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29/09/2004 | LUXEMBOURG | N°17254

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 septembre 2004, 17254


Tribunal administratif N° 17254 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 décembre 2003 Audience publique du 29 septembre 2004

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Recours formé par Monsieur et Madame …, … contre une décision du bourgmestre de la commune de Saeul en présence de Monsieur …, … en matière de permis de construire

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17254 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du

8 décembre 2003 par Maître Gaston VOGEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats ...

Tribunal administratif N° 17254 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 décembre 2003 Audience publique du 29 septembre 2004

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Recours formé par Monsieur et Madame …, … contre une décision du bourgmestre de la commune de Saeul en présence de Monsieur …, … en matière de permis de construire

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17254 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 8 décembre 2003 par Maître Gaston VOGEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, cultivateur, et de son épouse Madame …, sans état, les deux demeurant ensemble à L-…, tendant à l’annulation de l’autorisation de transformer des bâtiments de ferme sis sur la propriété cadastrale … et … à … délivrée par le bourgmestre de la commune de Saeul en date du 4 mai 2000 à Monsieur …, demeurant à L-… ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Alex MERTZIG, demeurant à Diekirch, du 9 décembre 2003 portant signification de ce recours à 1) l’administration communale de Saeul et 2) à Monsieur … ;

Vu la lettre télécopiée de Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, du 10 décembre 2003, informant le tribunal administratif qu’il occupe pour Monsieur … ;

Vu l’ordonnance du président du tribunal administratif du 16 décembre 2003 intervenue sur requête en effet suspensif introduite par Monsieur et Madame …- … et inscrite sous le numéro 17255 du rôle ;

Vu la constitution d’avocat de Maître Philippe STROESSER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, déposée au greffe du tribunal administratif en date du 3 mars 2004 au nom de l’administration communale de Saeul ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 8 mars 2004 par Maître Georges KRIEGER, au nom de Monsieur … ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 9 mars 2004 portant signification de ce mémoire en réponse à 1) Monsieur …, 2) Madame … et 3) l’administration communale de Saeul ;

Vu le mémoire en réponse, intitulé erronément « mémoire en réplique », déposé au greffe du tribunal administratif en date du 8 mars 2004 par Maître Philippe STROESSER, au nom de l’administration communale de Saeul ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Gilbert RUKAVINA, demeurant à Diekirch, du 8 mars 2004 portant signification de ce mémoire en réponse à 1) Monsieur …, 2) Madame … et 3) Monsieur … ;

Vu la lettre de Maître Ferdinand BURG du 21 avril 2004 informant le tribunal administratif que Maître Gaston VOGEL a déposé son mandat ;

Vu la lettre du 5 mai 2004 de Maître Gilbert REUTER, avocat à la Cour, assisté de Maître Daniel BAULISCH, avocat, tous deux inscrits à l’Ordre des Avocats à Diekirch, informant le tribunal qu’il a repris le mandat de Maître Gaston VOGEL pour compte des demandeurs ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Daniel BAULISCH et Philippe STROESSER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 4 mai 2000, le bourgmestre de la commune de Saeul a délivré à Monsieur … l’autorisation de transformer des bâtiments de ferme lui appartenant, sis sur la propriété cadastrale … et … à …, en maison d’habitation et remise pour outillage.

Se plaignant de ce qu'en réalité l'autorisation en question permet une construction nouvelle plutôt qu'une transformation existante, avec des conséquences sur les marges de recul latéral et arrière, et que même s'il s'agissait d'une transformation, le règlement sur les bâtisses de la commune de Saeul exigerait le respect de reculs non pris en compte par l'autorisation délivrée à Monsieur …, les époux … et …, ont fait introduire, par requête déposée en date du 8 décembre 2003, un recours en annulation dirigé contre l’autorisation du bourgmestre de la commune de Saeul du 4 mai 2000 prévisée.

Estimant par ailleurs que la réalisation de la construction faisant l'objet de l'autorisation risquerait de leur causer un préjudice grave et définitif, et que les moyens invoqués à l'appui du recours au fond seraient sérieux, les époux … ont introduit, par requête déposée le même jour, inscrite sous le numéro 17255 du rôle, une demande tendant à ordonner le sursis à exécution de l'autorisation litigieuse, en attendant la solution du litige au fond.

Par ordonnance datant du 16 décembre 2003, le président du tribunal administratif a reçu ledit recours en sursis à exécution en la forme, mais au fond l’a déclaré non justifié et en a débouté les demandeurs.

Tant l’administration communale de Saeul que Monsieur … soulèvent l’irrecevabilité du recours en annulation pour avoir été introduit tardivement.

Monsieur … rétorque que l’autorisation de transformer les bâtiments de ferme serait restée affichée sur le chantier pendant toute la période des travaux, c’est-à-dire du mois de juillet 2000 au mois de janvier 2003, ainsi que cela résulterait par ailleurs du certificat de publication émis par l’administration communale de Saeul en date du 4 février 2004, de sorte que l’introduction du recours plus de trois mois après ledit affichage entraînerait en toute occurrence l’irrecevabilité du recours pour cause de tardiveté.

Il énonce en ordre subsidiaire qu’au-delà de la question de savoir si l’affichage de l’autorisation de bâtir a été fait de manière lisible ou non, la construction devrait être considérée en elle-même comme une publicité, au motif que les demandeurs en tant que voisins immédiats habitant à quelques mètres des constructions litigieuses auraient dû être en mesure de constater la réalisation de celles-ci durant une période de trois ans et demi, et qu’ils auraient partant dû être en mesure de prendre connaissance du contenu de l’autorisation de construire, compte tenu du fait que les travaux auraient commencé au mois de juillet 2000 avec la destruction de la plus grande partie de l’ancienne construction et au mois de septembre 2000 avec la reconstruction du gros-œuvre de l’immeuble.

L’administration communale de Saeul fait valoir que l’affichage de la décision litigieuse pendant toute la période d’exécution des travaux, soit du mois de juillet 2000 au mois de janvier 2003, aurait fait courir le délai de recours contentieux, de sorte que le recours introduit par les demandeurs serait irrecevable pour cause de tardiveté.

Le mandataire des demandeurs, sans contester le fait même de l’affichage de l’autorisation de construire, fait encore relever au cours des plaidoiries à l’audience que l’administration communale de Saeul aurait omis de conférer une publicité préalable à la prise de la décision actuellement déférée, de sorte que les délais de recours contentieux auraient pour le moins dû être suspendus conformément aux dispositions de l’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes.

L’article 13 (1) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, applicable en l’espèce, dispose que « sauf dans les cas où les lois ou les règlements fixent un délai plus long ou plus court et sans préjudice des dispositions de la loi du 22 décembre 1986 relative au relevé de la déchéance résultant de l’expiration d’un délai imparti pour agir en justice, le recours au tribunal n’est plus recevable après trois mois du jour où la décision a été notifiée au requérant ou du jour où le requérant a pu en prendre connaissance ».

Par rapport à l’article 11 de l’arrêté royal grand-ducal modifié du 21 août 1866 portant règlement de procédure en matière de contentieux devant le Conseil d’Etat, abrogé à travers lui et dont il a pris la relève, l’article 13 (1) prérelaté comporte des dispositions supplémentaires concernant l’hypothèse où une décision n’a pas été notifiée à une partie demanderesse engageant une procédure contentieuse à son encontre.

En portant in fine que le délai de recours contentieux commence à courir à l’encontre d’une partie demanderesse à partir du jour où elle a pu prendre connaissance de la décision par elle critiquée, l’article 13 (1) de la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée vise non seulement l’hypothèse où l’auteur de la décision en question, en vertu des dispositions légales ou réglementaires qui lui en font l’obligation, sinon spontanément, a porté à la connaissance des parties tierces intéressées l’existence de la décision en question d’une façon à permettre à l’administré concerné d’en vérifier les éléments essentiels concernant son contenu de façon à engager utilement, le cas échéant, une procédure contentieuse suivant qu’il l’entend, mais encore celle où la question se situe au-delà du champ d’application des dispositions légales ou réglementaires prévisées.

Il est constant en cause que la décision incriminée n’a pas été notifiée aux demandeurs. Il appartient dès lors au tribunal d’analyser si les demandeurs ont pu prendre connaissance de la décision critiquée d’une autre manière.

S’il est vrai que l’affichage sur le terrain devant recevoir une construction, de l’autorisation de construire peut constituer une information suffisante des tiers intéressés de l’existence et du contenu de l’autorisation, faisant courir à leur encontre le délai contentieux de trois mois, toujours est-il que ce délai ne saurait commencer à courir en tout état de cause qu’au plus tôt à partir de la date d’affichage de l’autorisation sur les lieux et qu’il appartient à la partie qui se prévaut de l’irrecevabilité pour cause de tardiveté d’établir en fait qu’une publicité afférente a eu lieu sur les lieux. Or, en l’espèce, il n’est pas établi en dehors de tout doute que l’autorisation de transformation litigieuse ait été affichée sur le chantier, étant donné que le certificat de publication du 4 février 2003 émis par l’administration communale de Saeul, s’il précise bien la durée de l’affichage, à savoir de juillet 2000 à janvier 2003, néglige par contre de spécifier à quel endroit l’information a été affichée.

Il ressort toutefois des éléments du dossier et de la requête introductive d’instance que les demandeurs sont les voisins immédiats de la propriété …, leur parcelle étant adjacente à celle ayant accueilli l’objet de l’autorisation litigieuse.

Or, il est inadmissible qu'une autorisation administrative puisse être hypothéquée éternellement par toute personne pouvant justifier d'un intérêt légitime pour agir, créant ainsi un état d'incertitude juridique permanent. La confrontation visuelle journalière des tiers intéressés avec le chantier de construction est à prendre en considération pour déterminer le point de départ du délai du recours contentieux (v. Cour adm. 22 mai 2003, n° 15754C et 15827C du rôle, Pas. adm. 2003, V° Procédure contentieuse, n° 103). Comme le délai du recours contentieux est de trois mois, il faut en conclure que le fait, par un voisin, de ne réagir à des travaux de construction que bien au-delà de l'écoulement d'un délai de trois mois après le commencement de ceux-ci, le rend forclos à demander l'annulation de l'autorisation des travaux litigieux délivrée par l'autorité administrative compétente.

En l’espèce, si les parties en cause n’ont pas renseigné le tribunal sur une date concrète du début des travaux de construction de nature à offrir per se aux tiers intéressés la possibilité de prendre connaissance de l’autorisation à sa base, étant donné que la partie défenderesse aussi bien que la partie tierce intéressée indiquent comme période d’exécution des travaux celle qui va du mois de juillet 2000 à janvier 2003, cette dernière précisant que la destruction de la plus grande partie de l’ancienne construction aurait eu lieu en juillet 2000 et la reconstruction du gros-œuvre de l’immeuble à partir du mois de septembre 2000, tandis que le mandataire des demandeurs, interrogé sur ce point au cours des plaidoiries a situé le début des travaux de construction au début de l'année 2003, il n’en reste toutefois pas moins qu’il ressort des éléments du dossier qu’une partie de l’immeuble était déjà habitée à partir de la deuxième moitié de l’année 2002, de sorte qu’il y a lieu de retenir que le gros des travaux a dû être achevé avant la fin de l’année 2002. Or, les demandeurs, en ne réagissant pour la première fois que le 8 décembre 2003 en saisissant le tribunal administratif d’un recours en annulation de l’autorisation de transformation, alors qu’ils auraient pu s’informer précédemment au vu du chantier de construction sur le terrain adjacent à leur propriété, étaient forclos à agir le 8 décembre 2003, le délai pour agir de trois mois ayant été largement révolu à cette date.

Il s’ensuit que le recours est irrecevable pour cause de tardiveté.

Les demandes formulées par les parties défenderesse et tierce intéressée tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 2000.- euros dans le chef de l’administration communale de Saeul et d’un montant de 1000.- euros dans le chef de la partie tierce intéressée, sur la base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée, sont à rejeter comme n’étant pas fondées, les conditions légales n’étant pas remplies en l’espèce.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

déclare le recours irrecevable ;

rejette les demandes en allocation d’une indemnité de procédure telles que formulées par les parties défenderesse et tierce intéressée ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 29 septembre 2004 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17254
Date de la décision : 29/09/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-09-29;17254 ?

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