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11/10/2004 | LUXEMBOURG | N°17840

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 octobre 2004, 17840


Tribunal administratif N° 17840 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 avril 2004 Audience publique du 11 octobre 2004 Recours formé par Madame …, … contre une décision de la ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports en matière d’employé public

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17840 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 7 avril 2004 par Maître Romain ADAM, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, employée de l

’Etat, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision d...

Tribunal administratif N° 17840 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 avril 2004 Audience publique du 11 octobre 2004 Recours formé par Madame …, … contre une décision de la ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports en matière d’employé public

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17840 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 7 avril 2004 par Maître Romain ADAM, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, employée de l’Etat, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision de la ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports du 5 janvier 2004 portant rejet de sa demande en recalcul de sa rémunération avec effet au moment de son transfert vers la réserve nationale des suppléants à la date du 15 septembre 2003 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 12 mai 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 10 juin 2004 par Maître Romain ADAM au nom de Madame … ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 8 juillet 2004 ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment la décision ministérielle déférée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Romain ADAM et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 20 septembre 2004.

Considérant que depuis l’année scolaire 1990/1991 jusqu’à l’année scolaire 2002/2003 incluse Madame … a revêtu la qualité de chargé de direction d’une classe de l’enseignement primaire de la Ville de Luxembourg suivant contrats de louage de services successifs à durée déterminée conclus entre parties ;

Qu’en date du 1er juillet 2003 elle a introduit auprès de la ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports, désignée ci-après par « la ministre », une candidature en vue de son admission à la réserve nationale de suppléants pour l’éducation préscolaire et l’enseignement primaire, option primaire, instituée par la loi modifiée du 25 juillet 2002 concernant le remplacement des instituteurs de l’éducation préscolaire et de l’enseignement primaire ;

Qu’à la date du 10 juillet 2003 l’intéressée fut informée de son admission à la réserve de suppléants précitée ;

Que par courrier du 7 août 2003 la ministre informa les membres de la réserve de suppléants en question, dont Madame …, des conditions d’indemnisation, en ce que dans sa séance du 30 juillet dernier, le Conseil de Gouvernement a confirmé sa position consistant à voir traiter les membres de la réserve de suppléants de façon identique, conformément aux lois et règlements en vigueur applicables à l’ensemble des employés de l’Etat, de sorte qu’en conséquence, elle leur retournait les documents revêtus d’une réserve manuscrite de leur part pour leur signaler qu’au cas où ils seraient disposés à intégrer la réserve de suppléants aux conditions légales et réglementaires en vigueur pour tous les employés de l’Etat, elle les priait de lui retourner dans les meilleurs délais, dûment signés et complétés, les nouveaux exemplaires du contrat de louage de services joints en annexe.

Que suivant un courrier du 26 août 2003 la ministre a envoyé aux nouveaux membres de la réserve nationale les contrats par eux signés avec l’adjonction d’une mention manuscrite suivant laquelle ils se réservaient leurs droits acquis et notamment ceux relatifs à leur rémunération ;

Qu’en annexe à ce courrier les membres en question se sont vu adresser un troisième contrat pour signature sans la réserve manuscrite apposée sur les premiers documents, la ministre déclarant être dans l’impossibilité de contresigner pareils documents pour les motifs déjà invoqués dans son courrier du 7 août 2003 prérelaté ;

Que Madame … de déclarer que ce serait suite à l’obstination des services du ministère de l’Education nationale de ne pas vouloir accepter les contrats avec une réserve manuscrite et en attendant de voir toiser la question de leurs droits acquis par les juridictions compétentes qu’elle aurait décidé de signer en date du 29 août 2004 le nouveau contrat lui proposé, tout en relevant que suivant courrier du 5 novembre 2003 émanant de son mandataire elle a fait insister sur le maintien de sa position tendant à la reconnaissance de ses droits acquis en matière de rémunération ;

Que le courrier du 5 novembre 2003 en question s’analyse d’après sa teneur même en une réclamation formelle contre la rémunération touchée par Madame … depuis le 15 septembre 2003 avec demande de recalcul de ladite rémunération en tenant compte des droits acquis par elle invoqués consistant dans sa rémunération jusque lors touchée auprès de la Ville de Luxembourg pour un travail identique, sinon analogue, sa demande tendant pratiquement à voir toucher la même rémunération que celle qui lui a été versée auparavant avant le 15 septembre 2003 ;

Que par décision du 5 janvier 2004 la ministre a déclaré ne pas être en mesure de donner suite à la réclamation de Madame … du 5 novembre 2003 ;

Considérant que c’est contre cette décision du 5 janvier 2004 que Madame … a fait introduire en date du 7 avril 2004 un recours tendant à sa réformation, sinon à son annulation ;

Considérant qu’il est constant en cause que Madame … a été admise à la réserve nationale de suppléants en tant que détentrice de l’attestation d’admissibilité à ladite réserve tel que résultant du point 5 de l’article 6 de la loi modifiée du 25 juillet 2002 précitée ;

Considérant que conformément à l’article 7, alinéa 2 de la même loi elle bénéficie d’un engagement en qualité d’employée de l’Etat à durée indéterminée et à tâche complète auprès de la réserve nationale de suppléants ;

Considérant que la décision déférée porte refus de la demande en recalcul de sa rémunération formulée par Madame … ;

Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article 11.1 de la loi modifiée du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l’Etat, les contestations résultant du contrat d’emploi et de la rémunération des employés de l’Etat sont de la compétence du tribunal administratif siégeant comme juge du fond ;

Que partant le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal ;

Considérant que le recours introduit le 7 avril 2004 est recevable ratione temporis étant vérifié que la décision déférée du 5 janvier 2004 a été postée le 6 janvier suivant, de sorte à n’être parvenue au plus tôt à Madame … que le 7 janvier 2004 ;

Que le recours en réformation ayant pour le surplus été introduit suivant les formes prévues par la loi, il est recevable ;

Considérant qu’en fait, les parties sont en accord pour expliquer que la différence de rémunération survenue dans le chef de Madame … concernant ses situations d’avant et d’après le 15 septembre 2003 résulte de ce que, d’une part, la rémunération lui versée anciennement par la Ville de Luxembourg en tant que chargée de direction est supérieure de l’ordre de 8,5 % par rapport à celle actuellement touchée en tant qu’employée de l’Etat, membre de la réserve des suppléants et résulte d’une prise en charge plus large par la Ville des cotisations sociales et d’un calcul plus favorable de la valeur du point indiciaire, étant entendu que le nombre de points indiciaires servant de base de calcul à la rémunération est identique dans les deux cas ;

Que la demanderesse d’estimer que la diminution de la rémunération par elle ainsi accusée serait contraire à la loi alors qu’elle continuerait à exercer le même travail que celui presté avant sa promotion comme membre de la réserve nationale de suppléants ;

Que d’un point de vue moral, sinon en vertu des principes élémentaires d’équité elle estime que cette diminution en rémunération serait résolument injuste ;

Que d’un côté, elle ferait partie des chargés de cours ayant presté durant plus de dix ans ses services dans l’intérêt de l’enseignement de la Ville pour, de l’autre côté, répondre à l’appel du Gouvernement luxembourgeois et devenir membre de la réserve nationale de suppléants après avoir réussi la formation spécifique prévue par la loi à cette fin ;

Que la demanderesse d’estimer que d’un point de vue juridique son transfert à partir de l’administration communale de la Ville de Luxembourg vers la réserve nationale de suppléants, c’est-à-dire vers l’Etat, « ne saurait constituer autre chose » qu’un transfert d’entreprise prévu par l’article 36 de la loi modifiée du 24 mai 1989 concernant le contrat de travail ;

Que la diminution de rémunération serait injuste en ce sens qu’elle continuerait à faire exactement le même travail qu’auparavant lorsqu’elle était chargée de direction auprès de la Ville de Luxembourg et qu’actuellement ses anciens collègues restés liés à la Ville et n’ayant point rejoint la réserve nationale de suppléants, ni suivi une formation continueraient à toucher la rémunération plus élevée ;

Qu’elle critique encore la façon de procéder des autorités étatiques tendant à ce qu’aucune réserve manuscrite ne puisse être apposée sur le contrat d’engagement d’un employé de l’Etat ;

Que compte tenu de ses droits acquis invoqués, la demanderesse d’estimer que sa demande de recalcul de sa rémunération avec effet à partir du 15 septembre 2003 serait justifiée ;

Qu’à travers son mémoire en réplique la partie demanderesse de critiquer encore l’analyse du délégué du Gouvernement suivant laquelle il s’agirait en l’espèce uniquement d’un changement de la personne de l’employeur, exclusif de toute notion de transfert d’entreprise, de même qu’elle n’accepte pas l’argument du représentant étatique suivant lequel la loi modifiée du 24 mai 1989 ne s’appliquerait pas in globo aux employés de l’Etat ;

Que la demanderesse d’analyser plus longuement les jugements de ce tribunal invoqués par le délégué du Gouvernement (n° 13761 à 13767 du rôle) pour dégager une distinction suivant elle décisive en ce que dans la présente affaire la demanderesse a déjà été aux services d’une entité de droit public avant de rejoindre la réserve nationale de suppléants, tandis que dans les jugements précités il s’agissait de la reprise d’une activité du secteur privé par le service public administratif, les personnes y concernées ayant de la sorte été nouvellement engagées par une entité de droit public tandis qu’au préalable elles étaient sous contrats de travail avec une entité de droit privé ;

Que dès lors il faudrait retenir en l’espèce un transfert d’entreprise avec maintien des droits acquis étant donné qu’il ne s’agirait aucunement d’un passage d’une situation de droit privé vers une situation de droit public ;

Que suivant Madame … sa situation serait encore particulière alors qu’elle relèverait du monde de l’enseignement et plus spécifiquement des chargés de cours entraînant que tant la question du paiement de sa rémunération que celle du véritable employeur seraient particulières ;

Que la demanderesse de s’emparer d’un jugement du tribunal du 27 septembre 2000 (n° 11464 du rôle) ayant ordonné le recalcul de la rémunération de l’intéressé en déclarant toute diminution de la rémunération comme étant contraire à la loi dans une hypothèse particulière, selon elle, parallèle à celle sous revue d’un enseignant anciennement aux services d’une commune, repris par l’Etat et continuant à exercer exactement le même travail qu’auparavant ;

Que la demanderesse de se demander si la seule signature d’un nouveau contrat de travail avec l’Etat pouvait être de nature à justifier une différence de traitement et si ce nouveau contrat a réellement entraîné un changement d’employeur dans son chef ;

Qu’elle estime en effet que même si la loi du 25 juillet 2002 avait prévu en son article 7 qu’elle revêtirait la qualité d’employée de l’Etat, elle pouvait légitimement se poser la question de savoir qui était son véritable employeur compte tenu du fait qu’elle exercerait ses services en faveur de la Ville de Luxembourg, comme auparavant, et que dans une situation de chargé de cours prestant ses services pour une commune, le tribunal administratif, suivi par la Cour administrative (jugement du 14 juillet 1999, numéros 11079 et 11098 du rôle, arrêt du 14 décembre 2000, numéro 11498C du rôle) avait retenu que l’employeur était la commune en question et non pas l’Etat, encore que l’intéressée dont s’agissait eût été engagée suivant un contrat conclu avec le ministère de l’Education nationale ;

Que la même analyse aurait été faite pour les enseignants brevetés, ce qui amène la demanderesse à s’interroger si le véritable employeur des membres de la réserve nationale de suppléants, lesquels ont certes le statut d’employé de l’Etat, ne serait pas également la commune auprès de laquelle l’enseignant exerce ;

Qu’il serait imaginable pour la demanderesse que l’Etat mette à la disposition des communes des enseignants issus de la réserve des suppléants tout comme il met à leur disposition des enseignants brevetés et que sur base de ce raisonnement il n’y aurait pas eu substitution de l’employeur en l’espèce à travers la signature du nouveau contrat ;

Que la demanderesse d’estimer sur base de tous les développements ainsi soumis au tribunal que la question d’identité de l’employeur, de même que celle du règlement et de la prise en charge définitive de la rémunération des enseignants concernés feraient en sorte qu’il ne devrait exister aucune différence de rémunération pour les enseignants d’une même catégorie qui continuent à exercer le même travail auprès de la même commune, mais qui, pour une raison d’organisation interne du service de l’enseignement, seraient payés tantôt par l’Etat, tantôt par les communes ;

Qu’enfin, en raison de la répartition du coût des rémunérations des enseignants en question (deux tiers pour l’Etat et un tiers pour la commune), il serait inadmissible qu’en définitive l’Etat, sinon les communes, fassent une économie considérable en raison du passage des membres de la réserve nationale de suppléants d’un employeur à l’autre, alors qu’en fait ceux-ci continuent à exercer comme enseignants auprès de la Ville de Luxembourg ;

Considérant qu’il vient d’être dégagé à partir des dispositions des articles 6 et 7 de la loi modifiée du 25 juillet 2002 précitée, qu’à partir du 15 septembre 2003 Madame …, en tant que membre de la réserve nationale de suppléants, détentrice de l’attestation d’admissibilité afférente, a la qualité d’employée de l’Etat et qu’auparavant elle a été aux services de la Ville de Luxembourg ;

Considérant qu’afin d’évaluer la situation juridique de Madame …, concernant sa rémunération, à partir de son engagement du 15 septembre 2003 en tant qu’employée de l’Etat, membre de la réserve nationale des suppléants, il convient de résoudre en premier lieu la question soulevée si son passage à ladite réserve nationale à partir de son engagement communal antérieur, s’analyse en un transfert d’entreprise au sens de l’article 36 de la loi modifiée du 24 mai 1989 précitée, dans l’hypothèse vérifiée de l’espèce où elle a continué à effectuer le même travail dans l’intérêt de l’enseignement primaire auprès de la Ville de Luxembourg ;

Considérant qu’il est constant que la demande de recalcul de Madame … actuellement présentée s’étend sur toute la période de son engagement à partir du 15 septembre 2003 ;

Considérant que l’article 36 de la loi modifiée du 24 mai 1989 précitée, invoqué par la demanderesse à l’appui de son recours, a été abrogé par la loi du 19 décembre 2003 concernant le maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprise ;

Que cette loi a entre autres opéré transposition de la directive 89/50/CE du Conseil du 29 juin 1998 modifiant la directive 77/187/CEE du Conseil concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprise ou d’établissement telles qu’elles ont été modifiées et abrogées par la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001, ci-après « la directive 2001/23/CE » ;

Considérant que la loi de transposition du 19 décembre 2003 reprend, concernant les champs d’application et définition, quasiment à l’identique les dispositions de la directive n° 2001/23/CE transposée ;

Considérant que dès avant l’entrée en vigueur de la loi du 19 décembre 2003, quatre jours après sa publication le 23 décembre 2003, l’ancienne législation nationale issue de l’article 36 de la loi modifiée du 24 mai 1989 se trouvait conditionnée par la directive 2001/23/CE précitée ;

Considérant que force est au tribunal de constater qu’à un titre multiple la situation de Madame … ne relève d’un transfert d’entreprise ni au sens de la directive 2001/23/CE, ni de la loi de transposition du 19 décembre 2003, ni encore de l’article 36 de la loi modifiée du 24 mai 1989 précitées ;

Considérant que l’article 1.-(1) b) de la loi du 19 décembre 2003 reprenant la définition de l’article 1er – 1b) de la directive 2001/23/CE dispose qu’est considéré comme transfert au sens desdites loi et directive celui d’une entité économique qui maintient son identité et qui constitue un ensemble organisé de moyens, notamment personnels et matériels, permettant la poursuite d’une activité économique essentielle ou accessoire ;

Considérant que d’abord l’activité de remplacement de titulaires de l’enseignement primaire par des chargés de direction ne constitue pas une activité économique au sens des loi et directive en question ;

Considérant qu’il résulte encore des énonciations mêmes de la partie demanderesse, qu’il n’y a nullement eu transfert d’une entité du fait de la création de la réserve nationale de suppléants, étant donné que nombre d’anciens chargés de direction sont restés en place auprès des communes, chargés par rapport auxquels Madame ACHOUR se mesure pour conclure à l’inégalité de traitement par elle actuellement invoquée ;

Que même si l’article 36 de la loi modifiée du 24 mai 1989 ne définit pas le transfert en tant que tel, il n’en reste pas moins que le fait du changement d’employeur par lui mis en exergue revient à cerner la même situation d’un remplacement d’employeur pour l’entreprise ainsi visée à son paragraphe 2, étant entendu que l’entreprise se définit ici également comme une entité économique ;

Considérant que si la directive 2001/23/CE définit en son article 2 d) le travailleur comme étant « toute personne qui, dans l’Etat membre concerné, est protégée en tant que travailleur dans le cadre de la législation nationale de l’emploi », la loi de transposition du 19 décembre 2003 vient préciser en son article 2 e) la notion de travailleur comme étant « toute personne physique, à l’exception de celle disposant d’un statut de fonctionnaire ou d’employé public, occupée par un employeur en vue d’effectuer des prestations rémunérées, accomplies sous un lien de subordination » ;

Que cette dernière disposition est à son tour exclusive pour Madame … de l’application des dispositions sous revue concernant le transfert d’entreprise ;

Considérant qu’aux termes de l’article 1.-(1) c) de la loi du 19 décembre 2003 reprenant celle de l’article 1er – 1 c) de la directive 2001/23/CE « une réorganisation administrative interne d’autorités administratives publiques ou de transfert interne de fonctions administratives entre autorités administratives publiques ne constitue pas un transfert au sens de la présente directive (loi) » ;

Considérant que la création de la réserve nationale de suppléants s’analyse justement en un transfert interne partiel de fonctions administratives entre autorités administratives publiques, de sorte que de ce point de vue encore il n’y a pas transfert d’entreprise au sens des dispositions des articles 1er – 1 (b) respectifs de la directive 2001/23/CE et de sa loi de transposition luxembourgeoise du 19 décembre 2003 précitée ;

Qu’il résulte de l’ensemble des développements qui précèdent qu’en l’espèce il n’y a pas eu transfert d’entreprise concernant notamment la demanderesse lors de son accession à la réserve nationale de suppléants ;

Considérant que si Madame …, après avoir décroché l’attestation d’admissibilité à la réserve nationale de suppléants, y a accédé sur base d’un choix positif opéré de sorte à épouser les conditions fixées par les loi et règlement concernant son statut d’employée de l’Etat prévu dans son chef concernant sa qualité de membre de ladite réserve nationale, engagée sur base de l’article 6.5 de la loi précitée du 25 juillet 2002, il n’en reste pas moins que concernant plus particulièrement sa rémunération, par rapport à laquelle la demanderesse estime disposer de « droits acquis », les contours se trouvent clairement fixés par les dispositions pertinentes de la législation applicable, sans que sa situation antérieure ne puisse conditionner ces contours contra legem ou contrairement aux prévisions réglementaires en la matière ;

Considérant que le législateur a fixé avec précision les conditions de rémunération notamment des employés de l’Etat, personnes énumérées à l’article 6 points 2 à 5, dont la demanderesse à partir des dispositions de l’article 8 alinéa 3 de la même loi ;

Que l’article 8 alinéa 3 en question dispose que « la rémunération des personnes engagées sous le statut de l’employé de l’Etat et énumérées à l’article 6, sous les points 2 à 5, est fixée par règlement grand-ducal. Lors de la reconstitution de leur carrière, il leur est tenu compte du temps passé au service de l’enseignement public, dans les conditions de l’article 7 de la loi modifiée du 22 juin 1963 fixant le régime des traitements des fonctionnaires de l’Etat » ;

Considérant que Madame … a été avertie suivant courrier ministériel précité du 7 août 2003 que la valeur du point indiciaire applicable aux indemnités des membres de la réserve est celle applicable aux employés de l’Etat, telle que fixée par la loi du 28 juillet 2000 modifiant et complétant entre autres la fixation de la valeur numérique des traitements des fonctionnaires de l’Etat ;

Qu’il lui a également été signifié à travers le même courrier que dans sa séance du 30 juillet 2003, le Conseil de Gouvernement a confirmé sa position consistant à voir traiter les membres de la réserve de suppléants de façon identique, conformément aux lois et règlements en vigueur applicables à l’ensemble des employés de l’Etat ;

Considérant que de fait Madame … ne critique pas l’application faite par l’Etat des dispositions en question concernant sa rémunération, mais demande au surplus l’attribution des avantages qui étaient les siens au moment où elle se trouvait encore liée à la Ville de Luxembourg en tant que chargée de direction d’une classe de l’enseignement primaire ;

Considérant que si de fait et dans sa configuration postérieure au 15 septembre 2003, le travail de Madame … n’a pas changé, il n’est pas moins constant qu’à n’importe quel moment, à partir de sa qualité de membre de la réserve nationale de suppléants, elle est susceptible d’être affectée à n’importe quel arrondissement d’inspection ou même à un regroupement d’arrondissements suivant la décision afférente de rattachement du ministre compétent conformément aux dispositions de l’article 7 alinéa 5 de ladite loi du 25 juillet 2002 ;

Que même, à l’intérieur de l’arrondissement ou du regroupement d’arrondissements auquel l’intéressée est rattachée, elle ne dispose pas d’un droit acquis à pouvoir rejoindre de fait, sur le terrain, les services de son ancien employeur ;

Considérant qu’il s’ensuit que du fait de l’entrée d’un candidat à la réserve nationale de suppléants, un nouvel emploi est revêtu par celui-ci suivant une nouvelle qualité, celle d’employée de l’Etat dans le cas précis de la demanderesse, avec toutes les conséquences de droit concernant notamment sa rémunération ;

Considérant que la demanderesse ne fait valoir aucun élément tangible tendant à démontrer que la rémunération par elle actuellement touchée serait contraire aux dispositions légales et réglementaires actuellement applicables ;

Considérant que s’il est vrai que le législateur, à travers l’article 12bis du règlement grand-ducal du 22 août 2003 modifiant le règlement grand-ducal du 28 juillet 2000 précité, ainsi que le règlement grand-ducal du 7 octobre 2002 fixant notamment le régime des indemnités des membres de la réserve des suppléants engagés sous le statut de l’employé de l’Etat, a prévu que les chargés de l’enseignement primaire engagés par une commune et intégrés dans la réserve nationale de suppléants continuent à bénéficier de l’expectative de leur ancienne carrière établie en vertu d’une délibération du conseil communal dûment approuvée par l’autorité supérieure jusqu’au moment où la nouvelle carrière sera devenue identique ou plus favorable en application des dispositions dudit règlement, ainsi que de celles de la loi du 25 juillet 2002 précitée, la demanderesse n’a cependant point invoqué les dispositions en question, ni n’a démontré rentrer dans le cas de figure en question ;

Qu’il est par ailleurs constant que la détermination de sa rémunération est intervenue suivant les dispositions légales et réglementaires applicables à sa situation d’employée de l’Etat, membre de la réserve nationale de suppléants ;

Considérant que dans la mesure où d’après l’application faite des dispositions légales et réglementaires applicables en matière de rémunération concernant les membres de la réserve nationale de suppléants ayant la qualité d’employé de l’Etat, aucune différenciation n’est établie entre la demanderesse et les autres employés logés à la même enseigne qu’elle concernant leur rémunération, aucune inégalité de traitement n’a été utilement établie par Madame … ;

Considérant qu’il résulte à suffisance de l’ensemble des développements qui précèdent que le fait pour Madame … d’accéder à la qualité d’employé de l’Etat au biais de son entrée à la réserve nationale de suppléants, relevant d’un libre choix de l’intéressée, emporte une différence de statut juridique comportant des conséquences précises compte tenu de la législation applicable en matière plus précisément de rémunération, de sorte à la placer dans une situation juridique autre que celle qui était la sienne auparavant ou que celle qui reste celle de ses collègues, chargés de direction dans l’enseignement primaire, employés par la Ville de Luxembourg, bénéficiant des règles de rémunération afférentes, fussent-elles le cas échéant plus favorables pour l’employé en question, et se placent-elles éventuellement au-delà des exigences des dispositions légales et réglementaires effectivement applicables, de sorte qu’à partir de cette inégalité de situations juridiques à la base, aucune différence de traitement prohibée par la loi ne saurait être utilement dégagée ;

Considérant que suite à la loi du 25 juillet 2002 et plus particulièrement de son article 7 alinéa 2, la qualité d’employée de l’Etat se trouve à suffisance vérifiée dans le chef de Madame … en raison des dispositions légales claires et précises suffisant à elles-

mêmes régissant son cas de figure, de sorte que toutes ses interrogations portant sur la question de savoir si en fait la commune n’était pas restée son employeur eu égard aux services par elle prestés de facto ou celle de savoir si du fait des clés de rémunérations internes entre l’Etat et les communes cette même conclusion ne devrait pas être tirée, sont appelées à tomber à faux pour devoir céder le pas devant les dispositions légales et réglementaires pertinentes emportant non seulement la règle de droit qui s’impose mais encore la volonté du législateur pour solutionner, du moins en partie, des éléments de litige accumulés à partir du passé dans le chef des anciens chargés de cours ;

Considérant que tel que l’a souligné à juste titre le délégué du Gouvernement, le cas de figure ayant amené le tribunal à statuer dans ses jugements n°s 13761 et 13767 du rôle est différent de celui sous revue, étant donné que dans ces cas de référence, il s’agissait justement du transfert d’une unité économique vérifiée ayant relevé auparavant du secteur privé vers le secteur public et que les travailleurs en question ont été transférés sans avoir pu manifester leur volonté, point propre au transfert d’entreprise, alors qu’en l’espèce justement le passage d’un statut à l’autre résulte du choix même de la demanderesse qui aurait également, tels ses collègues auxquels elle se compare actuellement quant à la seule question de la rémunération supérieure auprès de la Ville de Luxembourg, rester aux services exclusifs de son ancien employeur ;

Considérant que le jugement invoqué du tribunal du 27 septembre 2000 (n° 11464 du rôle) a à son tour opéré dans un cas de figure différent de celui sous revue, alors que dans ce cas de référence, au-delà de certaines décisions étatiques prises, l’intéressé a été jugé resté au service de la commune, constatation qui a amené le tribunal à ordonner par voie de réformation le rétablissement de sa rémunération dans les limites de son engagement à durée indéterminée auprès de la Ville de Luxembourg ;

Qu’en l’espèce cependant il ne fait pas de doute que l’intéressée, Madame …, a rejoint de son propre chef les services étatiques de la réserve nationale de suppléants pour y revêtir la qualité d’employée de l’Etat en vertu des dispositions légales et réglementaires pertinentes, lesquelles s’opposent à toute requalification, encore qu’en fait elle preste des services identiques à ceux anciennement déployés, du moins à l’heure actuelle, bien qu’elle soit toujours susceptible de devoir en prester un jour auprès d’autres communes et que de la sorte la comparabilité de situations actuellement mise en avant en fait ne se vérifierait plus à l’avenir ;

Considérant qu’il suit de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours n’étant fondé en aucun de ses volets, la demanderesse est à en débouter ;

Considérant que Madame … sollicite encore l’allocation d’une indemnité de procédure de l’ordre de 1.500.-€ en application des dispositions de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Considérant qu’eu égard à l’issue du litige, la demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter ;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare compétent pour connaître du recours en réformation ;

le déclare recevable ;

au fond le dit non justifié ;

partant en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

écarte la demande en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 11 octobre 2004 par:

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge, M. Sünnen, juge, en présence de Monsieur Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 12


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17840
Date de la décision : 11/10/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-10-11;17840 ?

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