La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/10/2004 | LUXEMBOURG | N°17951

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 octobre 2004, 17951


Tribunal administratif N° 17951du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 avril 2004 Audience publique du 11 octobre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17951 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 23 avril 2004 par Maître Pierre-Marc KNAFF, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Monténégro/Etat de Serbie et Monténégro), de nationalit

é serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décisio...

Tribunal administratif N° 17951du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 avril 2004 Audience publique du 11 octobre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17951 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 23 avril 2004 par Maître Pierre-Marc KNAFF, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Monténégro/Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 18 mars 2004 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 24 juin 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRÜCK en sa plaidoirie à l’audience publique du 4 octobre 2004.

Monsieur … introduisit en date du 17 février 2004 une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux de la police grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Il fut entendu le 9 mars 2004 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Monsieur … par décision du 18 mars 2004, lui envoyée par courrier recommandé en date 23 mars 2004, de ce que sa demande a été refusée comme non fondée au motif que ses craintes ne sauraient constituer un motif pour obtenir le statut de réfugié au sens de la Convention de Genève.

Le 23 avril 2004, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation contre la décision ministérielle du 18 mars 2004.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le tribunal est compétent pour l’analyser. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au fond Monsieur …, originaire du Monténégro, fait valoir qu’il aurait fait l’objet de maltraitances en raison de son homosexualité, dues au fait que le Monténégro serait composé d’une population essentiellement musulmane, dont la religion interdirait l’homosexualité et la punirait sévèrement.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte qu’il serait à débouter de son recours.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2 de la Convention de Genève de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En l’espèce le demandeur fait état de ses problèmes liés à son homosexualité au Monténégro. Ses problèmes se concentrent essentiellement au niveau de sa propre famille et au niveau de l’accès au marché du travail et ont trait en substance à la situation générale des homosexuels. Force est de constater que les membres de sa propre famille ne sauraient être considérés, en l’absence de circonstances particulières, comme des agents de persécution au sens de la Convention de Genève. Pour le surplus il y a lieu de constater que beaucoup d’homosexuels se voient confrontés à des réactions, telles que relatées par lui lors de son audition, de la part de leurs parents ainsi que de manière plus générale au niveau de leur engrenage social, de sorte qu’on ne saurait suivre son raisonnement que le problème de la reconnaissance de l’homosexualité serait un problème lié à sa situation individuelle spécifique limitée au Monténégro.

Concernant ensuite la crainte exprimée par le demandeur d’actes de persécution provenant de la société en général en raison de son homosexualité, force est de constater qu’il se prévaut d’actes de persécution émanant non pas des autorités publiques, mais de personnes privées. Or, s’agissant ainsi d’actes émanant de certains éléments de la population, une persécution commise par des tiers peut être considérée comme fondant une crainte légitime de persécution au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités publiques pour l’un des motifs énoncés par ladite Convention et dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile. En outre, la notion de protection de la part du pays d’origine de ses habitants contre des agissements de groupes de la population n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, et une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel (cf.

Jean-Yves Carlier : Qu’est-ce-qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p. 113, nos 73-s).

Pareillement, ce n’est pas la motivation d’un acte criminel qui est déterminante pour ériger une persécution commise par un tiers en un motif d’octroi du statut de réfugié, mais l’élément déterminant à cet égard réside dans l’encouragement ou la tolérance par les autorités en place, voire l’incapacité de celles-ci d’offrir une protection appropriée.

Les événements mis en avant par le demandeur, non autrement précisés, revêtent en l’espèce certes un caractère condamnable, mais ne revêtent pas un caractère de gravité suffisant afin de valoir comme motif de persécution au sens de la Convention de Genève, d’autant plus que le demandeur reste en défaut de prouver que les autorités en place encourageraient, voire toléreraient de tels actes.

De tout ce qui précède il résulte que le recours sous analyse est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 11 octobre 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17951
Date de la décision : 11/10/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-10-11;17951 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award