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20/09/2004 | LUXEMBOURG | N°17629

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 septembre 2004, 17629


Numéro 17629 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 février 2004 Audience publique du 20 septembre 2004 Recours formé par la société X. S.A., Luxembourg contre une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’autorisation d’établissement

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17629 du rôle, déposée le 20 février 2004 au greffe du tribunal administratif par

Maître Charles KAUFHOLD, avocat à la Cour, assisté de Maître Yves WAGENER, avocat à la C...

Numéro 17629 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 février 2004 Audience publique du 20 septembre 2004 Recours formé par la société X. S.A., Luxembourg contre une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’autorisation d’établissement

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17629 du rôle, déposée le 20 février 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Charles KAUFHOLD, avocat à la Cour, assisté de Maître Yves WAGENER, avocat à la Cour, les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme X., établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce de Luxembourg sous ne n° B 85.064, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement du 20 novembre 2003 portant refus de l’autorisation d’établissement pour l’activité de prestation de services administratifs à l’exclusion de toutes activités rentrant dans les professions d’expert-

comptable et de conseil économique;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 avril 2004;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 28 avril 2004 par Maître Yves WAGENER pour compte de la société anonyme X.;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Yves WAGENER et Monsieur le délégué du gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 14 juin 2004.

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Par courrier du 21 août 2002, la société anonyme X. SA fit introduire une demande en obtention d’une autorisation d’établissement pour l’activité de « prestations de services administratifs de bureau et de secrétariat » sous la gérance de Monsieur ….

Suite à l’avis en ce sens émis le 18 septembre 2002 par la commission prévue par l’article 2 alinéa 1er de la loi modifiée du 28 décembre 1988 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel ainsi qu’à certaines professions libérales, désignée dans la suite par la « loi d’établissement », cette demande fut transmise le 25 septembre 2002 par le ministère des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement pour avis au ministère des Finances qui la continua à son tour à la Commission de surveillance du secteur financier, ci-après désignée par la « CSSF ». Cette dernière souleva par courrier du 31 octobre 2002 la question de savoir si le champ d’activité projeté par la société X. SA n’engloberait pas l’activité de domiciliation de sociétés réservée à certaines catégories de professions et sollicita de ladite société des informations complémentaires.

Par courrier de son conseil du 21 novembre 2002, la société X. SA soumit à la CSSF la proposition d’amender son objet social pour en exclure expressément l’activité de domiciliation de sociétés. La CSSF souleva encore dans un courrier du 17 décembre 2002 la compatibilité du terme « FINANCE » dans la dénomination sociale de la société en cause avec l’article 52 (2) de la loi modifiée du 5 avril 1993 relative à la surveillance du secteur financier et conclut à la modification de cette dénomination.

Par délibérations d’une assemblée générale extraordinaire tenue en date du 16 janvier 2003, le terme « FINANCE » fut supprimé dans la dénomination de la société qui prit ainsi la dénomination X. et l’article 2 des statuts fut modifié dans le sens d’une précision de l’objet social que cette société ne pourra en aucun cas se livrer à des activités de domiciliation de sociétés. Par suite à ces modifications aux statuts lui transmises, la CSSF émit le 17 février 2003 l’avis qu’elle ne verrait pas d’objection à ce qu’une suite favorable soit réservée à la demande d’autorisation d’établissement de la société X. SA, désignée par la suite la « société X. ».

A travers un courrier du 7 mai 2003, le ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement, ci-après désigné par le « ministre », porta à la connaissance de la société X.

les éléments suivants :

« Par la présente, j’ai l’honneur de me référer à votre demande sous rubrique, qui a fait entre-temps l’objet de l’instruction administrative prévue à l’article 2 de la loi d’établissement du 28 décembre 1988, modifiée le 4 novembre 1997.

Il en résulte que le gérant Monsieur … remplit la condition de qualification professionnelle requise pour la prestation de services administratifs à l’exclusion de toutes activités rentrant dans les professions d’expert-comptable et de conseil économique.

Avant de délivrer l’autorisation afférente, je vous prie de me produire une copie des statuts dûment enregistrés, dont l’objet social doit être limité à l’activité précitée.

En ce qui concerne la partie de votre requête visant la profession de conseil économique, je vous signale que l’exercice en est soumis à la détention d’un diplôme de niveau universitaire, sanctionnant un cycle d’au moins trois années dans les disciplines dans lesquelles ces prestations sont fournies conformément aux dispositions de la directive 89/48/CEE du 21 décembre 1988 et celles de l’article 19, (1), f) de la loi du 28 décembre 1988.

Or, le diplôme du sieur précité ne porte pas sur la spécialité requise. Dans ces conditions, je suis au regret de ne pouvoir faire droit à ce point de votre requête pour défaut d’accomplissement des conditions de capacité professionnelle requises.

Quant à l’activité de conseil fiscal, je vous informe que j’ai transmis cette partie de votre dossier pour raison de compétence au Ministère des Finances.

La présente décision peut faire l’objet d’un recours par voie d’avocat à la Cour endéans trois mois auprès du Tribunal Administratif ».

La société X. prit position par courrier de son mandataire du 5 juin 2003 libellé comme suit :

« Par la présente, nous vous remercions de la décision datée du 7 mai 2003.

Pour ce qui est de la demande de modification de l’article 2 des statuts de la société, nous vous opposons une fin de non recevoir pour les motifs suivants :

 Il n’existe pas de prescription légale prévoyant que l’objet social d’une société tel que fixé dans les statuts doit impérativement se limiter à la teneur de l’autorisation d’établissement.

 L’objet social a été modifié dans le contexte de la présente demande à la fois à la requête de la Commission de Surveillance du Secteur Financier à laquelle vous aviez transmis le dossier pour avis, et de l’avocat de la société. Vous trouverez en annexe la copie de la correspondance.

Nous estimons que nous sommes en droit de vous demander la délivrance dans les meilleurs délais de l’autorisation d’établissement souhaitée.

Dans l’attente de votre réponse dans le mois, nous vous prions d’agréer, Monsieur, l’expression de notre considération distinguée ».

Le ministre réagit par rapport à cette demande par lettre du 23 octobre 2003 formulée comme suit :

« Par la présente, j’ai l’honneur de me référer à votre requête sous rubrique et plus particulièrement à votre lettre du 5 juin 2003. Votre demande a fait entre temps l’objet d’un réexamen de la part de la commission prévue à l’article 2 de la loi d’établissement du 28 décembre 1988, modifiée le 4 novembre 1997.

Le résultat m’amène à vous informer qu’en l’absence de tout élément probant nouveau, je suis au regret de maintenir ma décision du 7 mai 2003 quant à la limitation de l’objet social à l’activité autorisée.

La présente décision peut faire l’objet d’un recours par voie d’avocat à la Cour endéans trois mois auprès du Tribunal Administratif ».

Par courrier du 3 novembre 2003, la société X. déclara maintenir son point de vue qu’elle serait en droit de se voir délivrer l’autorisation d’établissement sollicitée sans autre modification de ses statuts.

A la suite de l’avis afférent de la commission du 18 novembre 2003 estimant que « l’objet social doit être adapté aux activités autorisées, parmi lesquelles ne figurent pas le conseil économique », le ministre prit, en date du 20 novembre 2003, une itérative décision libellée comme suit :

« J’ai l’honneur de me référer par la présente à votre lettre du 5 novembre 2003 concernant votre refus de procéder à la limitation de l’objet social de votre mandante X. SA à la seule activité faisant l’objet de l’autorisation à établir, en l’occurrence des activités de prestation de services administratifs à l’exclusion de toutes activités rentrant dans les professions d’expert-comptable et de conseil économique, limitation réclamée par mon courrier du 23 octobre 2003.

Le dossier a fait entre temps l’objet d’un réexamen de la part de la commission prévue à l’article 2 de la loi d’établissement du 28 décembre 1988, telle qu’elle a été modifiée.

L’organe consultatif précité a maintenu cette exigence, position que je fais également mienne et qui me paraît pouvoir être justifiée comme suit.

L’activité d’une société doit ainsi être recherchée, au vœu du droit des sociétés, dans l’objet social, et la société est réputée accomplir – par définition et par hypothèse – cet objet social.

Or, l’article 1er de la loi d’établissement dispose que « Nul ne peut, à titre principal ou accessoire, exercer l’activité d’industriel, de commerçant ou d’artisan, ni la profession d’architecte ou d’ingénieur, d’expert comptable ou de conseil en propriété industrielle ou de gestionnaire d’un organisme de formation professionnelle continue sans autorisation écrite … ».

L’article 3 prévoit encore que « L’autorisation ne peut être accordée à une personne physique que si celle-ci présente les garanties nécessaires d’honorabilité et de qualification professionnelles. Les professions réglementées tombant dans le champ d’application de la présente loi devront satisfaire également pour l’exercice desdites professions aux conditions imposées par les lois et règlements régissant ces professions. S’il s’agit d’une société, les dirigeants devront satisfaire aux conditions imposées aux particuliers. Il suffit que les conditions de qualification professionnelle soient remplies par le chef d’entreprise ou par la personne chargée de la gestion ou de la direction de l’entreprise… ».

Par conséquent, il résulte de la combinaison des dispositions prémentionnées que toutes les activités figurant à l’objet social doivent être dûment autorisées s’il s’avère qu’elles sont visées par le droit d’établissement ou toute autre disposition émanant d’une loi spéciale.

Et à contrario, seules les activités dûment autorisées peuvent figurer dans l’objet social.

En l’espèce, l’objet social de votre mandante X. SA prévoit notamment « le conseil et l’assistance dans le domaine économique et fiscal au sens le plus large du terme, de même que toutes les prestations de service liées à la constitution, l’organisation, la restructuration, le rapprochement et la mise en commun de tous commerces, entreprises et structures sociétaires … », activités entrant clairement dans le champ d’activité du conseil économique défini à l’article 19 de la loi d’établissement du 28 décembre 1988 comme « consistant dans la prestation, à titre professionnel, de services en matière économique… », ainsi que dans celui de l’expert-comptable défini à la loi du 10 juin 1999 comme faisant « profession habituelle d’organiser, d’apprécier et de redresser les comptabilités et les comptes de toute nature, d’établir les bilans et d’analyser, par les procédés de la technique comptable, la situation et le fonctionnement des entreprises et organismes sous leurs différents aspects économiques et financiers… ».

Par ailleurs, et sans préjudice quant à l’application des dispositions de la loi modifiée du 27 novembre 1986 réglementant certaines pratiques commerciales et sanctionnant la concurrence déloyale, j’attire encore votre attention sur les dispositions de la loi du 19 décembre 2002 concernant le registre du commerce et des sociétés.

Aux termes des articles 3 et 6 de cette loi, l’indication de l’objet du commerce et de l’objet social doit être transmis en vue de l’immatriculation, étant précisé qu’il doit correspondre à l’autorisation d’établissement délivrée conformément à la loi modifiée du 28 décembre 1988 sur le droit d’établissement.

A cette fin notamment, l’article 12 de la loi sur le registre du commerce et des sociétés prévoit encore qu’une copie de l’autorisation d’établissement ainsi délivrée est versée par le ministre au registre de commerce et des sociétés.

Enfin, l’article 16 dispose qu’aucune addition au nom de l’entreprise qui serait de nature à répandre le doute sur son objet commercial ne peut être inscrite.

A fortiori, l’objet lui même ne saurait dans ces conditions dévier de quelque façon que ce soit de son objet commercial qui est matérialisé par l’autorisation d’établissement.

Il résulte donc des développements qui précèdent, que je ne suis pas disposé à délivrer l’autorisation d’établissement sollicitée pour des activités de prestation de services administratifs à l’exclusion de toutes activités rentrant dans les professions d’expert-

comptable et de conseil économique en l’état actuel de vos statuts qui prévoient un objet social dépassant le cadre des activités susceptibles d’être exercées par votre mandante la société X. SA.

La présente décision peut faire l’objet d’un recours par voie d’avocat à la Cour endéans trois mois auprès du tribunal administratif ».

Par requête déposée le 20 février 2004, la société X. a fait introduire un recours contentieux tendant à l’annulation de la décision ministérielle du 20 novembre 2003.

Etant donné que la loi d’établissement instaure expressément dans son article 2 alinéa final un recours en annulation en la matière, le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

La société demanderesse soutient que l’interprétation de la loi d’établissement adoptée par le ministre ne trouverait pas de justification logique, étant donné que ladite loi réglementerait l’exercice des activités commerciales dans un but de protection des particuliers en interdisant l’exercice d’une activité sans autorisation préalable. D’après cette interprétation logique, la loi d’établissement ne conférerait cependant aucun pouvoir de contrôle au ministre en ce qui concerne le contenu des statuts d’une société commerciale, même après sa modification par la loi du 19 décembre 2002 concernant le registre de commerce qui aurait renforcé la protection des tiers à travers des obligations accrues de publicité quant à l’exercice de l’activité commerciale. La société demanderesse conclut que ce serait l’exercice autorisé d’une activité qui serait sous contrôle ministériel et non pas l’énoncé d’une activité non exercée, les tiers ayant toujours la faculté de consulter les dossiers du registre de commerce et de s’enquérir auprès du ministère des Classes moyennes concernant une société commerciale.

Le délégué du gouvernement rétorque que l’activité d’une société devrait être recherchée dans l’objet social et une société serait réputée accomplir – par définition et par hypothèse – cet objet social. Il soutient qu’il résulterait de la combinaison des articles 1er et 3 de la loi d’établissement que toutes les activités figurant à l’objet social devraient être autorisées s’il s’avérerait qu’elles sont visées par le droit d’établissement ou toute autre disposition émanant d’une loi spéciale, de manière qu’a contrario seules des activités autorisées pourraient figurer dans l’objet social. Il renvoie à l’objet social défini dans les statuts de la société demanderesse pour affirmer que les activités y visées entreraient dans le champ d’activité du conseil économique et de l’expert-comptable, dont l’exercice est soumis à une autorisation d’établissement.

Le représentant étatique se prévaut encore des articles 3 et 6 de la loi du 19 décembre 2002 concernant le registre de commerce et des sociétés ainsi que la comptabilité et les comptes annuels des entreprises, ci-après désignée par la « loi du 19 décembre 2002 », imposant la transmission de l’indication de l’objet du commerce et de l’objet social en vue de l’immatriculation d’une société, ainsi que de l’article 16 de la même loi prohibant toute addition au nom de l’entreprise qui serait de nature à répandre le doute sur son objet commercial, entraînant que l’objet lui-même ne saurait ainsi dévier de quelque façon de son objet commercial matérialisé par l’autorisation d’établissement.

La société demanderesse fait répliquer que les articles 1er et 3 de la loi d’établissement n’imposeraient pas que toutes les activités définies dans l’objet social d’une société devraient impérativement être autorisées. Elle ajoute qu’à supposer qu’une société détentrice de deux autorisations d’établissement pour deux activités distinctes décide de renoncer à une des deux autorisations, la question se poserait dès lors dans la logique défendue par le délégué du gouvernement si le ministre aurait le pouvoir d’imposer à la société une modification de son objet social, mais qu’un tel pouvoir ne se dégagerait d’aucune disposition légale.

L’article 1er de la loi d’établissement dispose :

« Nul ne peut, à titre principal ou accessoire, exercer l'activité d'industriel, de commerçant ou d'artisan, ni la profession d'architecte, d'ingénieur, de géomètre, d'expert-

comptable, de conseil en propriété industrielle ou de gestionnaire d'un organisme de formation professionnelle continue sans autorisation écrite.

L´autorisation est établie par le ministre ayant dans ses attributions les autorisations d´établissement, à moins qu´il n´en soit disposé autrement par la loi.

Elle est obligatoire tant pour les personnes physiques que pour les personnes morales, quelle que soit leur nationalité, de même que pour les apatrides ou les personnes sans nationalité déterminée.

(2) Sont soumis à une nouvelle autorisation les changements ou extensions à apporter à l´objet de l´entreprise à laquelle l´autorisation a été délivrée, les changements concernant les personnes chargées de la direction et de la gestion de l´entreprise en considération de la qualification desquelles l´autorisation a été accordée, ainsi que les transferts d´un établissement d´une commune à une autre.

Les modifications de la dénomination et de la forme juridique d´une société commerciale ainsi que son changement de domicile doivent être notifiés au ministre compétent dans le mois, au plus tard, à partir du moment qui les rend nécessaires.

(3) La présente loi n´est pas applicable aux professions qui font l´objet de lois spéciales ».

L’article 3 de la même loi d’établissement dispose :

« L´autorisation ne peut être accordée à une personne physique que si celle-ci présente les garanties nécessaires d´honorabilité et de qualification professionnelles.

S´il s´agit d´une société, les dirigeants devront satisfaire aux conditions imposées aux particuliers. Il suffit que les conditions de qualification professionnelle soient remplies par le chef d´entreprise ou par la personne chargée de la gestion ou de la direction de l´entreprise.

Les garanties de qualification professionnelle ne sont pas exigées pour l´activité d´industriel sous réserve des dispositions de la présente loi se rapportant aux entreprises industrielles de construction, de commerçant-forain et de propriétaire de machines faisant à titre professionnel du louage d´industrie.

L´honorabilité s´apprécie sur base des antécédents judiciaires du postulant et de tous les éléments fournis par l´enquête administrative ».

S’il est vrai, ainsi que le retient le délégué du gouvernement, que l’activité d’une société devrait être recherchée dans l’objet social et qu’une société est réputée accomplir – par définition et par hypothèse – cet objet social, il n’en reste pas moins que l’objet social, qui représente le programme des activités auxquelles la société peut se livrer en vue de la réalisation de bénéfices, et l’activité sociale, qui est l’activité réellement exercée par la société et constitue la mise en œuvre des possibilités offertes par les statuts ou de l’une d’elles, constituent deux notions distinctes (cf. RIPERT & ROBLOT, Traité de Droit commercial, 17e édit., tome 1, n° 1051). Si l’activité effectivement exercée par une société doit rentrer dans son objet social, aucune disposition légale n’impose à une société d’établir un parfait parallélisme entre l’activité prévue dans les statuts et celle effectivement exercée.

En ce qui concerne la loi d’établissement, en se référant à l’exercice des activités reprises dans son article 1er, elle vise nécessairement l’activité sociale effective, d’autant plus que l’article 22 de la même loi érige en infraction pénale, partant en fait de non-respect des obligations découlant de ses dispositions, seulement l’exploitation non autorisée d’un établissement, donc également une activité effective. Cette conclusion n’est pas énervée par l’article 1er (2) de la loi d’établissement imposant une nouvelle autorisation en cas de « changements ou extensions à apporter à l´objet de l´entreprise », étant donné que cette disposition vise l’hypothèse d’une modification de l’activité ayant déjà fait l’objet d’une autorisation antérieure, donc seulement une nouvelle activité effective et non pas une simple modification de l’objet statutaire.

Il y a lieu d’ajouter que l’article 2 alinéa 1er de la loi d’établissement, en disposant que « l’autorisation est délivrée après une instruction administrative portant sur les conditions exigées par la présente loi et sur avis motivé d´une commission, dont la composition et le fonctionnement sont déterminés par règlement grand-ducal », confère au ministre la seule mission de vérifier l’accomplissement par le demandeur d’une autorisation d’établissement de toutes les exigences inscrites dans la loi d’établissement et n’autorise le ministre à refuser une autorisation qu’au cas où une telle exigence ne se trouverait pas vérifiée. Or, aucune disposition de la loi d’établissement n’exige l’existence d’un parallélisme parfait entre l’objet social d’une société commerciale et son activité sociale effective telle qu’autorisée par le ministre.

Il découle de ces développements que l’imposition d’une modification des statuts de la société demanderesse dans le sens d’une délimitation de son objet social à l’activité autorisée par le ministre ne trouve pas un appui suffisant dans la loi d’établissement.

La loi du 19 décembre 2002, dont le délégué du gouvernement se prévaut encore, dispose dans son article 6 que « toute société commerciale est tenue de requérir son immatriculation. Celle-ci indique: … 4° l'indication de l'objet social; … » et son article 12 alinéa 1er dispose que « le ministre ayant dans ses attributions les autorisations d'établissement requiert l'inscription du numéro de l'autorisation d'établissement et verse une copie de l'autorisation d'établissement délivrée conformément à la loi modifiée du 28 décembre 1988 réglementant l'accès aux professions d'artisan, de commerçant, d'industriel ainsi qu'à certaines professions libérales à toute personne physique ou morale devant être inscrite au registre de commerce et des sociétés ».

Le délégué du gouvernement se prévaut du parallélisme de l’article 6 avec l’article 3 qui est relatif aux commerçants personnes physiques et impose dans son point n° 5 l’indication de l’objet du commerce qui doit correspondre à celui faisant l’objet de l’autorisation d’établissement déjà émise. Or, ainsi qu’il a déjà été retenu dans le cadre des travaux parlementaires relatifs à cette loi en ce qui concerne l’article 6 amendé, « contrairement à ce qui est prévu pour les commerçants personnes physiques, il n’est pas possible d’imposer l’inscription de l’activité telle qu’elle figure sur l’autorisation d’établissement, alors que certaines sociétés peuvent ne pas avoir besoin d’une telle autorisation (sociétés holding par exemple) ou ne disposent pas d’une telle autorisation au moment de leur inscription (une société est constituée mais ne commencera une activité commerciale que plus tard » (cf. doc. parl. 45815, amendements gouvernementaux, ad art. 6, p. 38). Par voie de conséquence, la référence à l’article 3 de la loi du 19 décembre 2002 ne permet pas de conclure que « l’objet social » visé au point n° 4 de l’article 6 de la même loi s’entend de l’objet correspondant exclusivement à celui autorisé par le ministre.

En outre, le Conseil d’Etat avait constaté dans le cadre des mêmes travaux parlementaires que le projet amendé de l’article 6 ne requérait que « l’indication de l’objet social » sur base du constat ci-avant cité et il estima qu’il « ne peut pas suivre les auteurs sur ce point, alors que le premier argument peut être rencontré par une simple précision dans le texte, alors que pour toutes les autres sociétés, la transparence exige que l’objet social et celui de l’autorisation d’établissement correspondent. Le Conseil d’Etat propose par conséquent de remplacer le texte du point 4 comme suit : « 4° l’objet social tel qu’il figure sur l’autorisation d’établissement… » (doc. parl. 45817, Avis complémentaire du Conseil d’Etat, ad art. 6, p. 3). La commission juridique de la Chambre des Députés a toutefois décidé de maintenir le texte proposé par le gouvernement et ainsi rejeté l’exigence telle que formulée par le Conseil d’Etat (cf. doc. parl. 45818, Amendements adoptés par la commission juridique, ad art. 6, p. 4).

Force est de déduire de ces développements que « l’objet social » visé par l’article 6, n° 4 de la loi du 19 décembre 2002 est l’objet social défini dans les statuts, lequel ne doit pas être confiné aux activités faisant l’objet d’une autorisation d’établissement.

En ce qui concerne l’article 12 de la loi du 19 décembre 2002, le Conseil d’Etat avait également proposé de conférer au gestionnaire du registre de commerce et des sociétés le pouvoir de contrôler la concordance entre l’objet du commerce et l’objet autorisé par le ministre compétent. La commission juridique de la Chambre des Députés a cependant décidé de ne pas retenir cette proposition au motif que « le ministre des Classes Moyennes est tenu d’examiner cette concordance dans le cadre de l’instruction d’une demande d’autorisation d’établissement » cf. doc. parl. 45818, Amendements adoptés par la commission juridique, ad art. 12, p. 5.

Le renvoi par le délégué du gouvernement à l’article 16 de la loi du 19 décembre 2002 est sans pertinence en l’espèce, alors qu’il est relatif au nom d’une entreprise et non pas à son objet social.

Il ressort de l’ensemble des développements qui précèdent que le ministre est tenu de vérifier que les activités pour lesquelles une société sollicite une autorisation d’établissement rentrent dans l’objet social de cette société tel que défini dans ses statuts, donc que l’objet social englobe au moins cette activité, mais que, sauf l’hypothèse d’une disposition afférente inscrite dans une loi spéciale, le ministre n’a pas le pouvoir d’imposer à une société de délimiter son objet social statutaire de manière à viser exclusivement l’activité visée par son autorisation d’établissement.

Par voie de conséquence, la décision ministérielle litigieuse du 20 novembre 2003, fondée sur le seul motif de refus tiré de la non-concordance entre l’objet social et les activités soumises à une autorisation d’établissement, encourt l’annulation pour violation de la loi et il y a lieu de renvoyer l’affaire devant le ministre en vue de l’examen des autres conditions fixées par la loi d’établissement.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond, le déclare justifié, partant, annule la décision ministérielle attaquée du 20 novembre 2003 et renvoie l’affaire devant le ministre en prosécution de cause, condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par:

M. CAMPILL, vice-président, M. SCHROEDER, premier juge, M. SPIELMANN, juge, et lu à l’audience publique du 20 septembre 2004 par le vice-président en présence de M. LEGILLE, greffier.

LEGILLE CAMPILL 10


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17629
Date de la décision : 20/09/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-09-20;17629 ?

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