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06/10/2004 | LUXEMBOURG | N°17831

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 octobre 2004, 17831


Tribunal administratif N° 17831 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 avril 2004 Audience publique du 6 octobre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17831 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 avril 2004 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-

monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du mi...

Tribunal administratif N° 17831 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 avril 2004 Audience publique du 6 octobre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17831 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 avril 2004 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 14 novembre 2003 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision ministérielle confirmative du 14 janvier 2004 intervenue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 juin 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 27 septembre 2004.

Monsieur … introduisit en date du 28 juillet 2003 une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Il fut entendu le 27 août 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Monsieur … par décision du 14 novembre 2003, lui envoyée par courrier recommandé en date du 5 décembre 2003, de ce que sa demande a été refusée comme non fondée au motif qu’il n’alléguerait aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre sa vie intolérable dans son pays d’origine.

Le recours gracieux introduit par courrier de son mandataire datant du 4 janvier 2004 à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 14 novembre 2003 s’étant soldé par une décision confirmative du ministre datant du 14 janvier 2004, lui notifiée le 5 mars 2004, Monsieur … a fait déposer en date du 5 avril 2004 un recours en réformation à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 14 novembre 2003 ainsi que de celle confirmative sur recours gracieux.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le tribunal est compétent pour l’analyser. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au fond, le demandeur expose appartenir à la minorité des Bochniaques du Kosovo et il se réfère aux différents rapports dressés par le UNHCR, dont le plus récent en date établi au mois d’août 2004, pour conclure à la précarité de sa situation en tant que relevant d’une minorité ethnique au Kosovo. Il estime plus particulièrement que ce serait à tort que le ministre s’est référé à l’existence d’une possibilité de fuite interne dans son chef, étant donné que les déplacements des personnes à l’intérieur de l’ancienne république fédérale de Yougoslavie ne pourraient pas encore se faire dans des conditions offrant une protection appropriée et raisonnable, de manière à ne pas constituer des alternatives efficaces aux mesures de protection internationales offertes notamment par la Convention de Genève.

Quant à sa situation personnelle il se réfère aux détails relevés lors de son audition en rapport avec le fait que lors de ses tentatives de se réinstaller au Kosovo il ne lui aurait pas été possible de vivre librement et décemment, faute de protection adéquate contre les exactions dont il aurait été victime de la part des Albanais du Kosovo.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte qu’il serait à débouter de son recours.

Il relève plus particulièrement que Monsieur … a pu bénéficier d’une possibilité de fuite interne, en l’occurrence en Serbie dans un centre de réfugiés et qu’à cet égard il n’aurait fait état d’aucun problème spécifique.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2 de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés en cours de procédure, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, il est constant au vu des déclarations - mêmes du demandeur que la possibilité de fuite lui opposée par le ministre, loin d’être évoquée de manière hypothétique, s’entend par référence à la situation concrète du demandeur, qui d’après ses propres déclarations a pu trouver refuge dans un centre de réfugiés en Serbie durant les dernières années. Or, la situation du demandeur d’asile étant à apprécier concrètement par rapport à sa situation individuelle telle qu’elle s’est présentée notamment au moment de sa fuite vers un autre pays d’accueil, force est de constater que le demandeur, en ce qu’il a concrètement bénéficié d’une possibilité d’accueil, ne saurait utilement faire état d’une éventuelle saturation actuelle au niveau des possibilités de fuite interne encore disponibles dans son pays d’origine.

Il se dégage pour le surplus des déclarations mêmes du demandeur que c’est pour des raisons économiques se traduisant par la volonté affichée de sortir du centre de réfugiés pour accéder à une vie meilleure, qu’il a décidé de se diriger vers le Grand-

Duché de Luxembourg.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à juste titre que le ministre de la Justice a déclaré la demande en obtention du statut de réfugié formulée par Monsieur … non fondée. Le demandeur est partant à débouter de son recours.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le dit non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 6 octobre 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17831
Date de la décision : 06/10/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-10-06;17831 ?

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