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04/10/2004 | LUXEMBOURG | N°17833

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 octobre 2004, 17833


Tribunal administratif N° 17833 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 avril 2004 Audience publique du 4 octobre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17833 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 6 avril 2004 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur

…, né le … (Kosovo – Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, de...

Tribunal administratif N° 17833 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 avril 2004 Audience publique du 4 octobre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17833 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 6 avril 2004 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo – Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 25 février 2004, par laquelle sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié a été rejetée comme non fondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 juin 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en sa plaidoirie à l’audience publique du 27 septembre 2004.

En date du 13 octobre 2003, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

En date du 27 janvier 2004, il fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 25 février 2004, lui notifiée par voie de courrier recommandé expédié en date du 2 mars 2004, le ministre de la Justice l’informa de ce que sa demande avait été rejetée au motif que qu’il n’alléguerait aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre sa vie intolérable dans son pays, de sorte qu’aucune crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un certain groupe social ne serait établie dans son chef.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 6 avril 2004, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle prévisée du 25 février 2004.

A l’appui de son recours le demandeur conclut d’abord à une violation de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en ce que la décision litigieuse ne mentionnerait ni la présence d’un traducteur lors de ses auditions ni que le contenu de la décision lui ait été traduit ; quant au fond il estime remplir les conditions pour bénéficier du statut de réfugié.

Le délégué du Gouvernement soulève à titre principal l’irrecevabilité du recours subsidiaire en annulation ; quant au fond, il conclut au bien-fondé de la décision litigieuse.

La procédure devant les juridictions administratives étant essentiellement écrite, le fait que l’avocat constitué pour un demandeur n’est ni présent, ni représenté à l’audience de plaidoiries, est indifférent. Comme le demandeur a pris position par écrit par le fait de déposer sa requête introductive d’instance, le jugement est réputé contradictoire entre parties.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre la décision ministérielle entreprise, de sorte que le recours en annulation, formulé à titre subsidiaire, est irrecevable.

Le recours en réformation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

En ce qui concerne le moyen soulevé par le demandeur relatif à l’absence de traduction de la décision déférée en une langue par lui compréhensible, il échet de souligner à cet égard que le français est l’une des trois langues officielles du Grand-

Duché en matière administrative, contentieuse ou non contentieuse, ainsi qu’en matière judiciaire, et qu’il n’existe aucun texte de loi spécial obligeant le ministre de la Justice à faire traduire ses décisions dans une langue compréhensible pour le destinataire (cf. trib. adm. 12 mars 1997, n° 9679 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Etrangers, n° 19 et autres références y citées).

Cette conclusion ne saurait être énervée par la référence vague et non autrement explicitée à l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.

Le tribunal tient par ailleurs à souligner que la rédaction d’une décision administrative ne saurait en particulier être un motif d’annulation, lorsque le demandeur, comme en l’espèce, est secondé par un conseil juridique, dont les connaissances de la langue française ne sauraient être mises en doute, de sorte qu’il aurait dû à tout le moins être possible au conseil juridique en question de traduire la décision à son mandant.

Il en résulte que le moyen du demandeur relatif à l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme est à rejeter, de sorte que la décision doit être considérée comme opposable au demandeur.

Le demandeur reproche encore à la décision de ne pas indiquer la présence d’un traducteur lors de ses auditions.

Il y lieu de relever à ce sujet qu’outre le fait qu’aucune disposition légale ou réglementaire n’impose la mention formelle sur la décision que le demandeur d’asile ait bénéficié ou non de l’assistance d’un traducteur à l’occasion de ses auditions, une lecture même superficielle du rapport d’audition permet de constater que le demandeur a été assisté par un interprète lors de son audition par les services du ministère de la Justice, seule audition d’ailleurs prévue par la loi, de sorte que ce moyen est à rejeter.

Quant au fond, il y a lieu de rappeler que l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition et des pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, il ressort des déclarations du demandeur, telles que relatées au procès-verbal d’audition du 27 janvier 2004, qu’il aurait été membre actif depuis 1996 ou 1997 du LDK, parti actuellement au pouvoir, ainsi que membre de l’armée de libération du Kosovo (UCK), et que depuis la fin du conflit du Kosovo, il aurait été considéré comme collaborateur et aurait fait l’objet de plusieurs menaces téléphoniques afin de le contraindre à quitter le LDK pour le parti politique PDK. Le demandeur met ces menaces, qui émaneraient de personnes non identifiées, en relation avec son « association » avec un Serbe, dont il ignore par ailleurs le nom de famille, et avec qui il aurait effectué le commerce de pommes de terre.

Il précise qu’il aurait été arrêté en septembre 2003 par deux inconnus masqués qui l’auraient menacé de mort s’il ne quittait pas le pays. Il relève encore ne pas avoir porté plainte, étant donné que les autorités ne parviendraient jamais à élucider le moindre cas.

Force est dès lors de constater que le demandeur dans son récit ne fait pas état de persécutions émanant d’une autorité au sens de la Convention de Genève.

En effet, à supposer que les menaces, qui émanent de personnes non identifiées, soient, comme le prétend le demandeur, à imputer au LDK, elles n’émaneraient pas des autorités du pays, ni même ne seraient encouragées ou seulement tolérées par ces mêmes autorités, le demandeur restant par ailleurs en défaut d’établir avoir personnellement et concrètement recherché, en vain, la protection des autorités.

Par ailleurs, c’est à tort que le demandeur se prévaut du fait que les autorités de son pays ne seraient pas capables d’assurer sa protection, étant donné qu’il résulte de son rapport d’audition qu’il n’a pas recherché effectivement la protection des autorités en place.

Il s’avère par conséquent que le demandeur n’a pas concrètement entrepris la moindre démarche en vue d’obtenir la protection des autorités, telle que dénoncer à celles-ci les menaces dont il aurait été victime. Bien au contraire, il appert qu’estimant avant d’avoir effectué la moindre démarche que celle-ci serait de toute façon vouée à l’échec, il a préféré prendre la fuite.

Dans ces conditions, le demandeur n’a pas mis en évidence un refus ou défaut concret et effectif de protection, rapporté à sa situation personnelle.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, déclare le recours en réformation non justifié et en déboute, déclare le recours en annulation irrecevable, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 4 octobre 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17833
Date de la décision : 04/10/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-10-04;17833 ?

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