La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/10/2004 | LUXEMBOURG | N°17882

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 octobre 2004, 17882


Tribunal administratif N° 17882 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 avril 2004 Audience publique du 6 octobre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17882 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 9 avril 2004 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …(Kosovo / Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-mont

énégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du minist...

Tribunal administratif N° 17882 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 avril 2004 Audience publique du 6 octobre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17882 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 9 avril 2004 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …(Kosovo / Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 19 janvier 2004, notifiée le 23 janvier 2004, portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du 8 mars 2004 intervenue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 24 juin 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Entendu le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Louis TINTI, et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 4 octobre 2004.

Monsieur … introduisit en date du 29 septembre 2003 une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Il fut entendu le 17 novembre 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Monsieur … par décision du 19 janvier 2004, lui envoyée par courrier recommandé en date du 23 janvier 2004, de ce que sa demande a été refusée comme non fondée au motif qu’aucune de ses assertions ne saurait fonder une crainte de persécution entrant dans le cadre de la Convention de Genève.

Le recours gracieux que Monsieur … a fait introduire par courrier de son mandataire datant du 23 février 2004 à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 19 janvier 2004 s’étant soldé par une décision confirmative du 8 mars 2004, il a fait introduire, par requête déposée le 9 avril 2004, un recours en réformation à l’encontre des décisions ministérielles prévisées des 19 janvier et 8 mars 2004.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le tribunal est compétent pour l’analyser. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au fond, Monsieur … fait exposer qu’il est originaire du Kosovo, de nationalité serbo-monténégrine, et qu’il appartient à la minorité ethnique des Goranais. Il expose ensuite avoir quitté sa région d’origine pour se rendre dans un premier temps à Rijeka, à partir d’où il aurait préparé son départ pour le Luxembourg, étant donné qu’il lui aurait été impossible de vivre librement et décemment et qu’il aurait été victime de graves actes de persécution et de discrimination de la part des Albanais du Kosovo. Pour concrétiser ses craintes de persécution, Monsieur … expose qu’à chaque fois qu’il se serait rendu à Dragas pour faire ses courses, il aurait eu des problèmes parce qu’il ne parlait pas l’albanais. Il ajoute qu’on lui aurait volé deux vaches, ce qui serait une pratique très courante au Kosovo pour contraindre les Goranais à quitter la région. Il signale en outre que les Albanais n’hésiteraient pas d’utiliser des moyens beaucoup plus radicaux à l’égard de ceux qui leur résistent et il fait état à cet égard de l’assassinat de l’époux de sa cousine.

Le demandeur reproche au ministre d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation des faits et d’avoir méconnu la réalité du défaut de protection suffisante à l’intérieur du Kosovo caractérisant tant sa situation personnelle que celle des Goranais en général.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte qu’il serait à débouter de son recours.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2 de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En ce qui concerne les persécutions mises en avant par le demandeur émanant de personnes albanaises, s’agissant de persécutions commises par des tiers et non par les autorités étatiques, il y a lieu de relever qu’elles ne sauraient en tout état de cause être retenues que si les autorités étatiques tolèrent ces actes ou si elles sont incapables d’assurer une protection adéquate. Ce défaut de protection doit être mis suffisamment en évidence par le demandeur d’asile. Une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur d’asile risque de subir des persécutions.

Or, en l’espèce les différents éléments mis en avant par le demandeur pour illustrer ses craintes de persécution personnelles ne revêtent pas une gravité suffisante pour pouvoir être utilement rattachés à l’un des critères d’éligibilité du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève. Il s’y ajoute que le demandeur n’a pas fait état d’une quelconque démarche entreprise auprès des autorités en place pour dénoncer les agissements susceptibles de revêtir une qualification pénale dont il indique avoir été victime, de sorte qu’un défaut de protection caractérisé n’est pas utilement établi en cause.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours sous analyse est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 6 octobre 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17882
Date de la décision : 06/10/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-10-06;17882 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award