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22/09/2004 | LUXEMBOURG | N°18646

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 22 septembre 2004, 18646


Tribunal administratif Numéro 18646 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 septembre 2004 Audience publique du 22 septembre 2004 Recours formé par Monsieur …, alias … contre une décision du ministre des Ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 18646 du rôle, déposée le 13 septembre 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de …, alia

s … prétendant être né le … (Guinée) et être de nationalité guinéenne, actuellement pl...

Tribunal administratif Numéro 18646 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 septembre 2004 Audience publique du 22 septembre 2004 Recours formé par Monsieur …, alias … contre une décision du ministre des Ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 18646 du rôle, déposée le 13 septembre 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de …, alias … prétendant être né le … (Guinée) et être de nationalité guinéenne, actuellement placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 25 août 2004 ordonnant son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification de la décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 septembre 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 20 septembre 2004.

Le 25 août 2004, le ministre des Ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration prit à l’encontre de Monsieur …, alias … une décision de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification de la décision en question, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois.

La décision de placement est libellée comme suit :

« Vu l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

1Vu le rapport n° 15/2250/04DEO établi par le Service de Police Judiciaire, section Police des Etrangers et des Jeux ;

Vu le procès-verbal N° 51738 établi par la Police Grand-Ducal, service Groupe Gare ;

Considérant que l’intéressé n’est pas en possession d’un document de voyage valable ;

-

qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels suffisants ;

-

qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant que l’intéressé a déposé une demande d’asile au Luxembourg en date du 20 août 2004 ;

-

qu’il est signalé au système EURODAC comme ayant déposé une demande d’asile en Belgique en date du 8 janvier 2004 ;

-

qu’une demande de reprise en charge en vertu du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 sera adressée au autorités belges dans les meilleurs délais ;

Considérant qu’un éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement… ;

Par requête déposée le 13 septembre 2004 au greffe du tribunal administratif, Monsieur …, alias … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de la décision du 25 août 2004.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre la décision litigieuse. Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Le demandeur fait valoir que son refoulement aurait été possible d’une part sur base des dispositions de l’article 12 de la loi du 28 mars 1972 relative à l’entrée et au séjour des étrangers et d’autre part sur base des accords de réadmission BENELUX, de sorte que le règlement CE N° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des Etats membres par un ressortissant d’un pays tiers ne serait pas applicable en l’espèce.

Dans la mesure où il est constant que le demandeur se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg et qu’il a introduit, précédemment à sa demande d’asile présentée au Luxembourg le 20 août 2004, une demande d’asile en Belgique le 8 janvier 2004, c’est à juste titre que les autorités luxembourgeoises ont fait application du règlement CE N° 343/2003 du 18 février 2003. En effet le règlement CE N° 343/2003 constitue un instrument de droit international régissant spécifiquement les droits et obligations des Etats membres de l’Union européenne face aux ressortissants d’Etats tiers ayant déposé une demande d’asile sur le territoire de l’Union européenne et que la procédure spécifique y mise en place doit dès lors trouver application au détriment des autres dispositions de droit international ou interne régissant d’une manière plus générale le statut des ressortissants d’Etats tiers (cf. TA 26 mai 2004, n° 18067 du rôle www.etat.lu/JURAD).

2Le demandeur fait ensuite valoir que la décision de placement serait illégale dans la mesure où il existerait depuis l’acceptation tacite des autorités belges en date du 9 septembre 2004 une possibilité effective de refoulement du demandeur vers la Belgique. Il précise qu’au jour des plaidoiries le demandeur se trouve toujours en rétention.

Etant relevé qu’une mesure de rétention est indissociable de l’attente de l’exécution d’un éloignement d’un étranger non autorisé à séjourner légalement sur le territoire luxembourgeois et sans vouloir dénier le fait qu’un défaut de documents de voyage valables pourrait impliquer la nécessité de mesures de vérification afférentes, ou que, même en présence d’un demandeur d’asile, la nécessité de l’organisation des modalités pratiques d’un éloignement, moyennant transfert dans un autre pays sûr, le cas échéant compétent pour connaître de sa demande d’asile, pourrait justifier le maintien de la mesure de rétention, il incombe à la partie défenderesse de faire état et de documenter les démarches qu’elle estime requises et qu’elle est en train d’exécuter, afin de mettre le tribunal en mesure d’apprécier si un éloignement valable est possible et en voie d’organisation, d’une part, et que les autorités luxembourgeoises entreprennent des démarches suffisantes en vue d’un éloignement ou transfert rapide du demandeur, c’est-à-dire de façon à écourter au maximum sa privation de liberté, d’autre part (cf. TA 15 juillet 2004, n° 18357, www.etat.lu/JURAD).

Il est constant que les autorités luxembourgeoises ont contacté le 26 août 2004, soit le lendemain de la décision litigieuse, les autorités belges en vue de la reprise en charge du demandeur sur le fondement de l’article 16 1. c) du règlement CE N° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 en précisant qu’il s’agit d’une « rétention » et que la réponse serait à fournir de façon urgente et au plus tard pour le 9 septembre 2004.

Etant donné que la Belgique n’a pas fait connaître sa décision dans le délai de deux semaines, applicable en l’espèce vu que la demande est fondée sur des données obtenues par le système EURODAC, ils sont à considérer, par application de l’article 20 1. c) du règlement CE N° 343/2003 comme ayant accepté la reprise en charge du demandeur à partir du vendredi 10 septembre 2004.

S’il est vrai que les autorités belges sont considérées comme ayant accepté tacitement la reprise en charge du demandeur à partir du 10 septembre 2004, il n’en reste pas moins qu’il y a lieu d’organiser matériellement le transfert du demandeur, de sorte que le demandeur ne saurait valablement soutenir qu’à partir de l’acceptation tacite il existerait une possibilité effective de refoulement.

Il se dégage des pièces que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration s’est adressé par courrier du mardi 14 septembre 2004 aux autorités belges en les informant qu’elles sont désormais considérées comme ayant accepté tacitement la demande de reprise en charge et qu’une date pour l’organisation et l’exécution du transfert vers la Belgique leur serait communiquée dans les plus brefs délais. En date du même jour le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a transmis le dossier au service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux afin d’organiser matériellement le transfert du demandeur vers la Belgique. Le transfert vers la Belgique est prévu pour le vendredi 24 septembre 2004.

Au vu des diligences ainsi déployées qui se solderont d’après les informations fournies en cause par le délégué du Gouvernement par l’exécution du transfert du demandeur prévu 3pour le 24 septembre 2004, le ministre a entrepris des démarches suffisantes en vue d’un transfert rapide du demandeur vers la Belgique.

En dernier lieu, le demandeur estime que la mesure de placement constituerait une mesure disproportionnée, l’esprit de la loi du 28 mars 1972, ainsi que les travaux parlementaires, étant à interpréter dans le sens que le pouvoir exécutif devrait mettre en place une structure spécifique et appropriée pour accueillir les personnes retenues dans l’attente de leur éloignement du pays.

Quant au caractère approprié de l’établissement retenu pour le placement du demandeur, force est encore de constater qu’il n’est pas contesté que le demandeur a subi une mesure de rétention administrative sur base de l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, de sorte qu’il rentre directement dans les prévisions de la définition des « retenus » telle que consacrée à l’article 2 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 ayant créé le Centre de séjour pour étrangers en situation irrégulière, lequel est destiné par essence à recueillir les personnes en attente de l’exécution d’une mesure d’éloignement afin d’éviter que celle-ci ne soit compromise.

Concernant le caractère approprié du lieu de placement ainsi retenu par le ministre, il échet de constater que par le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002, modifiant le règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne des établissements pénitentiaires, le Gouvernement a entendu créer, en application de l’article 15 de la loi précitée du 28 mars 1972 précitée, un centre de séjour où peuvent être placées, sur ordre du ministre de la Justice, en application de l’article 15 précité, certaines catégories d’étrangers se trouvant sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg pour lesquelles ledit Centre de séjour provisoire est considéré comme un établissement approprié en attendant leur éloignement du territoire luxembourgeois.

Or, à défaut pour le demandeur d’avoir rapporté un quelconque élément tangible permettant de conclure au caractère inapproprié dudit Centre de séjour par rapport à son cas spécifique, le moyen tenant au caractère inapproprié du lieu de placement retenu en l’espèce laisse d’être fondé.

Au vu de ce qui précède, le recours sous analyse est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 21 septembre 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, 4 Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M.Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18646
Date de la décision : 22/09/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-09-22;18646 ?

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