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27/09/2004 | LUXEMBOURG | N°17091

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 septembre 2004, 17091


Numéro 17091 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 octobre 2003 Audience publique du 27 septembre 2004 Recours formé par Madame …, … contre une décision du collège des bourgmestre et échevins de la commune de X.

en matière d’aménagement des agglomérations

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17091 du rôle, déposée le 27 octobre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Pie

rre PROBST, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Ma...

Numéro 17091 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 octobre 2003 Audience publique du 27 septembre 2004 Recours formé par Madame …, … contre une décision du collège des bourgmestre et échevins de la commune de X.

en matière d’aménagement des agglomérations

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17091 du rôle, déposée le 27 octobre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Pierre PROBST, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Madame …, sans état, demeurant à L-

…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision du collège des bourgmestre et échevins de la commune de X. du 23 septembre 2003 refusant de donner suite à sa demande de reclassement de la parcelle n° … sise à …, commune de X., au lieu-dit « … », lui appartenant;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Alex MERTZIG, demeurant à Diekirch, du 12 novembre 2003 portant signification de ce recours à l’administration communale de X.;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 21 janvier 2004 par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de l’administration communale de X.;

Vu la notification de ce mémoire faite par voie de notification directe à Maître Pierre PROBST en date du 21 janvier 2004;

Vu le courrier de Maître Pierre PROBST du 11 juin 2004 informant le tribunal qu’il a déposé son mandat dans la présente affaire;

Vu le courrier du greffier du tribunal administratif du 11 juin 2004 attirant l’attention de Madame … sur l’obligation pour elle de confier la défense de ses intérêts à un avocat à la Cour faisant partie de l’ordre des avocats à Luxembourg ou à Diekirch;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Pascale PETOUD, en remplacement de Maître Albert RODESCH, en sa plaidoirie à l’audience publique du 20 septembre 2004.

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Par courrier du 21 juin 1995, Madame …, préqualifiée, saisit, ensemble avec deux autres propriétaires de terrains avoisinants, l’administration communale de X. d’une demande tendant à voir la parcelle n° … sise à …, commune de X., au lieu-dit « … », incluse dans le périmètre d’agglomération de la localité de ….

Malgré un avis négatif de la commission d’aménagement auprès du ministère de l’Intérieur du 20 novembre 1995, le conseil communal de la commune de X. approuva provisoirement ce reclassement de la parcelle appartenant à Madame … en sa séance du 22 décembre 1995. Le même reclassement fut approuvé définitivement par ledit conseil communal en date du 21 février 1996.

En date du 23 septembre 1996, le ministre de l’Environnement refusa d’approuver cette délibération du 21 février 1996 et l’extension du périmètre d’agglomération adoptée, visée comme portant sur des fonds sis à … au lieu-dit « … », aux motifs tirés du développement tentaculaire de la localité en direction des hauteurs, du préjudice porté au paysage et du défaut d’une considération d’intérêt public justifiant une extension du périmètre d’agglomération.

Suite à un courrier afférent de Madame … du 20 mai 2001, le ministre de l’Environnement invita cette dernière, à travers une lettre du 11 août 2003, à s’adresser à l’administration communale de X. en vue du réexamen de sa demande de reclassement « des fonds sis à …, commune de X., au lieu-dit « … » ». Madame … réagit par lettre du 22 août 2003 adressée audit ministre par laquelle elle lui signala que la parcelle en cause ne serait pas située au lieu-dit « … », mais au lieu-dit « … » et l’informa qu’elle aurait saisi l’administration communale de X. en vue de la réintroduction de son dossier.

Par lettre du 18 août 2003, Madame … saisit le bourgmestre de la commune de X.

d’une nouvelle demande de reclassement de la susdite parcelle n° … afin de la voir incluse dans le périmètre d’agglomération de la localité de ….

Le collège des bourgmestre et échevins de la commune de X. adressa le 23 septembre 2003 le courrier suivant à Madame … :

« Suite à votre lettre du 18 août 2003, les membres du collège échevinal ont réanalysé votre dossier concernant l’extension du PAG à … au lieu-dit « … ».

Suite au premier refus de M. le Ministre de l’Environnement en date du 23 septembre 1996, dossier pour lequel le conseil communal de X. avait émis un avis favorable, et au second refus de M. le Ministre de l’Environnement en date du 11 août 2003, les membres du collège échevinal estiment qu’il n’y a pas lieu à vouloir forcer la main de M. le Ministre de l’Environnement tant qu’un nouveau élément ne rentre pas dans votre dossier.

En effet, nous sommes d’avis que dans les 2 décisions ministérielles le lieu-dit « … » au lieu de « … » ne joue pas un rôle prépondérant, mais que ce sont toujours les parcelles cadastrales qui sont en cause, et là force est de constater qu’il n’y a aucune erreur possible.

Veuillez agréer, … ».

Par requête déposée le 27 octobre 2003, Madame … a fait introduire un recours contentieux tendant à l’annulation, sinon à la réformation de cette décision de refus du collège des bourgmestre et échevins de la commune de X. véhiculée à travers ce courrier du 23 septembre 2003.

La commune de X. soulève d’abord le moyen d’irrecevabilité tiré du libellé obscur de la requête introductive en faisant valoir que le libellé du dispositif de la requête, en demandant à voir déclarer un refus « non fondé », indiquerait plutôt l’introduction d’un seul recours en réformation et que le recours ne préciserait pas son objet alors que la critique d’une incompétence du collège des bourgmestre et échevins ne serait pas reprise au dispositif de la requête.

Au vœu de l’article 1er alinéa 2 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, la requête introductive doit contenir notamment l’exposé sommaire des faits et des moyens invoqués, ainsi que l’objet de la demande.

En l’espèce, s’il est vrai que la demanderesse conclut dans le dispositif de sa requête introductive principalement à voir le tribunal dire que le refus litigieux est « non fondé », elle sollicite également le renvoi de sa demande devant qui de droit, de manière qu’elle doit être considérée, malgré l’ambiguïté de certains termes employés, comme ayant introduit principalement un recours en annulation. La circonstance que le moyen tiré de l’incompétence du collège des bourgmestre et échevins énoncé dans le corps des conclusions n’est pas repris au dispositif de la requête introductive reste sans incidence sur la validité de cette dernière, étant donné que la requête introductive indique dûment l’objet de l’action, défini comme le résultat que le plaideur entend obtenir, en l’espèce l’annulation, sinon la réformation du refus opposé par le collège des bourgmestre et échevins de la commune de X.

à sa demande de reclassement de son terrain en cause et qu’aucune disposition légale ne requiert le rappel au dispositif de tous les moyens énoncés dans l’exposé des moyens.

Cet exposé des faits et moyens doit être considéré comme suffisant aux exigences formulées par l’article 1er alinéa de la loi prévisée du 21 juin 1999, étant donné par ailleurs que la commune avait déjà une large connaissance de la position défendue par la demanderesse suite aux antécédents du dossier et qu’elle a été mise en mesure de prendre utilement position et d’exercer ainsi valablement sa défense par rapport aux moyens soumis au tribunal par la demanderesse.

Il s’ensuit que le moyen d’irrecevabilité tiré du libellé obscur de la requête introductive et soulevé par la commune de X. est à rejeter.

La commune de X. argue encore que le fait par le collège des bourgmestre et échevins de ne pas soumettre la demande de reclassement soumise par la demanderesse au conseil communal ne constituerait pas une décision individuelle susceptible de recours, mais qu’elle se rapporterait à un acte administratif à caractère réglementaire à l’encontre duquel aucun recours ne serait prévu en l’état actuel de la législation, de manière que le recours devrait encourir l’irrecevabilité.

La commune de X. soutient subsidiairement que la loi communale du 28 décembre 1988 confierait dans ses articles 12 et 57 au collège des bourgmestre et échevins la compétence pour fixer l’ordre du jour des réunions du conseil communal et qu’il serait dès lors seul juge de la saisine du conseil communal d’une demande émanant d’un citoyen. La décision contestée par la demanderesse s’analyserait dès lors en une décision individuelle du collège des bourgmestre et échevins de refus d’inscrire la demande de reclassement litigieuse à l’ordre du jour du conseil communal, laquelle pourrait seule faire l’objet du recours sous analyse, mais à l’encontre de laquelle la demanderesse n’aurait formulé aucun moyen d’annulation. D’après la commune, la décision critiquée ne s’inscrirait pas dans le cadre de l’article 9 de la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, aux motif que la procédure instaurée par cette disposition légale n’aurait pas été respectée et que la demande litigieuse reprendrait simplement une ancienne demande ayant déjà fait l’objet d’une décision finale afférente.

Quant à la nature de la décision de refus critiquée du collège des bourgmestre et échevins de la commune de X., il convient de rappeler que les décisions sur la modification ou l’extension du périmètre d’agglomération du plan d’aménagement général d’une commune sont prises non pas pour le compte d’un ou de plusieurs propriétaires de parcelles concernées, mais pour compte de la communauté en cause, et dans l’intérêt général de la commune et de ses habitants. Le caractère réglementaire attaché aux décisions sur les projets d’aménagement est de ce fait indépendant de l’ampleur du projet faisant l’objet des décisions. En particulier, le nombre des lots concernés et des personnes directement intéressées ne saurait influencer ce caractère, dès lors que la décision fait partie de la procédure spéciale et complexe d’élaboration ou de modification d’un plan d’aménagement général, dont chaque détail touche directement l’intérêt général en mettant en jeu l’harmonie et la cohérence de l’ensemble du plan. Dès lors, une demande de mise en marche de la procédure de modification d’un plan d’aménagement général n’est pas à considérer comme s’inscrivant dans un processus décisionnel devant aboutir à une décision individuelle, mais s’inscrit dans le processus réglementaire instauré par l’article 9 de la loi prévisée du 12 juin 1937 (cf. trib. adm. 23 octobre 2003, n° 16087, confirmé sur ce point par Cour adm. 1er avril 2004, n° 17221C, non encore publiés).

En outre, il se dégage clairement du courrier déféré du collège des bourgmestre et échevins du 23 septembre 2003 qu’il s’analyse clairement en une décision de ne pas donner suite à la demande de reclassement présentée par la demanderesse à travers le refus net de soumettre cette demande au conseil communal et constitue partant un acte décisionnel final destiné à mettre un terme au processus réglementaire entamé par la demanderesse.

Par voie de conséquence, les moyens d’irrecevabilité avancés par la commune de X.

sont à écarter.

Il y a pareillement lieu de rejeter le moyen d’irrecevabilité avancé par la commune de X. et fondé sur le défaut de fait nouveau par rapport à la situation de l’année 1996, étant donné qu’au vu du laps de temps écoulé entre cette date et celle de l’introduction de la nouvelle demande, l’administré ne saurait se voir dénier le droit à refaire usage de son droit d’initiative consacré par l’article 9 susvisé.

Au vu de la nature réglementaire de l’acte critiqué, le tribunal est incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation, étant donné que l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions administratives instaure expressément un recours en annulation en matière d’actes administratifs à caractère réglementaire. Le recours principal en annulation est par contre recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

La procédure devant les juridictions administratives étant essentiellement écrite, le fait que la demanderesse n’a pas désigné, malgré le courrier du greffe du tribunal du 11 juin 2004, un autre avocat à la Cour en remplacement de Maître PROBST et n’a pas été représentée à l’audience de plaidoiries est indifférent. En effet, comme la demanderesse a pris position par écrit par le fait de déposer sa requête introductive d’instance, le jugement est réputé contradictoire entre parties.

La demanderesse fait valoir que le collège des bourgmestre et échevins aurait excédé ses pouvoirs en prenant la décision critiquée, alors que la compétence pour statuer sur une demande de modification du plan d’aménagement général reviendrait au conseil communal.

Au vu de la nature réglementaire du processus engagé par la demande de reclassement soumise par la demanderesse à la commune de X. à travers sa lettre du 18 août 2003 et de l’acte administratif en découlant, force est de constater que l’article 9 de la loi prévisée du 12 juin 1937 confère dans son alinéa 1er la compétence exclusive pour rejeter ou adopter provisoirement le reclassement sollicité par un particulier au conseil communal. S’il est dès lors vrai que le collège des bourgmestre et échevins est investi de la compétence pour établir l’ordre du jour des séances du conseil communal, cette compétence doit s’entendre, face à une demande relevant du champ d’attribution du conseil communal et soumise par un particulier qui est en droit de voir statuer sur les mérites de son initiative, comme compétence d’organisation destinée à permettre au conseil communal de statuer utilement sur base de tous les éléments requis sur la demande de reclassement soumise, elle ne peut pas avoir pour effet de mettre un terme définitif au processus engagé par l’administré sans que l’autorité compétente d’après la loi n’ait eu l’occasion de se prononcer sur les mérites de cette même demande.

Or, en l’espèce, ainsi qu’il vient d’être retenu supra, le courrier déféré du collège des bourgmestre et échevins du 23 septembre 2003 s’analyse clairement en une décision de ne pas de donner de suites à la demande de reclassement présentée par la demanderesse à travers le refus net de soumettre cette demande au conseil communal. La circonstance qu’un nouvel avis de la commission d’aménagement, tel que requis par l’alinéa 1er de l’article 9 de la loi prévisée du 12 juin 1937, faisait encore défaut à la date du 23 septembre 2003, ne constituait pas un motif valable pour refuser de donner des suites à la demande de reclassement en cause, mais tout au plus une cause pour inviter la demanderesse à obtenir un tel avis avant la mise de sa demande à l’ordre du jour d’une séance utile du conseil communal.

Etant donné dès lors que le collège des bourgmestre et échevins, en prenant la décision critiquée du 23 septembre 2003, s’est arrogé une compétence qui ne lui revient pas, cette décision encourt l’annulation pour incompétence et l’affaire est à renvoyer devant la commune de X. en vue d’y voir statuer par l’autorité compétente.

Les demandes en allocation d’une indemnité de procédure, formulées tant par la demanderesse que par la commune de X., sont à rejeter, étant donné que les conditions légales afférentes ne se trouvent pas réunies en l’espèce.

PAR CES MOTIFS, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, se déclare incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation, reçoit le recours principal en annulation en la forme, au fond, le déclare justifié, partant, annule la décision critiquée du collège des bourgmestre et échevins de la commune de X. du 23 septembre 2003 et renvoie l’affaire devant le conseil communal de la commune de X., rejette les demandes respectives en allocation d’une indemnité de procédure formulées par la demanderesse et la commune de X., condamne la commune de X. aux frais.

Ainsi jugé par:

M. SCHROEDER, premier juge, M. SPIELMANN, juge, Mme GILLARDIN, juge, et lu à l’audience publique du 27 septembre 2004 par le premier juge en présence de M. LEGILLE, greffier.

LEGILLE SCHROEDER 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17091
Date de la décision : 27/09/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-09-27;17091 ?

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