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09/11/2004 | LUXEMBOURG | N°17912C

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 novembre 2004, 17912C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 17912C Inscrit le 15 avril 2004

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Audience publique du 9 novembre 2004 Recours formés par les époux …et …, Luxembourg, contre des décisions de l'administration communale de Luxembourg et du Centre d'Education Différenciée en matière d'orientation scolaire - Appel -

(jugement entrepris du 29 mars 2004, nos 16945, 16976 et 16991 du rôle)

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Vu la requêt...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 17912C Inscrit le 15 avril 2004

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Audience publique du 9 novembre 2004 Recours formés par les époux …et …, Luxembourg, contre des décisions de l'administration communale de Luxembourg et du Centre d'Education Différenciée en matière d'orientation scolaire - Appel -

(jugement entrepris du 29 mars 2004, nos 16945, 16976 et 16991 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 17912C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 15 avril 2004 par Maître Fernand Entringer, avocat à la Cour, au nom des époux … et …, demeurant à L-…, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif en date du 29 mars 2004, par lequel il a joint les affaires introduites sous les numéros 16945, 16976 et 16991 du rôle, a déclaré le recours complémentaire inscrit sous le numéro 16991 du rôle caduc en ce qu’il visait la prétendue décision administrative constituée par la lettre du bourgmestre de la Ville de Luxembourg du 18 juillet 2003 invitant les appelants à s’adresser à la directrice du Centre d’Education Différencié concernant la scolarisation de leur enfant …, par lequel il a déclaré le recours en annulation dirigé contre la susdite lettre du bourgmestre de la Ville de Luxembourg du 18 juillet 2003 irrecevable et a reçu le recours en annulation pour le surplus ainsi qu’au fond, l’a déclaré non justifié et en a débouté.

Vu la signification de la ladite requête d’appel par exploit d’huissier Pierre Biel en date du 15 avril 2004 à l’administration communale de la Ville de Luxembourg;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter déposé au greffe de la Cour administrative le 10 mai 2004 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative en date du 11 mai 2004 par Maître Jean Kauffman, au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg et notifié par télécopie à Maître Fernand Entringer à la même date;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative en date du 8 juin 2004 par Maître Fernand Entringer, au nom des appelants;

Vu la signification dudit mémoire en réplique par exploit d’huissier Geoffrey Galle en date du 8 juin 2004 à Maître Jean Kauffman, mandataire de l’administration communale de la Ville de Luxembourg;

Vu le mémoire en duplique du délégué du Gouvernement Guy Schleder déposé au greffe de la Cour administrative le 21 juin 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport, Maîtres Jean Kauffman et Fernand Entringer ainsi que le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter en leurs plaidoiries respectives.

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I) Par requête inscrite sous le numéro 16945 du rôle et déposée le 29 août 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Fernand Entringer, avocat à la Cour, les époux … et …, demeurant à …, ont demandé l’annulation d’une décision administrative constituée par une lettre du bourgmestre de la Ville de Luxembourg du 18 juillet 2003 invitant les demandeurs à s'adresser à la directrice du Centre d'Education Différenciée concernant la scolarisation de leur enfant ….

II) Par requête inscrite sous le numéro 16976 du rôle et déposée le 16 septembre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Fernand Entringer, préqualifié, les époux …, préqualifiés, ont demandé l’annulation d’une décision administrative constituée par une lettre du 2 septembre 2003 du Centre d'Education Différenciée portant information que leur enfant … ne pourrait plus, comme par le passé, fréquenter la même école que celle fréquentée pendant l'année scolaire 2002-2003 et qu'il serait dorénavant intégré dans un centre d'éducation différenciée à Luxembourg, rue Pierre d'Aspelt.

III) Maître Fernand Entringer a déposé une requête, intitulée « recours complémentaire aux N° 16945 et 16976 du rôle », inscrite sous le numéro 16991 du rôle et déposée le 25 septembre 2003 au greffe du tribunal administratif au nom des époux …, préqualifiés, requête destinée à compléter l'argumentaire juridique contenu aux deux recours introduits respectivement les 29 août et 16 septembre 2003.

Par ordonnance prise le 2 octobre 2003 par le président du tribunal administratif suite à une requête du 25 septembre 2003 par laquelle les époux … ont demandé de surseoir à l'exécution des décisions litigieuses et à ordonner l'intégration de l'enfant … dans son école antérieure, sinon d'ordonner toute autre mesure provisoire aux dires d'expert, afin de sauvegarder les intérêts de l'enfant en attendant la solution du litige au fond, la demande en sursis à exécution a été déclarée irrecevable, tandis que la requête en institution d'une mesure de sauvegarde, après avoir été jugée recevable, a été déclarée non justifiée et les demandeurs en ont été déboutés.

Le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, a joint les affaires introduites sous les numéros 16945, 16976 et 16991 du rôle, a déclaré le recours complémentaire inscrit sous le numéro 16991 du rôle caduc en ce qu’il vise la prétendue décision administrative constituée par la lettre du bourgmestre de la Ville de Luxembourg du 18 juillet 2003, a déclaré le recours en annulation dirigé contre la susdite lettre du 2 bourgmestre de la Ville de Luxembourg du 18 juillet 2003 irrecevable, a reçu le recours en annulation pour le surplus, au fond, l’a déclaré non justifié et en a débouté.

Maître Fernand Entringer, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel au greffe de la Cour administrative en date du 2004 dans laquelle la partie appelante reprend en substance l’argumentation développée en première instance et demande la réformation du premier jugement.

La partie appelante reproche aux premiers juges d’avoir négligé de répondre aux points 4.3, 4.4, et 4.5 de sa requête initiale de sorte que la décision serait fondamentalement viciée.

Tant la décision administrative que la décision judiciaire violeraient le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant qui n’aurait pas été la considération primordiale dans le changement intervenu dans le régime scolaire de ….

Le jugement entrepris ferait finalement fi de l’article 23 de la convention de l’ONU.

Le délégué du Gouvernement a déposé un mémoire en réponse en date du 10 mai 2004 dans lequel il demande la confirmation du jugement entrepris après avoir souligné que toutes les mesures nécessaires et réalisables auraient été prises afin de stimuler l’enfant dans toute la mesure de ses potentialités dans l’espoir de le mener à une autonomie aussi large que possible.

Maître Jean Kauffman a déposé un mémoire en réponse pour compte de l’administration communale de la Ville de Luxembourg en date du 11 mai 2004 dans lequel il demande la confirmation du premier jugement.

La partie appelante a déposé un mémoire en réplique en date du 8 juin 2004 dans lequel elle prend position par rapport aux moyens soulevés par les parties intimées tout en approfondissant ses arguments antérieurement développés.

Le délégué du Gouvernement a déposé le 21 juin 2004 un mémoire en duplique.

Quant à la demande tendant à l’annulation du jugement du 29 mars 2004 La partie appelante se réfère en premier lieu à son acte introductif d’instance en insistant sur la circonstance que les premiers juges, pour autant qu’ils aient examinés les points 4.1 et 4.2 du recours initial, auraient négligé de répondre aux points 4.3, 4.4 et 4.5 développés de sorte que le jugement du 29 mars 2004, fondamentalement vicié, serait à annuler.

Il appartient donc à la Cour d’analyser dans une première étape si le tribunal administratif a répondu aux moyens qui lui ont été soumis, cette analyse préliminaire s’effectuant indépendamment de la qualité ou de l’opportunité intrinsèque de leur décision.

L’acte introductif d’instance de Maître Fernand Entringer contient ce qui suit aux points 4.1 à 4.4. (un point 4.5 n’y figurant pas) :

4. Examen en droit.

3 4.1. La loi du 14 mars 1973 portant création d'instituts et de services d'éducation différenciée a été modifiée par celle subséquente du 28 juin 1994 modifiant et complétant celle du 10 août 1912 et celle du 14 mars 1973.

La loi de 1994 a modifié entre autre l'article 1 de celle du 14 mars 1973, première phrase qui est dorénavant de la teneur suivante:

« L'Etat veille à ce que tout enfant qui est soumis à l'obligation scolaire et qui en raison de ses particularités mentales, caractérielles, sensorielles ou motrices ne peut suivre l'instruction ordinaire ou spéciale et qui a des besoins éducatifs spéciaux reçoive, soit l'instruction appropriée dans un centre ou institut de l'éducation différenciée, soit l'aide et l'appui individualisés par un service de l'éducation différenciée dans le cadre d'une classe de l'éducation préscolaire. » 4.2. Il résulte de ce qui précède que face à un enfant ayant des difficultés de suivre l'enseignement normal, l'État est devant l'alternative soit de lui fournir une instruction appropriée dans un centre d'EDIFF, soit de l'intégrer dans l'enseignement normal avec appui individualisé.

C'est cette intégration que les époux … ont choisie. Elle constitue un droit pour les parents, ce d'autant plus que le rapport CHAPELLIER prouve indubitablement que la mauvaise expérience d'intégration de … est le fruit d'un mauvais fonctionnement de services, d'incompétence et d'incurie mais ne dépend pas de l'enfant handicapé.

4.3. Seule la commune peut décider de recevoir un enfant dans une classe d'enseignement normal, car seul le conseil communal peut décider de l'exclusion d'un enfant. C'est ce qui résulte de l'article 2 de la loi du 10 août 1912, telle qu'elle a été modifiée par la loi du 28 juin 1994.

Dans la mesure où la lettre du bourgmestre du 18 juillet 2003 refuse cette intégration et se borne à renvoyer les requérants à l'inscription dans un centre d'éducation différenciée, elle viole la loi et doit être annulée.

4.4. A cela s'ajoute que le législateur de 1994 n'a pas modifié la deuxième phrase de l'article 1 de la loi de 1973 qui donc reste en vigueur et selon lequel "le ministre de l'éducation nationale est responsable de l'aspect éducatif, le ministre de la santé publique, de l'aspect médical et le ministre de la famille, de l'aspect familial et social de l'éducation différenciée, en sorte que le bourgmestre aurait du saisir les trois autorités du problème au lieu de s'en débarrasser comme d'une peau de banane".

Les premiers juges ont repris en détail les arguments juridiques contenus aux points 4.1 et 4.2 aux pages 9 et 10 du jugement, les ont analysés et sont parvenus à la conclusion qu’aucune disposition nationale ne confère aux parents un droit de décider de l’organisation au sein même d’un des modes de scolarisation.

Le tribunal administratif n’avait pas à analyser les points 4.3 et 4.4 de la requête initiale lui soumise étant entendu que ceux-ci ont été développés dans le cadre du recours à l’encontre de la décision du bourgmestre du 18 juillet 2003 qui a été déclarée irrecevable.

L’appel, pour autant qu’il tend à voir annuler le jugement pour maniement défectueux de leurs attributions juridictionnelles par les premiers juges est partant à déclarer non fondé.

4 Quant à la demande tendant à la réformation du jugement du 29 mars 2004 a) en ce qui concerne le recours complémentaire déposé le 25 septembre 2003 C’est à juste titre et moyennant recours à une argumentation juridique que la Cour adopte que le tribunal administratif a constaté qu’il est constant que la requête contenant le recours complémentaire n’a fait l’objet que d’un dépôt au greffe du tribunal administratif le 25 septembre 2003, mais elle n’a pas fait l’objet d’une signification à l’administration communale de la Ville de Luxembourg, de sorte qu’eu égard aux termes clairs de la loi et de la considération que la signification du recours dans le délai d’un mois à partir du dépôt au greffe constitue une formalité substantielle tenant à l’organisation de la justice, le tribunal doit prononcer la caducité dudit recours complémentaire en ce qu’il vise une décision émanant de l’administration communale de Luxembourg.

b) en ce qui concerne le recours dirigé contre la lettre du bourgmestre du 18 juillet 2003 Sur le vu des faits de la cause qui sont les mêmes que ceux soumis aux juges de première instance au sujet de la recevabilité de ce recours, la Cour estime que ceux-ci ont, dans un examen complet et minutieux de tous les éléments recueillis, apprécié ces derniers à leur juste valeur et en ont tiré des conclusions juridiques exactes.

C’est ainsi à juste titre que les premiers juges ont décidé que si le bourgmestre n’a plus entendu assumer un rôle de « médiateur » dans le cadre de ce dossier, mais a préféré renvoyer les demandeurs directement devant l’autorité administrative estimée compétente - tant par lui-

même que par les demandeurs –, sa prise de position ne saurait être considérée comme une décision administrative faisant suite à une demande particulière, mais s’apparente plutôt à une simple lettre d’information non susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux.

Il s’ensuit que le recours dirigé contre la lettre du bourgmestre de la Ville de Luxembourg du 18 juillet 2003 a à bon droit été déclarée irrecevable.

c) en ce qui concerne le recours dirigé contre la décision du Centre d’Education Différenciée du 2 septembre 2003 Le tribunal administratif a dégagé le cadre légal à l’intérieur duquel sont articulés les arguments des parties impliquées comme suit :

Le recours dirigé contre la lettre prévisée du 2 septembre 2003 par laquelle le centre d'éducation différenciée informa les parents de … de ce que pendant l'année scolaire 2003-2004, ce dernier fréquenterait une classe fonctionnant au siège de ce centre, rue Pierre d'Aspelt, est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

A l'appui de leur recours au fond, tel qu’il a été amplifié par le recours complémentaire, les demandeurs soutiennent que la loi nationale conférerait aux père et mère d'un enfant ayant des difficultés de suivre l'enseignement normal le droit de choisir entre une instruction appropriée dans un centre d'éducation différenciée ou l'intégration dans l'enseignement normal avec appui individualisé et qu'il n'appartiendrait pas aux autorités étatiques de décider en lieu et place des parents.

Dans ce contexte, ils ajoutent que « la mauvaise expérience d’intégration de … est le 5 fruit d’un mauvais fonctionnement de services, d’incompétence et d’incurie mais ne dépend pas de l’enfant handicapé ».

De façon additionnelle, ils estiment qu'en vertu du droit international, à savoir de l'article 2 du premier protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l'homme, « nul ne peut se voir refuser le droit à l'instruction. L'Etat, dans l'exercice de ses fonctions qu'il assumera dans le domaine de l'éducation et de l'enseignement, respectera le droit des parents d'assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques », et des articles 2, 3, 23, 28 et 29 de la Convention relative aux droits de l'enfant, adoptée par l'ONU le 20 novembre 1989, dont, plus particulièrement, l’alinéa 1er de l’article 23 engage les Etats à reconnaître que ces « enfants doivent mener une vie pleine et décente, dans des conditions qui garantissent leur dignité, favorisent leur autonomie et facilitent leur participation active à la vie de la collectivité » et concernant leur éducation, ces enfants doivent avoir, aux termes de l'article 23, alinéa 3 de ladite convention, « effectivement accès à l'éducation, à la formation, aux soins de santé, à la rééducation, à la préparation à l'emploi et aux activités récréatives » et « bénéficier de ces services de façon propre à assurer une intégration sociale aussi complète que possible et leur épanouissement personnel, y compris dans le domaine culturel et spirituel. » Enfin, ils reprochent à l’administration de ne pas avoir respecté l’article 5 de la loi du 28 juin 1994 modifiant et complétant a) la loi modifiée du 10 août 1912 concernant l’organisation de l’enseignement primaire ; b) la loi modifiée du 14 mars 1973 portant création d’instituts et de services d’éducation, dès lors que le changement d’orientation de … aurait été décidé par la commission médico-psycho-

pédagogique nationale sans dossier administratif renseignant les raisons objectives justifiant que l’enfant soit sorti « d’un régime de cohabitation vers un régime d’éducation différencié » et sans que les parents auraient été entendus.

L'Etat rétorque qu'une fois qu'une modalité de scolarisation d'un enfant handicapé a été choisie, de concert avec les parents, il n'appartiendrait pas à ceux-ci de décider encore des modalités pratiques de la mise en œuvre de cette scolarisation. Or, les revendications des demandeurs iraient dans cette direction.

Lors des plaidoiries de l’affaire, le mandataire des demandeurs s’est encore opposé à la prise en considération d’un rapport d’expertise dressé le 14 décembre 2003 par Mme D.N. et produit en cause par le délégué du gouvernement, au motif que ce rapport constituerait un moyen de preuve que le gouvernement se serait illégalement procuré, dès lors que cette « expertise » médicale aurait été établie sans que les parents de l’enfant … n’en auraient été informés et partant sans qu’ils n’aient marqué leur accord.

Le délégué du gouvernement, dans le dernier état de ses conclusions, telles qu’elles se dégagent de sa prise de position écrite, rétorque que le rapport querellé émanerait d’une collaboratrice externe des services de l’éducation différenciée, qui serait plus particulièrement chargée de la supervision des groupes de l’éducation différenciée et d’analyser les problèmes, soit collectifs soit individuels, qui s’y rencontreraient.

Quant à l’information préalable des parents des élèves concernés relativement à l’élaboration des travaux qu’elle serait appelée à faire et partant des rapports y 6 afférents, le délégué soutient que tout travail de supervision et de soutien serait fondamentalement mis en cause si toute action de la part de Mme D.N., devrait être annoncée préalablement.

Le tribunal retient en premier lieu que le droit en soi de l'enfant … à recevoir une éducation appropriée n’a jamais été mis en cause, le litige dont le tribunal est appelé à connaître n’ayant trait qu’aux modalités concrètes de son organisation.

Quant au cadre légal, d’une part, il se dégage de l’examen des dispositions de droit international invoquées par les demandeurs, qu’elles confèrent certes à tout enfant, handicapé ou non, le droit à instruction, mais qu’aucune d’entre elles ne confère aux parents des élèves le droit de décider de l'organisation concrète des modalités de leur éducation.

D’autre part, si les dispositions nationales (articles 1er, alinéa 1er, 2 et 3, alinéa 3 de la loi modifiée du 14 mars 1973 portant création d'instituts et de services d'éducation différenciée) opèrent entre autres une distinction entre les centres ou instituts de l'éducation différenciée et l'aide et l'appui individualisés par un service de l'éducation différenciée dans le cadre d'une classe de l'éducation préscolaire ou d'une classe de l'enseignement primaire et si l'article 10 de ladite loi du 14 mars 1973 confère, en principe, aux parents un droit de participer lors de la détermination du mode de scolarisation de leur enfant, aucune disposition nationale ne confère aux parents un droit de décider de l’organisation au sein même d’un des modes de scolarisation, notamment pour ce qui concerne la répartition des enfants au sein des différentes classes.

Le cadre légal ainsi prétracé, il convient de relever qu’en l’espèce, suite à une question afférente posée par le tribunal lors des plaidoiries, le délégué du gouvernement et le mandataire des demandeurs ont précisé que la classe que l’enfant … fréquentait au cours de l’année 2002-2003 à l'école primaire de la rue Batty Weber à Luxembourg-Limpertsberg ne constituait pas une classe « ordinaire » qui aurait en outre accueilli un ou plusieurs enfants handicapés, mais qu’il s’agissait d’une classe ne comportant que des enfants handicapés. – Dans ce contexte, il convient de relever, au regard des éléments d’information soumis au tribunal, qu’une « classe de cohabitation » constitue un groupe relevant du régime de l’éducation différenciée, étant précisé que, contrairement à ce que la notion de « classe de cohabitation » pourrait suggérer de prime abord, il ne s’agit pas d’une classe ou cohabitent des enfants handicapés et des enfants non-handicapés, mais il s’agit d’une classe d’enfants handicapés logée dans un bâtiment de l’éducation préscolaire ou de l’enseignement primaire, c’est-à-dire qu’il s’agit d’une forme d’organisation interne au sein même du régime de d’éducation différenciée.

La Cour constate qu’aucune des parties en instance d’appel ne conteste que l’enfant … fréquentait au cours de l’année 2002-2003 une classe d’enfants handicapés organisée au sein du régime de l’éducation différenciée, logée dans un bâtiment de l’éducation préscolaire ou de l’enseignement primaire situé à Luxembourg-Limpertsberg.

Il résulte par ailleurs des développements soumis par les parties en cause que … fréquentait une classe de cohabitation du régime de l’éducation différenciée au courant de l’année 2001-

2002.

7 C'est à juste titre que le tribunal administratif a retenu dans ce contexte que la thèse développée par les demandeurs à travers leurs écrits apparaît être viciée à sa base, les demandeurs querellant un « changement dans l’orientation » de leur enfant …, alors que pareil changement d’orientation n’a pas eu lieu, … ayant uniquement fait l’objet d’un changement de classe, tandis que le mode de sa scolarisation n’a pas été changé par l’effet de la décision litigieuse.

Or, les parents ne sauraient prétendre à s’immiscer dans l’organisation interne d’un mode de scolarisation, notamment pour ce qui concerne la répartition des enfants au sein des différentes classes, voire de l’affectation des enseignants aux différentes classes.

Pour autant que les appelants devaient envisager de reconsidérer leur choix relatif à la scolarisation de … (c’est à dire le transfert de l’éducation différenciée vers l’enseignement ordinaire ou spécial), il leur appartient, comme suggéré par le délégué de Gouvernement, de suivre la voie tracée par l’article 12 de la loi modifiée du 14 mars 1973 portant création d’instituts et de services de l’Education différenciée prévoyant une demande de transfert à la Commission Médico-Psychopédagogique Nationale au moins deux mois avant la rentrée des cours.

La Cour se réfère par ailleurs aux conclusions en duplique du délégué de Gouvernement qui n’ont pas été contestées à l’audience et qui renseignent ce qui suit :

… fréquente pour le moment un groupe de la rue Pierre d'Aspelt. De l'avis unanime du personnel concerné, il s'est très bien intégré dans sa nouvelle classe, il semble s'y plaire et le travail entrepris devrait permettre une prise en charge répondant de manière plus efficiente à ses besoins fondamentaux. Ainsi, les mêmes professionnels (incluant e. a. la logopède, le psychologue et la psychothérapeute chargée de la supervision dans le centre) constatent que ces différentes mesures ont d'ores et déjà permis au jeune garçon de faire de très nets progrès, se traduisant notamment par le développement de son vocabulaire actif et de son autonomie.

Au vu de ces éléments, les arguments liés à la supériorité de l’article 2 du Premier protocole additionnel à la Convention Européenne des Droits de l’Homme laissent d’être fondés, cette disposition se limitant à garantir un droit à l’éducation dans le respect des convictions philosophiques et religieuses, sans néanmoins prévoir pour les parents un droit de décider de l’organisation concrète des modalités de leur éducation.

La référence faite à l'arrêt rendu par le Oberverwaltungsgericht Rheinlandpfalz est inopérante, dans la mesure où la loi fondamentale allemande ne trouve pas application sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg.

Les appelants font finalement valoir que les articles 2, 3, 23, 28 et 29 de la Convention relative aux droits de l'enfant, adoptée par l'ONU le 20 novembre 1989, dont, plus particulièrement, l’alinéa 1er de l’article 23 engage les Etats à reconnaître que ces « enfants doivent mener une vie pleine et décente, dans des conditions qui garantissent leur dignité, favorisent leur autonomie et facilitent leur participation active à la vie de la collectivité » et concernant leur éducation, ces enfants doivent avoir, aux termes de l'article 23, alinéa 3 de ladite convention, « effectivement accès à l'éducation, à la formation, aux soins de santé, à la rééducation, à la préparation à l'emploi et aux activités récréatives » et « bénéficier de ces 8 services de façon propre à assurer une intégration sociale aussi complète que possible et leur épanouissement personnel, y compris dans le domaine culturel et spirituel. » L’instrument juridique ainsi cité, contrairement aux développements des appelants, n’accorde pas le droit aux parents de se mêler dans l’organisation scolaire elle-même en se limitant à postuler des principes qui paraissent entérinés au Grand-Duché depuis la promulgation de la loi du 14 mars 1973 portant création d’instituts et de services de l’Education différenciée.

Il résulte de l’ensemble de ces considérations que l’appel laisse d’être fondé.

Par ces motifs la Cour, statuant contradictoirement, sur le rapport de son conseiller, reçoit l’acte d’appel du 15 avril 2004, le déclare cependant non fondé, confirme le jugement du 29 mars 2004 dans toute sa teneur, condamne les parties appelantes aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par Jean Mathias Goerens, vice-président Marc Feyereisen, conseiller, rapporteur Carlo Schockweiler, conseiller et lu par le vice-président Jean Mathias Goerens en l’audience publique au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.

le greffier le vice-président 9


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17912C
Date de la décision : 09/11/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-11-09;17912c ?

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