La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/08/2004 | LUXEMBOURG | N°18498

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 août 2004, 18498


Tribunal administratif N° 18498 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 août 2004 Audience publique du 25 août 2004

===========================

Recours formé par Monsieur … …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

--------------------------


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18498 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 4 août 2004 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M. â

€¦ …, né le 20 juillet 1981 à … (Kosovo/Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, deme...

Tribunal administratif N° 18498 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 août 2004 Audience publique du 25 août 2004

===========================

Recours formé par Monsieur … …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

--------------------------

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18498 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 4 août 2004 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M. … …, né le 20 juillet 1981 à … (Kosovo/Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant à L-…, tendant à l’annulation sinon à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 15 décembre 2003 par laquelle ledit ministre a déclaré manifestement infondée sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 août 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 20 août 2004 par Maître François MOYSE en nom et pour compte du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Joëlle NEIS, en remplacement de Maître François MOYSE, et Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

En date du 27 octobre 2003, M. … … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Monsieur … fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Suivant courrier du 29 octobre 2003, lui remis en mains propres le même jour, il fut convoqué pour le 4 décembre 2003 pour être entendu par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Ne s’étant pas présenté le 4 décembre 2003, le ministre de la Justice par décision du 15 décembre 2003 l’informa que sa demande avait été déclarée manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire. La décision afférente est libellée comme suit :

« Vous ne vous êtes pas présenté auprès de nos services après y avoir été convoqué le 29 octobre 2003 afin d’être entendu par un agent du Ministère de la Justice le 4 décembre 2003. Cette convocation vous a également été envoyée par lettre recommandée en date du 11 novembre 2003. Vous ne venez pas non plus prolonger votre attestation de demandeur d’asile depuis le 29 octobre 2003.

Ce comportement doit être interprété comme un refus de collaboration manifeste de votre part et considéré comme omission flagrante de vous acquitter d’obligations importantes imposées par les dispositions régissant les procédures d’asile.

En effet, selon l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ». Par ailleurs, l’article 6 paragraphe 2 f) du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi du 3 avril 1996 précitée, dispose que « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsque le demandeur [a] omis de manière flagrante de s’acquitter d’obligations importantes imposées par les dispositions régissant les procédures d’asile ».

Je constate par conséquent que vous n’alléguez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

Par requête déposée le 4 août 2004, M. … a fait introduire un recours tendant à l’annulation sinon à la réformation de la décision précitée du ministre de la Justice du 15 décembre 2003.

Dans le cadre de ce recours contentieux, M. … fait valoir qu’il aurait été contraint de quitter son pays d’origine, à savoir le Kosovo, par crainte de persécutions en raison du « climat de guerre qui règne au Kosovo depuis plusieurs années » et qu’il remplirait les conditions posées par la Convention de Genève.

En outre, il soutient qu’il se serait trouvé dans l’impossibilité matérielle de se rendre à l’audition concernant les motifs de sa demande d’asile, prévue pour le 4 décembre 2003, au motif qu’il n’aurait jamais reçu la convocation qui lui avait été adressée, étant donné qu’il avait rendu visite à son cousin en Belgique au courant du mois de novembre 2003. Le demandeur affirme encore qu’à son retour au Luxembourg, après le 30 juin 2004, il aurait été prêt à « passer son audition », mais qu’on ne lui aurait pas donné de deuxième rendez-vous.

Sur ce, il estime qu’il serait de « bonne foi », étant donné qu’il ne se serait pas soustrait de manière flagrante à ses obligations, mais qu’il s’agirait d’un simple malentendu, de sorte que ce serait à tort que le ministre de la Justice aurait déclaré sa demande en obtention du statut de réfugié comme manifestement infondée. M. … estime finalement qu’on ne saurait lui reprocher de ne pas avoir connu la législation nationale applicable et son ignorance par rapport à l’interdiction de voyager à l’étranger durant la procédure d’asile.

Le délégué du gouvernement soulève l’irrecevabilité du recours subsidiaire en réformation et conclut au rejet du recours en annulation, au motif que le comportement du demandeur, consistant à ne pas prolonger son attestation de demandeur d’asile, à ne pas se présenter à l’audition prévue par l’agent du ministère de la Justice et à séjourner dans divers pays européens, constituerait une omission flagrante de s’acquitter d’obligations importantes imposées par les dispositions régissant les procédures d’asile et que ce comportement témoignerait d’une négligence grossière de sa part.

Encore qu'un demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l'obligation d'examiner en premier lieu la possibilité d'exercer un recours en réformation, l'existence d'une telle possibilité rendant irrecevable l'exercice d'un recours en annulation contre la même décision (cf. trib.

adm. 4 décembre 1997, n° 10404 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Recours en réformation, n° 2, et autres références y citées).

Etant donné que l’article 10 (3) de la loi précitée du 3 avril 1996 dispose expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives, le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en réformation formulée à titre subsidiaire à travers la requête sous analyse.

Le recours en annulation introduit à titre principal est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 6 § 2 f) du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996, une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée (…) « lorsque le demandeur a (…) omis de manière flagrante de s’acquitter d’obligations importantes imposées par les dispositions régissant les procédures d’asile ».

En l’espèce, étant donné qu’il est constant en cause que dès le 29 octobre 2003, le demandeur avait reçu en mains propres la convocation pour l’audition fixée au 4 décembre 2003, et que malgré cette information en bonne et due forme et en temps utile, il ne s’est ni présenté à ladite date ni fait excuser, c’est à juste titre que le ministre a pu déduire du comportement du demandeur un refus de ce dernier de collaborer activement à l’instruction de sa demande d’asile, c’est-à-dire un refus de s’acquitter d’une obligation importante dans le cadre de l’instruction de sa demande d’asile et ainsi, et il a valablement pu faire application de l’article 6 § 2 f) du règlement grand-ducal précité du 22 avril 1996. Cette appréciation ministérielle est d’autant plus justifiée que le demandeur n’a jamais fait prolonger son attestation de demandeur d’asile et a séjourné dans d’autres pays européens, notamment en Belgique, aux Pays-Bas et en Finlande sous les fausses identités de Lulzim EMINI et Djeljili DJELJADINI, et sans se soucier du déroulement de la procédure d’asile déclenchée au Luxembourg.

Comme par ailleurs le demandeur s’est contenté d’une allusion vague et nullement circonstanciée quant à des prétendues persécutions dans son pays d’origine, force est de conclure que le ministre de la Justice a valablement pu rejeter la demande d’asile du demandeur comme étant manifestement infondée, de manière que le recours sous analyse est à rejeter comme manquant de fondement.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 25 août 2004 à 17.00 heures par:

M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, M. Sünnen, juge en présence de M. May, greffier en chef de la Cour administrative, greffier assumé.

s. May s. Spielmann 4


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 18498
Date de la décision : 25/08/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-08-25;18498 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award