La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/10/2004 | LUXEMBOURG | N°17714

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 octobre 2004, 17714


Numéro 17714 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 mars 2004 Audience publique du 14 octobre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre un bulletin d’impôt émis par le bureau d'imposition Luxembourg 6 en matière d’impôt sur le revenu

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------


JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17714 du rôle, déposée le 9 mars 2004 au greffe du tribunal administratif par Monsieur …, ingénieur technicien, demeura

nt à L-…, tendant à la réformation d’un bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 1996,...

Numéro 17714 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 mars 2004 Audience publique du 14 octobre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre un bulletin d’impôt émis par le bureau d'imposition Luxembourg 6 en matière d’impôt sur le revenu

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17714 du rôle, déposée le 9 mars 2004 au greffe du tribunal administratif par Monsieur …, ingénieur technicien, demeurant à L-…, tendant à la réformation d’un bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 1996, émis par le bureau d'imposition Luxembourg 6 le 19 juillet 2001 à l’égard de sa mère défunte, Madame …;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 juin 2004;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 22 juin 2004 par Monsieur …;

Vu les pièces versées en cause et notamment le bulletin entrepris;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Monsieur … en ses explications et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Marie KLEIN en sa plaidoirie à l’audience publique du 29 septembre 2004.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Suite au décès de Monsieur … en date du 18 juillet 1985, son épouse survivante, Madame … est devenue usufruitière à 100% et nu-propriétaire à 75% de deux immeubles sis à …, tandis que son fils, Monsieur …, préqualifié, est devenu nu-propriétaire à concurrence de 25% de ces mêmes immeubles. Dans la suite, l’immeuble sis à … fut occupé par Madame … tandis que l’autre immeuble fut loué à des tiers.

Suite au dépôt par Madame … de sa déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 1996, renseignant entre autres un revenu net de la location de biens à hauteur de 33.277 LUF provenant notamment de la location de l’immeuble susvisé sis dans la …, le bureau d'imposition Luxembourg 6 de la section personnes physiques du service d’imposition de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « bureau d'imposition », émit le 27 mars 1997 à l’égard de Madame … un bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 1996 retenant dans son chef notamment un revenu net de location de biens à hauteur de 33.277 LUF.

Madame … décéda en date du 19 septembre 1999.

Suivant décision du bureau d'imposition du 7 février 2002, Monsieur … fut sommé de déposer, du chef des revenus perçus en raison de la location de l’immeuble en copropriété de la …, une déclaration pour l’établissement en commun des revenus de copropriétés de l’année 1996 pour le 11 mars 2002 au plus tard, sous peine d’une astreinte de 250 €. Son recours hiérarchique contre cette décision du bureau d'imposition ayant été rejeté comme non fondé par décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 4 mars 2003, Monsieur … introduisit un recours contentieux à l’encontre de la décision directoriale du 4 mars 2003, lequel fut cependant à son tour rejeté par jugement du tribunal administratif du 17 décembre 2003 (n° 16431 du rôle).

A défaut de déclaration déposée jusqu’à cette date, le bureau d'imposition émit en date du 19 juin 2003 à l’égard de la copropriété entre Madame … et Monsieur … un bulletin d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés pour l’année 1996, retenant dans leur chef un revenu commun positif de 127.402 LUF du chef de la location de l’immeuble susvisé, imputé à concurrence de 138.201 LUF à Madame … et de –10.799 LUF à Monsieur ….

A la même date, le bureau d'imposition émit à l’égard de Madame … un bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 1996 rectifié sur base du paragraphe 218 (4) de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », retenant dans son chef notamment un revenu net de la location de biens de 171.478 LUF.

Sa réclamation du 10 juillet 2003 à l’encontre de ce bulletin d’impôt n’ayant pas été toisée par une décision du directeur de l’administration des Contributions directes, Monsieur … a introduit, par requête déposée le 9 mars 2004, un recours contentieux à l’encontre dudit bulletin de l’impôt sur le revenu du 19 juin 2003.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8 (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours dirigé contre un bulletin d’impôt sur le revenu en cas de silence du directeur durant plus de six mois suite à une réclamation dûment introduite par le contribuable. Le tribunal a partant compétence pour connaître du recours en réformation dirigé contre le bulletin d’impôt sur le revenu du 19 juin 2003.

Le demandeur sollicite encore à travers le dispositif de sa requête introductive la restitution de l’excès de l'impôt sur le revenu indûment retenu suite au bulletin d’impôt critiqué.

La perception de l’impôt se divise en trois phases, à savoir la phase d’assiette, la phase de liquidation de l’impôt et la phase de recouvrement de l’impôt (cf. Jean OLINGER, Le droit fiscal, ETUDES FISCALES nos 93-95, p. 63). Un bulletin de l’impôt sur le revenu, dans la mesure où il comporte les seules détermination des bases d’imposition et fixation de la cote d’impôt sur le revenu y relative, ne porte que sur les deux premières phases. Les questions relatives respectivement à l’obligation du contribuable de régler un solde d’impôt ou son droit de se voir restituer un impôt déjà payé relèvent par contre de la phase de recouvrement.

Dans le cadre de l’impôt sur le revenu et de la réformation d’un bulletin par une instance de recours, le contribuable tire à la fois de l’article 154 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, en abrégé « LIR », et du paragraphe 151 AO un droit au remboursement du trop-payé d’impôt sur le revenu. Dès lors que l’administration n’entend pas exécuter le remboursement dans la mesure voulue par le contribuable, elle doit, conformément au paragraphe 150 (2) AO, matérialiser son refus par un bulletin qui constitue ainsi une décision autonome propre à la phase de recouvrement de l’impôt et soumise aux voies de recours prévues par le paragraphe 235, n° 5 AO.

En l’espèce, il résulte des éléments du dossier soumis au tribunal que le recours sous analyse est porté contre un bulletin de l’impôt sur le revenu qui fixe une certaine cote d’impôt et constate un trop-payé de retenue sur salaires et pensions découlant directement de cette détermination de l’impôt redû, mais ne comporte aucun autre élément décisionnel quant à un droit à restitution d’impôt du demandeur. En l’absence dès lors d’un bulletin de l’autorité compétente, préalablement contesté devant le directeur de l’administration des Contributions directes, sur le remboursement d’un trop-perçu d’impôt et faute de disposition légale investissant le tribunal d’un pouvoir spontané pour ordonner un remboursement d’impôts, le tribunal, bien qu’étant en principe compétent pour connaître de ces contestations, ne saurait connaître à ce stade de la demande en question laquelle doit dès lors être déclarée irrecevable.

Il résulte de ce qui précède que le recours sous analyse encourt l’irrecevabilité en ce qu’il entend voir ordonner une restitution d’impôt, mais est recevable pour le surplus pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Lors des plaidoiries à l’audience, le demandeur a, avant le rapport du juge-rapporteur, soumis au tribunal une note de plaidoirie en arguant qu’elle devrait être reçue par le tribunal en tant que mémoire supplémentaire au motif que le bureau d'imposition n’aurait déposé au greffe les dossiers fiscaux en cause dans l’affaire sous analyse qu’au moment où il aurait déjà envoyé son mémoire en réplique, de manière à l’avoir privé de son droit de présenter ses observations quant au contenu de ces dossiers.

L’article 7, alinéa 1er de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives dispose qu’« il ne pourra y avoir plus de deux mémoires de la part de chaque partie, y compris la requête introductive », de manière que la note de plaidoirie constitue en réalité un troisième mémoire déposé à la suite de la requête introductive et du mémoire en réplique et donc en violation dudit article 7, alinéa 1er.

S’il est vrai que la date du dépôt des dossiers fiscaux a empêché le demandeur d’y prendre position à travers son mémoire en réplique, il lui aurait incombé de soumettre au président du tribunal ou au président de la chambre appelée à connaître de l’affaire une demande tendant à être autorisé à produire un mémoire supplémentaire en se prévalant de son droit de la défense face aux éléments nouveaux contenus dans lesdits dossiers. Il s’ensuit que la note de plaidoirie doit être écartée des débats.

A l’appui de son recours, le demandeur reproche d’abord au bureau d'imposition d’avoir contrevenu au but du paragraphe 205 (3) AO en ce qu’il n’aurait ni été invité à déposer une déclaration d’impôt rectificative, ni autrement été informé préalablement de l’intention du bureau d'imposition d’émettre un bulletin d’impôt rectificatif, tout comme son préposé se serait opposé à tout « entretien verbal » avec lui et aurait ainsi « privé le requérant de son droit à un débat éclairé et préalable entre parties avant l’émission du bulletin d’impôt ».

Le paragraphe 205 (3) AO dispose que : « Wenn von der Steuererklärung abgewichen werden soll, sind dem Steuerpflichtigen die Punkte, in denen eine wesentliche Abweichung zu seinen Ungunsten in Frage kommt, zur vorherigen Äusserung mitzuteilen ».

Cette disposition met en substance à charge du bureau d’imposition, préalablement à l’émission du bulletin d’impôt, une obligation positive de communication des éléments au sujet desquels il décide de ne pas s’en tenir à la déclaration du contribuable, pour autant que ces éléments représentent une « wesentliche Abweichung » en défaveur du contribuable par rapport à sa déclaration.

Conformément à la finalité de cette disposition légale, force est d’admettre que l’obligation d’une consultation préalable du contribuable, telle que consacrée par le paragraphe 205 (3) AO, doit trouver application au stade de la procédure d’imposition auquel la détermination des bases d’imposition est effectivement accomplie.

Il est cependant constant en cause que le bulletin d’impôt critiqué a été émis par application du paragraphe 218 AO dont il découle que, tant dans l’hypothèse d’un bulletin d’établissement initial visée à l’alinéa (2) que dans celle d’un bulletin d’établissement rectificatif visée à l’alinéa (4), la fixation de bases d’imposition dans un bulletin d’établissement en commun doit être reprise d’office par le bureau d'imposition compétent dans un bulletin d’impôt individuel, même le cas échéant par rectification d’un bulletin d’impôt antérieur déjà coulé en force de chose décidée.

Dans la mesure où le bulletin d’impôt entrepris se confine en substance à rectifier le bulletin d’impôt antérieur du 27 mars 1997 par le remplacement du revenu net de location de bien initialement retenu par celui fixé par le bulletin d’établissement en commun susvisé du 19 juin 2003 et répercute ainsi automatiquement, conformément au paragraphe 218 AO, la base d’imposition partielle afférente sur les bases d’imposition globales et sur la cote d’impôt sur le revenu en découlant, il ne peut dès lors pas être considéré comme ayant fixé des bases d’imposition, opération qui a eu lieu au niveau du bulletin d’établissement en commun du 19 juin 2003.

Il en découle que l’obligation de communication consacrée par le paragraphe 205 (3) AO ne trouve pas application dans le cadre de l’émission du bulletin d’impôt entrepris et que le moyen afférent est à écarter.

Le demandeur se prévaut ensuite de la prescription de la créance d’impôt en se prévalant de la prescription consacrée par l’article 10 de la loi modifiée du 27 novembre 1933 concernant le recouvrement des contributions directes et des cotisations d’assurance sociale et acquise au terme d’un délai de cinq ans.

Aux termes du paragraphe (1) de l’article 10 de la loi prévisée du 27 novembre 1933, « la créance du Trésor se prescrit par cinq ans. Toutefois, en cas de non-déclaration ou en cas d’imposition supplémentaire pour déclaration incomplète ou inexacte, avec ou sans intention frauduleuse, la prescription est de dix ans ».

Il découle de cette disposition que, si le délai de prescription de cinq ans est le délai de droit commun, le délai de dix ans initialement restreint aux impositions supplémentaires intervenant en cas de déclaration inexacte ou incomplète et étendu à travers l’article 3 de la loi budgétaire du 24 décembre 1999 à la situation du cas de non-déclaration visant l’absence totale de déclaration pour les impôts et années fiscales concernés, est un délai spécial (rapport du directeur des contributions du 19 octobre 1951 au ministre des Finances relativement à l’article 1er du projet de loi n° 7 (391), compte rendu des séances de la Chambre des Députés, session ordinaire 1951-1952, annexes p. 11, commentaire des articles, ad. article 1er) qui sanctionne des insuffisances imputables au contribuable soumis à l’obligation déclarative et ne peut pas trouver application si le contribuable a satisfait à ses obligations dans les limites de son pouvoir.

Or, en l’espèce, force est de constater que Madame … avait bel et bien soumis au bureau d'imposition sa déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 1996, renseignant entre autres un revenu net de la location de biens provenant notamment de la location de l’immeuble susvisé sis 177, … à Luxembourg, et que le bureau d'imposition a émis le 27 mars 1997 à son égard un bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 1996 retenant dans son chef notamment un revenu net de location de biens correspondant exactement au montant déclaré. Dans la mesure où le bureau d'imposition a ainsi reconnu les bases d’imposition telles que figurant dans la déclaration d’impôt et liquidé l’impôt en conséquence, Madame …, en tant que contribuable à l’égard duquel la prescription a couru, ne peut pas être considérée comme ayant satisfait de manière insuffisante à son obligation déclarative.

S’il est vrai que la rectification opérée par le bureau d'imposition à travers le bulletin d’impôt litigieux du 19 juin 2003 est fondée sur un bulletin d’établissement en commun pour la même année 1996 qui a déterminé le revenu commun de location du chef de l’immeuble en cause sis à Luxembourg, 177, …, entre Madame … et le demandeur par voie de taxation à défaut de déclaration afférente, il n’en reste pas moins que la procédure pour la détermination séparée et en commun dudit revenu commun a été entamée après le décès de Madame … et que cette taxation était fondée sur les seuls éléments contenus dans le dossier fiscal de la copropriété entre le demandeur et Madame ….

Aucune insuffisance imputable à Madame … n’étant établie en cause, le délai spécial de prescription de 10 ans ne peut trouver application en l’espèce, de manière que la prescription quinquennale, dont le délai a commencé à courir le 1er janvier 1997 conformément à l’article 10 (3) de la loi prévisé du 27 novembre 1933, est acquise depuis le 1er janvier 2002 et constitue partant un obstacle légal à l’établissement d’un bulletin rectificatif fixant une cote d’impôt supérieure à celle du bulletin d’impôt initial.

Il s’ensuit que le bulletin d’impôt entrepris du 19 juin 2003 encourt l’annulation.

La demande en allocation d’une indemnité de procédure, telle que formulée par le demandeur, est cependant à rejeter, étant donné que les conditions légales afférentes ne se trouvent pas réunies en l’espèce.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, déclare le recours irrecevable en ce qu’il tend à la restitution d’un trop-perçu d’impôt, écarte des débats la note de plaidoirie déposée à l’audience par le demandeur, reçoit le recours en réformation en la forme pour le surplus, au fond, le déclare justifié, partant, dans le cadre du recours en réformation introduit, annule le bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 1996 émis par le bureau d'imposition Luxembourg 6 le 19 juin 2003 à l’égard de Madame …, rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par le demandeur, condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par:

M. CAMPILL, vice-président, M. SCHROEDER, premier juge, M. SPIELMANN, juge, et lu à l’audience publique du 14 octobre 2004 par le vice-président en présence de M. LEGILLE, greffier.

LEGILLE CAMPILL 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17714
Date de la décision : 14/10/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-10-14;17714 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award