève. En ce qui concerne ces menaces, le demandeur reste pour le surplus en défaut de soumettre au tribunal un élément quelconque permettant de retenir qu’elles seraient liées à sa race, sa religion, sa nationalité, son appartenance à un certain groupe social ou à ses opinions politiques, pourtant seuls envisagés par la Convention de Genève comme motifs de persécution susceptibles de valoir l’octroi du statut de réfugié.

Dans son recours, l’avocat du demandeur fait valoir que Monsieur … aurait fait l’objet de menaces de la part d’hommes masqués qui, au nom de la création d’une Albanie purifiée des minorités, l’auraient terrorisé.

En l’espèce, le demandeur ne soumet au tribunal aucun élément concret permettant au tribunal de vérifier ces dires. En effet, le demandeur, tout au long de son audition, n’avance aucun élément permettant au tribunal de retenir que ses craintes seraient liées à son appartenance à une minorité. Pour le surplus, il répond à la question « De qui et de quoi avez-vous peur ? » : « Des voleurs masqués qui s’introduisent dans les maisons » et à la question « Pour quelle raison est-ce qu’ils font cela ? » : « Je ne le sais pas ».

La conclusion ci-avant dégagée n’est pas susceptible d’être utilement énervée par les considérations d’ordre général basées sur la situation au Kosovo suite aux affrontements ayant eu lieu en mars 2004, qui ne sont pas de nature à caractériser l’existence d’un risque de persécution concret que le demandeur risquerait personnellement de subir du fait de sa situation.

De tout ce qui précède, il résulte que les craintes dont le demandeur fait état s’analysent en substance en un sentiment général d’insécurité lequel ne saurait fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève, de sorte que le recours laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 10 novembre 2004 :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 10.11.04 Le Greffier en chef du Tribunal administratif 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18139
Date de la décision : 10/11/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-11-10;18139 ?

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