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22/09/2004 | LUXEMBOURG | N°18651

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 22 septembre 2004, 18651


Numéro 18651 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 septembre 2004 Audience publique du 22 septembre 2004 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre un arrêté du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 18651 du rôle, déposée le 15 septembre 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STO

FFEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom d...

Numéro 18651 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 septembre 2004 Audience publique du 22 septembre 2004 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre un arrêté du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 18651 du rôle, déposée le 15 septembre 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Treichville (Côte d’Ivoire), de nationalité ivoirienne, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation sinon à l'annulation d'une décision du ministre « de la Justice » du 8 septembre 2004 portant prorogation pour une nouvelle durée d’un mois de son placement audit Centre de séjour provisoire institué par arrêté du même ministre du 10 août 2004;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 17 septembre 2004;

Vu les pièces versées en cause et notamment l’arrêté critiqué;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en sa plaidoirie à l’audience publique du 22 septembre 2004.

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La demande d’asile présentée le 7 août 2003 par Monsieur …, préqualifié, fut rejetée comme étant manifestement non fondée par décision du ministre de la Justice du 3 octobre 2003, laquelle fut confirmée sur recours par jugement du tribunal administratif du 3 décembre 2003 (n° 17132 du rôle).

Par décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 10 août 2004, Monsieur … fut placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximum d'un mois à partir de la notification de ladite décision dans l'attente de son éloignement du territoire luxembourgeois.

Ladite décision repose sur les considérations suivantes:

« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Considérant que l'intéressé est démuni de toute pièce d’identité et de voyage valable ;

-

qu'il ne dispose pas de moyens d'existence personnels légalement acquis ;

-

qu'il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant qu’un laissez-passer sera demandé dans les meilleurs délais auprès des autorités ivoiriennes ;

-

qu’en attendant l’émission de ce document de voyage, l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d'éloignement ».

Par requête déposée le 6 septembre 2004 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation à l'encontre de la décision de placement du 10 août 2004, recours qui fut déclaré sans objet par jugement du tribunal administratif du 15 septembre 2004 (n° 18634 du rôle).

En date du 8 septembre 2004, le même ministre prit à l’encontre de Monsieur … un arrêté portant prorogation pour une nouvelle durée d’un mois de son placement audit Centre de séjour provisoire aux motifs énoncés comme suit :

« Vu mon arrêté pris en date du 10 août 2004 décidant du placement temporaire de l’intéressé ;

Considérant que l’intéressé est démuni de toute pièce d’identité et de voyage valable ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels légalement acquis ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant qu’un laissez-passer a été demandé auprès des autorités ivoiriennes ;

- qu’en attendant la délivrance de ce document l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».

Par requête déposée le 15 septembre 2004 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation à l'encontre de la décision de prorogation du 8 septembre 2004.

Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours subsidiaire en annulation au motif que seul un recours au fond est prévu par la loi en la matière, tout en se rapportant à prudence de justice en ce qui concerne la recevabilité du recours tel que dirigé contre une décision attribuée erronément au ministre de la Justice.

Etant donné que l'article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l'entrée et le séjour des étrangers; 2. le contrôle médical des étrangers; 3.

l'emploi de la main-d'œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit contre la décision litigieuse. Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable. Le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire est dès lors irrecevable.

En ce qui concerne la question de l’indication erronée de l’auteur de la décision déférée, il convient de relever que celle-ci est correctement identifiée par sa date, son objet et son destinataire, de sorte qu’elle n’a pas porté préjudice aux droits de la défense, la partie étatique ne s’étant pas méprise sur l’objet du recours. Il en résulte que l’erreur relevée par le délégué du gouvernement ne saurait entraîner l’irrecevabilité du recours.

Le demandeur critique en premier lieu le défaut de motivation de l’arrêté ministériel litigieux.

Force est cependant de constater qu’il se dégage du libellé ci-avant transcrit de l’arrêté ministériel du 8 septembre 2004 que ce dernier est motivé à suffisance tant en droit qu’en fait, le demandeur n’ayant nullement pu se méprendre sur ses nature et portée et ayant pu assurer en parfaite connaissance de cause la sauvegarde de ses intérêts légitimes.

Le demandeur conteste ensuite le motif à la base de l’arrêté déféré et fondé sur le défaut de papiers d’identité dans son chef et il soutient à cet égard que « le passeport angolais, toujours valable du requérant a apparemment été saisi par la police, de même que toute la documentation concernant la demande en obtention de la nationalité portugaise introduite par le requérant ». Il en déduit qu’il n’existerait aucune raison qu’il quitte le territoire pour se soustraire à la mesure d’éloignement en cause.

Le demandeur reste cependant entièrement en défaut d’étayer par un quelconque élément concret l’existence d’un passeport angolais et d’expliquer pourquoi il serait titulaire d’un passeport émis par l’Angola alors même qu’il est de nationalité ivoirienne, tout comme il n’apporte aucune précision concernant la prétendue saisie de documents. En outre, étant donné que par application de la décision litigieuse, le demandeur a été placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière créé par le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, et modifiant le règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne des établissements pénitentiaires, et que le demandeur était en séjour irrégulier sans disposer de documents d’identité et de voyage valables et ne présentait aucune garantie quant à sa présence au moment où il pourra être procédé à son éloignement, le placement ne se révèle nullement disproportionné et l’allégation du demandeur relative à l’absence d’un risque de soustraction dans son chef n’est pas de nature à énerver le bien-fondé de la mesure de placement ordonnée à son égard.

Le demandeur épingle ensuite le défaut d’un arrêté d’expulsion ou de refus d’entrée et de séjour, préalable nécessaire à la validité d’une mesure de placement, et il relève que ni l’arrêté de placement initial du 10 août 2004 ni l’arrêté de prorogation déféré du 8 septembre 2004 ne comporteraient de référence à un tel arrêté d’expulsion ou de refus d’entrée et de séjour, tout comme il n’aurait pas eu connaissance d’un tel acte au moment de la notification des arrêtés de placement.

Il se dégage de l’article 15, paragraphe (1) de la loi précitée du 28 mars 1972, que lorsque l’exécution d’une mesure d’expulsion ou de refoulement en application des articles 9 et 12 de la même loi est impossible en raison de circonstances de fait, l’étranger peut, sur décision du ministre compétent, être placé dans un établissement approprié à cet effet pour une durée d’un mois.

Il en découle qu’une décision de placement au sens de la disposition précitée présuppose une mesure d’expulsion ou de refoulement légalement prise, ainsi que l’impossibilité d’exécuter cette mesure.

Il est constant en cause qu’en l’espèce la mesure de placement n’est pas basée sur une décision d’expulsion. Il convient partant d’examiner si la mesure en question est basée sur une mesure de refoulement qui, en vertu de l’article 12 de la loi précitée du 28 mars 1972, peut être prise, « sans autre forme de procédure que la simple constatation du fait par un procès-verbal », à l’égard d’étrangers non autorisés à résidence :

« 1) qui sont trouvés en état de vagabondage ou de mendicité ou en contravention à la loi sur le colportage ;

2) qui ne disposent pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ;

3) auxquels l’entrée dans le pays a été refusée en conformité de l’article 2 de [la loi précitée du 28 mars 1972] ;

4) qui ne sont pas en possession des papiers de légitimation prescrits et de visa si celui-ci est requis ;

5) qui, dans les hypothèses prévues à l’article 2 paragraphe 2 de la Convention d’application de l’accord de Schengen, sont trouvés en contravention à la loi modifiée du 15 mars 1983 sur les armes et munitions ou sont susceptibles de compromettre la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics ».

Aucune disposition législative ou réglementaire ne déterminant la forme d’une décision de refoulement, celle-ci est censée avoir été prise par le ministre compétent à partir du moment où les conditions de forme et de fond justifiant un refoulement, telles que déterminées par l’article 12 de la loi du 28 mars 1972 sont remplies, et où, par la suite, une mesure de placement a été décidée à l’encontre de l’intéressé. En effet, une telle décision de refoulement est nécessairement sous-jacente à la décision de mise à la disposition du gouvernement, à partir du moment où il n’existe pas d’arrêté d’expulsion (trib. adm. 27 juin 2001, n° 13611, confirmé par Cour adm. 10 juillet 2001, n° 13684C, Pas. adm. 2003, v° Etrangers, n° 232).

Encore faut-il que la mesure afférente soit prise légalement, c'est-à-dire pour un des motifs prévus par l’article 12 de la loi précitée du 28 mars 1972 auquel renvoie l’article 15.

En l’espèce, parmi les motifs invoqués au moment de la prise des deux arrêtés de placement des 10 août et 8 septembre 2004, le ministre a fait état du fait que le demandeur se trouverait en séjour irrégulier au pays, qu’il serait démuni de toute pièce d’identité et de voyage valables et qu’il ne serait pas en possession de moyens d’existence personnels légalement acquis.

Il est patent en cause que le demandeur ne dispose ni des papiers de légitimation prescrits, ni de moyens d’existence personnels suffisants, de manière à remplir les conditions légales telles que fixées par la loi luxembourgeoise sur base desquelles une mesure de refoulement a valablement pu être prise à son encontre, sa demande d’asile ayant été définitivement rejetée.

Le tribunal n’étant saisi que dans la limite des moyens soulevés, il découle des développements qui précèdent que le recours n’est fondé en aucun de ses moyens et que le demandeur est à en débouter.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, reçoit le recours principal en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. CAMPILL, vice-président, M. SCHROEDER, premier juge, M. SPIELMANN, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 22 septembre 2004 à 16:00 heures par le vice-président en présence de M. LEGILLE, greffier.

LEGILLE CAMPILL 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 18651
Date de la décision : 22/09/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-09-22;18651 ?

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