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08/09/2004 | LUXEMBOURG | N°18627

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 septembre 2004, 18627


Tribunal administratif Numéro 18627 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 septembre 2004 Audience publique du 8 septembre 2004 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 18627 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 3 septembre 2004 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Lu

xembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité serbo-monténégrine, actuellemen...

Tribunal administratif Numéro 18627 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 septembre 2004 Audience publique du 8 septembre 2004 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 18627 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 3 septembre 2004 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité serbo-monténégrine, actuellement placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation d’un arrêté du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 2 septembre 2004 prorogeant à son encontre une mesure de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de l'arrêté en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 septembre 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH en sa plaidoirie à l’audience publique du 8 septembre 2004.

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Monsieur … fut placé, par arrêté du ministre de la Justice du 2 août 2004 au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification dudit arrêté dans l’attente de son éloignement du territoire luxembourgeois.

Par arrêté du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 2 septembre 2004, notifié le même jour à l'intéressé, la mesure de placement fut prorogée pour la durée d'un mois.

Cette décision de prorogation est fondée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu l’arrêté pris en date du 2 août 2004 par le Ministre de la Justice décidant du placement temporaire de l'intéressé ;

Considérant que l’intéressé est démuni de toute pièce d’identité et de voyage valable ;

-

qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels suffisants ;

-

qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

-

qu’il constitue un danger pour l’ordre et la sécurité publics;

Considérant qu’un laissez-passer a été demandé auprès des autorités serbo-

monténégrines ;

-

qu’un laissez-passer a été délivré par ces autorités ;

-

que l’éloignement sera organisé dans les plus brefs délais ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».

Par requête déposée le 3 septembre 2004, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de l’arrêté ministériel de prorogation de placement du 2 septembre 2004.

La procédure devant les juridictions administratives étant essentiellement écrite, le fait que le mandataire de l’une des parties n’est ni présent, ni représenté à l’audience de plaidoiries, est indifférent. Comme les parties ont pris position par écrit par le fait de déposer respectivement une requête introductive d’instance et un mémoire en réponse, le jugement est contradictoire entre parties.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre l’arrêté ministériel du 2 septembre 2004. Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours le demandeur fait valoir que les autorités administratives compétentes seraient restées en défaut de faire tous les efforts et toutes les démarches nécessaires en vue d’assurer que la mesure d’éloignement puisse être exécutée sans retard. Il estime que la condition posée par l’article 15 de la loi précitée du 28 mars 1972 relative à l’exigence d’une nécessité absolue en cas de prorogation d’une décision de placement ne serait pas remplie en l’espèce, l’autorité administrative compétente étant restée en défaut de démontrer qu’elle n’aurait pas été en mesure de procéder à l’exécution matérielle de son éloignement dans un délai plus bref.

Il relève plus particulièrement à cet égard qu’il existerait depuis le 19 août 2004 une possibilité effective de transfert, étant donné que les autorités de l’UNMIK auraient donné à cette date leur accord en vue de le reprendre sur le territoire du Kosovo.

Le demandeur fait valoir en outre que le Centre pénitentiaire de Schrassig ne serait pas à considérer comme un établissement approprié au sens de l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée.

Le délégué du Gouvernement conteste qu’il y ait eu un quelconque accord de l’UNMIK daté du 19 août 2004 et souligne que, bien au contraire, aucun accord n’aurait été donné à ce jour par les autorités de l’UNMIK, et ce malgré le fait que les autorités luxembourgeoises avaient sollicité leur accord dès le lendemain de la mesure de placement initiale du 2 août 2004, de sorte qu’une nouvelle mesure de placement aurait dû être prise le 2 septembre 2004.

Il relève encore que le demandeur, par ses antécédents judiciaires et par son comportement présenterait un risque de fuite réel, d’autant plus qu’il aurait déjà échappé à une tentative de rapatriement antérieure.

Quant au caractère approprié du lieu de placement retenu, le représentant étatique relève que Monsieur … serait placé dans un Centre de séjour spécialement créé pour les personnes en situation irrégulière.

Conformément aux dispositions de l’article 15 (2) de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, une mesure de placement peut « en cas de nécessité absolue être reconduite par le ministre de la Justice à deux reprises, chaque fois pour la durée d’un mois. » Il se dégage du libellé de la disposition légale prérelatée que le tribunal, appelé à statuer par rapport à une décision de prorogation d’une mesure de placement, doit analyser si le ministre compétent a pu se baser sur des circonstances permettant de justifier qu’une nécessité absolue rendait la prorogation de la décision de placement inévitable. Le tribunal en particulier vérifie si l’autorité compétente a veillé à ce que toutes les mesures appropriées soient prises afin d’assurer un éloignement dans les meilleurs délais, en vue d’éviter que la décision de placement ne doive être prorogée, étant donné que la prorogation d’une mesure de placement doit rester exceptionnelle et ne peut être décidée que lorsque des circonstances particulièrement graves ou autrement justifiées la rendent nécessaire (trib. adm. 20 décembre 2002, n° 15735 du rôle, Pas. adm. 2003, v° Etrangers, n° 276 et autres références y citées).

A cet égard le demandeur reproche aux autorités luxembourgeoises de rester en défaut de justifier de la nécessité absolue de proroger la mesure de placement pour la durée d’un mois.

Il se dégage des pièces versées au dossier que le ministre de la Justice a contacté les autorités de l’UNMIK dès le 3 août 2004, soit le lendemain de la mesure de placement initiale du 2 août 2004.

S’il résulte du libellé de l’arrêté ministériel déféré que le ministre a demandé et obtenu un laissez-passer des autorités monténégrines, de sorte que l’éloignement du demandeur sera organisé dans les plus brefs délais, le délégué du Gouvernement conteste en revanche dans le mémoire en réponse déposé par l’Etat qu’il y ait eu un quelconque accord et souligne que, bien au contraire, aucun accord n’aurait été donné à ce jour par les autorités de l’UNMIK.

Aucune explication concernant cette apparente contradiction n’ayant été fournie ni par écrit ni oralement à l’audience, le tribunal est appelé à analyser les deux hypothèses pouvant en être déduites.

Ainsi, à considérer que le ministre dispose effectivement d’un laissez-passer des autorités compétentes du Kosovo, force est de constater que le Gouvernement reste en défaut d’avancer un quelconque motif expliquant pourquoi la mesure d’éloignement n’a à cette date toujours pas été exécutée en dépit de l’existence du prédit laissez-passer, et partant un quelconque motif permettant d’établir la persistance, à cette date de l’impossibilité de procéder à l’éloignement du demandeur.

Si, au contraire, à suivre les déclarations écrites du délégué du Gouvernement selon lesquelles aucun accord n’aurait été obtenu à ce jour, force est de retenir qu’il ne résulte pas du dossier administratif que les autorités luxembourgeoises aient, face au silence des autorités de l’UNMIK, entrepris une quelconque démarche afin de relancer celles-ci, ou d’attirer leur attention sur l’urgence à accorder à leur demande, le délégué du Gouvernement n’apportant aucune explication justifiant cette apparente inertie. Bien au contraire, hormis la notification faite par courrier électronique en date du 3 août 2004 à l’UNMIK, l’Etat ne verse aucune pièce attestant qu’il aurait fait une quelconque diligence en vue de faire avancer le dossier sous examen.

Si le tribunal admet que les autorités luxembourgeoises se trouvent dans le présent cas tributaires de l’accord des autorités de l’UNMIK, il n’en reste cependant pas moins qu’il aurait appartenu au ministre compétent de relancer ces autorités afin d’écourter au maximum la mesure de placement prorogée, voire d’éviter à devoir proroger la mesure de placement initiale.

Il en résulte que dans les deux hypothèses retenues au vu de l’apparente contradiction relevée ci-dessus, le retard accumulé dans le traitement du dossier sous examen, à la date où le tribunal est amené à statuer, est imputable pour le moins en partie aux autorités luxembourgeoises, de sorte que la condition relative à une nécessité absolue pour justifier l’arrêté ministériel litigieux n’est plus remplie à l’heure actuelle.

Le tribunal est partant amené à réformer la décision querellée et à ordonner la libération immédiate du demandeur, sans qu’il y ait lieu de prendre position par rapport aux autres moyens et arguments invoqués Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le dit justifié, partant, par réformation de la décision entreprise, ordonne la mise en liberté immédiate du demandeur ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 8 septembre 2004 par :

M. Ravarani, président, Mme Gillardin, juge, M. Sünnen, juge en présence de Mme Wiltzius, greffier.

Wiltzius Ravarani 5


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 18627
Date de la décision : 08/09/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-09-08;18627 ?

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