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25/08/2004 | LUXEMBOURG | N°17631

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 août 2004, 17631


Numéro 17631 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 février 2004 Audience publique du 25 août 2004 Recours formé par Monsieur … …, … contre deux décisions du directeur du Service de la Formation des Adultes auprès du ministère de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports et de la ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports en matière d’employé de l’Etat

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17631 du rôle, déposée le ...

Numéro 17631 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 février 2004 Audience publique du 25 août 2004 Recours formé par Monsieur … …, … contre deux décisions du directeur du Service de la Formation des Adultes auprès du ministère de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports et de la ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports en matière d’employé de l’Etat

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17631 du rôle, déposée le 20 février 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Roland ASSA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … …, demeurant à L…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du directeur du Service de la Formation des Adultes auprès du ministère de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports du 25 juin 2003 l’informant de la fin de sa relation de travail avec le Centre de Langues Luxembourg, ainsi que de la décision de rejet de son recours gracieux prise le 3 novembre 2003 par le directeur dudit Service de la Formation des Adultes pour la ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 avril 2004;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 10 mai 2004 par Maître Roland ASSA pour compte de Monsieur … …;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 juin 2004;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Nathalie PRUM-CARRE, en remplacement de Maître Roland ASSA, et Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 21 juin 2004.

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Par contrat de travail à durée déterminée du 15 octobre 1997 conclu avec la ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle, ci-après désignée par la « ministre », représentée par le directeur du Lycée technique des Arts et Métiers, Monsieur … …, préqualifié, fut engagé pour la période du 16 octobre 1997 au 16 octobre 1998, renouvelable pour une seconde et ultime durée de douze mois, « pour assister le directeur de l’établissement dans les domaines suivants : - le maintien de la discipline par la surveillance des salles de classes, des salles spéciales, des cours de récréation, des structures d’accueil, etc., - la tenue des études surveillées, - la surveillance des classes momentanément sans titulaire, - le remplacement de titulaires absents avec l’obligation d’occuper les élèves utilement, - la participation à l’organisation d’activités parascolaires. Il pourra être chargé de travaux administratifs par le directeur de l’établissement. Il n’est pas chargé de leçons d’enseignement ».

Par contrat de travail à durée déterminée du 28 avril 1998 conclu avec la ministre, représentée par le directeur du Lycée technique pour professions de santé, Monsieur … fut engagé pour la période du 1er mai 1998 au 15 octobre 1998, renouvelable pour une seconde et ultime durée de douze mois, pour accomplir la même tâche que celle lui confiée par le contrat prévisé du 15 octobre 1997 au Lycée technique pour professions de santé. Ce contrat porte encore la mention suivante : « P.S : Pendant la période du 16.10.97 au 30.04.98 M. … … était engagé dans la même qualité au Lycée technique des Arts et Métiers. Il s’agit en effet d’un changement de Lycée ».

Suivant contrat de louage de services à durée déterminée du 14 septembre 1998, Monsieur … fut engagé par la ministre en qualité de chargé d’éducation à durée déterminée au Lycée technique d’Esch avec une tâche hebdomadaire de 24 heures pour la période du 15 septembre 1998 au 15 septembre 1999.

Suivant courrier du 14 juillet 1999, le directeur de l’Administration du personnel de l’Etat informa Monsieur … qu’il bénéficia à partir du 1er juillet 1999 du statut d’employé de l’Etat.

Monsieur … bénéficia, à travers un contrat de louage de services du 23 juillet 1999, d’un nouvel engagement à durée déterminée de la part de la même ministre pour une tâche identique pour la période du 15 septembre 1999 au 15 septembre 2000 au Lycée technique d’Esch.

Un itératif contrat de louage de services à durée déterminée fut conclu le 17 juillet 2000 entre la ministre et Monsieur … qui fut ainsi engagé à nouveau en qualité de chargé d’éducation à durée déterminée au Lycée technique d’Esch avec une tâche hebdomadaire de 24 heures pour la période du 15 septembre 2000 au 15 septembre 2001.

Par contrat de louage de services à durée déterminée conclu le 5 mars 2001 avec la ministre, Monsieur … fut engagé pour la période du 5 mars au 6 avril 2001 pour une tâche de 6 leçons hebdomadaires de luxembourgeois à prester au Centre de Langues Luxembourg (CLL) en remplacement de Madame F..

Par contrats de louage de services à durée déterminée successifs du 19 juillet 2001, portant sur la période du 15 septembre 2001 au 14 septembre 2002, et du 5 juillet 2002, portant sur la période du 15 septembre 2002 au 14 septembre 2003, Monsieur … fut engagé en tant que chargé de cours pour une tâche de 22 leçons hebdomadaires à prester au CLL.

A travers un courrier recommandé du 25 juin 2003, Monsieur … fut informé par le directeur du service de la Formation des Adultes auprès du ministère de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports, ci-après désigné par le « directeur », qu’il tient « à vous rappeler que votre contrat de travail de chargé de cours au Service de la Formation des Adultes signé en date du 05.07.2002 arrivera à son terme en date du 14.09.2003 ».

A travers un contrat de louage de services de chargé d’éducation à durée déterminée signé le 11 septembre 2003, Monsieur … fut engagé par la ministre en qualité de chargé d’éducation à durée déterminée sous le statut d’employé de l’Etat au Lycée technique Joseph Bech avec une tâche hebdomadaire de 24 leçons pour la période du 15 septembre 2003 au 31 décembre 2003, « date à laquelle il expire de plein droit et sans préavis ».

Par courrier de son mandataire du 25 septembre 2003, Monsieur … fit introduire auprès de la ministre un recours gracieux à l’encontre du courrier précité du 25 juin 2003 par lui qualifié de décision de résiliation de son contrat de travail et sollicita la reconnaissance du caractère à durée indéterminée de sa relation de travail avec le CLL.

Le directeur prit position, pour compte de la ministre, par rapport à ce recours gracieux par lettre du 3 novembre 2003 libellée comme suit :

« Suite à votre recours gracieux en date du 25 septembre 2003 concernant Monsieur … …, je tiens à vous informer de ce qui suit :

1. Concernant mon courrier du 25 juin 2003, informant M. … que son contrat de travail arrive à son terme le 14 septembre 2003, je tiens à préciser qu’il s’agit bel et bien d’un rappel dans le sens que, lors d’une réunion en date du 25 juin 2003 à laquelle ont participé, M. Guy Bentner ainsi que Mmes Martine Havet et Ines Quaring, M. … a été informé, devant témoins, qu’il ne nous était pas possible de renouveler son contrat de travail.

2. Lors de la signature du contrat de travail en date du 5 mars 2001 au Centre de Langues, M. … aurait dû, en toute honnêteté, nous informer qu’il avait déjà signé un contrat de travail, en date du 17 juillet 2000, pour la période du 15.09.2000 au 15.09.2001. Ce contrat à temps plein en tant que chargé d’éducation auprès du Lycée technique d’Esch-sur-Alzette (annexe 1) rendait impossible la signature d’un deuxième contrat auprès du Centre de Langues. Après vérification, nous lui avons fait savoir que, vu qu’il détenait déjà un premier contrat de travail, le deuxième contrat du 5 mars 2001 était superfétatoire et donc à considérer comme nul et non avenu ; nous l’avons également informé que les prestations au Centre de Langues seraient payées en tant qu’heures supplémentaires sur déclaration trimestrielle (annexe 2), vu qu’il s’agit de remplacements ponctuels de congé de maladie. M. … n’a, à l’époque et en aucun moment par après, contesté cette façon de procéder. Par conséquent, il est faux d’affirmer que pendant cette période Monsieur … ait été employé de façon continue au Centre de Langues Luxembourg.

3. Pendant la période du 15 septembre 2001 au 14 septembre 2003, les prestations de M. … étaient couvertes par deux contrats de travail à durée déterminée auprès du Centre de Langues Luxembourg ».

Par contrat de louage de services de chargé d’éducation à durée déterminée signé le 19 décembre 2003, Monsieur … fut engagé par la ministre en la même qualité au Lycée technique Joseph Bech avec une tâche hebdomadaire de 24 leçons pour la période du 1er janvier 2004 au 14 septembre 2004, « date à laquelle [le contrat] … expire de plein droit et sans préavis ».

Par requête déposée le 20 février 2004, Monsieur … a fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation, sinon à l’annulation du courrier précité du directeur du 25 juin 2003, ainsi que de la décision précitée de rejet de son recours gracieux prise le 3 novembre 2003 par le directeur pour compte de la ministre.

Le délégué du gouvernement relève d’abord à travers son mémoire en duplique le non-respect par le demandeur du délai légal d’un mois imparti pour la fourniture du mémoire en réplique, étant donné que son propre mémoire en réponse aurait été déposé le 6 avril 2004, tandis que le mémoire en réplique aurait été déposé en date du 10 mai 2004 seulement.

L’article 5 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives prévoit en ses paragraphes (5) et (6) que « (5) Le demandeur peut fournir une réplique dans le mois de la communication de la réponse, la partie défenderesse et le tiers intéressé sont admis à leur tour à dupliquer dans le mois.

(6) Les délais prévus aux paragraphes 1 et 5 sont prévus à peine de forclusion. Ils ne sont pas susceptibles d’augmentation en raison de la distance. Ils sont suspendus entre le 16 juillet et le 15 septembre ».

Il se dégage de l’article 5 de la loi précitée du 21 juin 1999 que la question de la communication des mémoires dans les délais prévus par la loi touche à l’organisation juridictionnelle, étant donné que le législateur a prévu les délais émargés sous peine de forclusion.

Dans la mesure où le mémoire en réponse du délégué du gouvernement a été déposé au greffe du tribunal en date du 6 avril 2004 et qu’il a été notifié au mandataire du demandeur par pli postal du même jour, le dépôt - et la communication - du mémoire en réplique de la demanderesse ont dû intervenir pour le 7 mai 2004 au plus tard. Or, il convient de constater que le dépôt du mémoire en réplique en date du 10 mai 2004 est intervenu en dehors du prédit délai.

Etant donné encore qu’aucune prorogation de délai n’a été demandée au président du tribunal conformément à l’article 5 paragraphe (7) de la prédite loi du 21 juin 1999 ni, par la force des choses, accordée par ce dernier, le tribunal est dans l’obligation d’écarter le mémoire en réplique des débats à défaut d’avoir été déposé dans le délai d’un mois légalement prévu à peine de forclusion. Le mémoire en réplique ayant été écarté, le même sort frappe le mémoire en duplique de la partie défenderesse, lequel ne constitue qu’une réponse à la réplique fournie.

Le délégué du gouvernement soulève le moyen d’irrecevabilité tiré du défaut d’élément décisionnel contenu dans le courrier du directeur du 25 juin 2003, vu qu’il se confinerait à rappeler l’expiration de la relation de travail découlant automatiquement des termes mêmes du contrat de louage de services conclu le 5 juillet 2002. Il soutient encore que le courrier prévisé du même directeur pour compte de la ministre du 3 novembre 2003 ne constituerait pas non plus une décision, alors qu’il se contenterait « de préciser la situation contractuelle du requérant », et conclut que le recours serait irrecevable à défaut de viser une décision administrative susceptible de faire grief.

Il se dégage du libellé même du courrier directorial du 25 juin 2003 qu’il constitue un simple rappel de la situation légale découlant des termes du contrat de louage de services du 5 juillet 2002 conclu pour une durée fixe expirant le 14 septembre 2003 et ne comportant aucune clause de renouvellement. En l’absence de la preuve d’une demande antérieure de la part du demandeur tendant à obtenir dans son chef la reconnaissance, au-delà des termes dudit contrat du 5 juillet 2002, d’une relation de travail à durée indéterminée, ce même courrier du 25 juin 2003 ne saurait être considéré comme véhiculant une décision de rejet d’une demande en ce sens. C’est partant à juste titre que le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en ce qu’il est dirigé contre le courrier du directeur du 25 juin 2003.

Par contre, le courrier du même directeur pour compte de la ministre du 3 novembre 2003 doit être considéré comme décision de rejet de la demande de reconnaissance d’une relation de travail à durée indéterminée avec le CLL, formulée dans le courrier du 25 septembre 2003, étant donné que le directeur indique les motifs qui, d’après lui, justifient la qualification de la relation de travail comme étant à durée déterminée. Il s’ensuit que le courrier du 3 novembre 2003 doit être considéré comme décision initiale et qu’elle est susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux.

Le délégué du gouvernement soulève un second moyen d’irrecevabilité tiré du défaut d’intérêt à agir dans le chef du demandeur en se fondant sur les contrats de louage de services conclus les 11 septembre et 19 décembre 2003 en vertu desquels le demandeur bénéficierait à l’heure actuelle d’un contrat de travail à tâche complète auprès du ministère de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports avec des conditions de travail et de rémunération quasi-identiques à celles dont il avait bénéficié au cours des deux années scolaires précédentes auprès du CLL, de manière qu’il n’aurait subi aucun préjudice du fait du refus de renouvellement critiqué.

S’il est vrai que le demandeur a bénéficié, malgré l’arrivée du terme du contrat de louage de services du 5 juillet 2002 et la décision critiquée du 3 novembre 2003, des deux contrats de louage de services successifs visés par le délégué du gouvernement et partant d’un engagement jusqu’au 14 septembre 2004, il n’en reste pas moins que cette relation de travail est entachée d’un caractère précaire et que sa reconduction est sujette à une décision préalable de la part de la ministre, de manière que le demandeur peut se prévaloir d’un intérêt à agir suffisant pour prétendre, à travers le recours contentieux sous analyse, à la reconnaissance du caractère indéterminé et partant continu de sa relation de travail. Le moyen d’irrecevabilité afférent du délégué du gouvernement est partant à rejeter.

Etant donné que l’article 11 (1) de la loi modifiée du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l’Etat instaure un recours de pleine juridiction quant aux contestations résultant du contrat d’emploi, de la rémunération et des sanctions et mesures disciplinaires, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation portant sur une contestation relative à la qualification d’un contrat d’emploi d’un employé de l’Etat. Ledit recours en réformation est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi, étant remarqué qu’aucun délai de recours n’a commencé à courir à l’égard de la décision directoriale du 3 novembre 2003 à défaut d’une instruction sur les voies de recours y contenue. Par voie de conséquence, le recours subsidiaire en annulation est irrecevable.

Le demandeur fait d’abord valoir que la ministre aurait signé son contrat d’engagement auprès du CLL en parfaite connaissance de sa situation professionnelle et plus particulièrement de l’existence d’un autre contrat d’engagement auprès du Lycée technique d’Esch en cours d’exécution, qu’à partir du 6 avril 2001 et jusqu’aux vacances d’été 2001 il aurait continué à dispenser des cours au CLL sans le couvert d’un autre contrat d’engagement et que les deux contrats d’engagement subséquents n’auraient pris effet qu’à partir du 15 septembre 2001. Il s’empare dès lors des articles 4 (1) et 6 (2) de la loi du 24 mai 1989 sur le contrat de travail pour affirmer le caractère à durée indéterminée à partir du 6 avril 2001 de son engagement auprès du CLL.

Le demandeur se prévaut encore, pour appuyer cette même prétention, de l’article 9 (1) de ladite loi du 24 mai 1989 et de la non-applicabilité de la loi du 5 juillet 1991 concernant les renouvellements au-delà du nombre de deux du contrat à durée déterminée initial, ainsi que du défaut dans ses contrats d’engagement d’une clause prévoyant le principe du renouvellement. Le demandeur avance pareillement qu’il n’aurait pas exécuté une tâche précise et non durable, mais qu’il aurait occupé, contrairement à l’article 5 (1) de la prédite loi du 24 mai 1989, un emploi lié à l’activité normale et permanente du CLL. Il affirme finalement que sa période de stage auprès du CLL se serait achevée en date du 5 mars 2003.

Le délégué du gouvernement rétorque qu’après la signature du contrat d’engagement du 5 mars 2001 pour l’exécution d’une tâche de six leçons hebdomadaires, les services du ministère de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports auraient constaté que le demandeur se trouvait déjà lié par un contrat d’engagement à tâche complète auprès du Lycée technique d’Esch et que, dans la mesure où un employé déjà engagé à tâche complète ne pourrait bénéficier simultanément d’un second contrat d’engagement avec un autre service, il aurait été convenu entre le demandeur et la direction du CLL que la prestation des six leçons serait rémunérée sur base d’une déclaration pour leçons données, conformément à un arrêté du Gouvernement en conseil du 16 février 1990, de sorte que le contrat du 5 mars 2001 n’aurait pas été exécuté d’un commun accord des parties et que des déclarations auraient été soumises par le demandeur pour l’ensemble de ses leçons prestées au CLL jusqu’au 7 juillet 2001. Le représentant étatique estime que le demandeur serait « donc mal venu de critiquer aujourd’hui une solution qui avait été prise dans son intérêt et avec laquelle il avait marqué son accord en 2001 » et que son contrat d’engagement auprès du CLL n’aurait plus été reconduit après la fin de l’année scolaire 2002/03 au vu des déficiences pédagogiques dans son travail. Le délégué du gouvernement fait encore valoir que les deux contrats d’engagements successifs à durée déterminée auprès du CLL pour les années scolaires 2001/02 et 2002/03 seraient conformes à la loi prévisée du 24 mai 1989 et ce abstraction faite de la question de savoir si la dérogation à ladite loi du 24 mai 1989 résultant de l’article 17 de la loi précitée du 5 juillet 1991 trouverait application en l’espèce.

Il découle des contrats d’engagement des 15 octobre 1997, 28 avril 1998, 14 septembre 1998, 23 juillet 1999 et 17 juillet 2000 que le demandeur a été à chaque fois engagé par la ministre, en sa qualité de ministre du ressort, pour l’exécution d’une tâche définie au sein d’établissements d’enseignement relevant directement de l’Etat, de manière qu’il est à considérer comme ayant été embauché par l’Etat même. Il est encore constant en cause que le demandeur bénéficie, sur base de la reconnaissance faite par courrier du directeur de l’Administration du personnel de l’Etat du 14 juillet 1999, du statut d’employé de l’Etat depuis le 1er juillet 1999.

Force est encore de relever que si les deux contrats de travail à durée déterminée des 15 octobre 1997 et 28 avril 1998 portent essentiellement sur une même tâche d’assistance, de remplacement et de surveillance confiée au demandeur dans deux lycées différents, les contrats subséquents des 14 septembre 1998, 23 juillet 1999 et 17 juillet 2000 portent sur une tâche différente de chargé d’éducation à tâche complète auprès du Lycée technique d’Esch.

Il s’ensuit que ces deux séries de contrats doivent être considérées comme ayant porté sur des tâches différentes. Or, il ressort du contrat d’engagement du 14 septembre 1998 qu’il comporte la clause que « le présent contrat peut être renouvelé plus de deux fois, même pour une durée totale excédant vingt-quatre mois, conformément à l’article 17 modifié de la loi du 5 juillet 1991 portant e.a. dérogation à la loi du 24 mai 1989 sur le contrat de travail », de manière qu’il est conforme à l’article 9 (1) de la loi prévisée du 24 mai 1989 en ce qu’il comporte une clause prévoyant le principe du renouvellement du contrat. Les contrats d’engagements ultérieurs des 23 juillet 1999 et 17 juillet 2000 comportent des clauses formulées en des termes rigoureusement identiques.

Le tribunal est amené à conclure sur le fond de ces éléments que le demandeur fut valablement engagé du 1er juillet 1999 au 15 septembre 2001 par l’Etat en qualité d’employé de l’Etat pour des périodes successives continues en tant que chargé d’éducation à durée déterminée au Lycée technique d’Esch, de manière qu’il ne bénéficiait pas du fait de ces engagements d’un contrat à durée indéterminée.

Il ressort encore du contrat d’emploi du 17 juillet 2000 que le demandeur était engagé par l’Etat pour l’année scolaire 2000/2001 afin d’accomplir une tâche hebdomadaire complète de 24 heures en qualité de chargé d’éducation au Lycée technique d’Esch.

Or, étant donné que la relation de travail d’un employé de l’Etat avec son employeur, l’Etat, doit être considérée comme relation contractuelle unique et que le demandeur était déjà à ce moment appelé à exécuter une tâche complète au vœu du contrat d’engagement du 17 juillet 2000, la signature du contrat de louage de services en date du 5 mars 2001, intervenue également entre les mêmes parties, à savoir le demandeur et la ministre agissant en sa qualité de ministre du ressort pour compte de l’Etat, n’a pas pu avoir pour effet de créer une nouvelle relation de travail pour la prestation de six heures de leçons hebdomadaires, distincte de la première, mais doit être considérée comme modification de la tâche confiée au demandeur en cours d’exécution. C’est dès lors à juste titre que les services du ministère de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports ont retenu la qualification de leçons données au-delà de la tâche normale et à indemniser sur déclaration.

Cette conclusion n’est pas énervée par la circonstance que les leçons visées par le contrat d’engagement du 5 mars 2001 étaient à prester au CLL, étant donné qu’au vœu de l’article 10 de la loi du 19 juillet 1991 portant création d’un Service de la formation des adultes et donnant un statut légal au Centre de Langues Luxembourg, le CLL ne constitue pas une personnalité distincte de l’Etat mais est placé sous l’autorité de la ministre et qu’il fait partie de l’ensemble comprenant les enseignements secondaire, secondaire technique, supérieur et universitaire et considéré comme formant une seule administration, ainsi que le précise l’article 16 alinéa 3 de la même loi. Si l’article 15 alinéa 1er de la même loi prévoit que l’enseignement peut être assuré par des chargés de cours engagés par contrat, il s’agit nécessairement, au vu du statut légal prédécrit du CLL, de chargés de cours engagés par l’Etat.

Il découle des développements qui précèdent que le contrat d’engagement du 5 mars 2001 ne peut pas être qualifié, malgré ses termes apparents, comme contrat de travail établissant une relation de travail distincte de celle créée par le contrat du 17 juillet 2000 et que le demandeur ne peut pas se prévaloir d’un non-respect des articles 4 (1) et 6 (2) de la loi du 24 mai 1989 pour prétendre à la reconnaissance d’une relation de travail à durée indéterminée.

Quant au moyen du demandeur relatif au prétendu exercice d’une tâche liée à l’activité normale et permanente du CLL, l’article 5 (1) de la loi du 24 mai 1989 porte que « le contrat de travail à durée déterminée peut être conclu pour l’exécution d’une tâche précise et non durable ; il ne peut avoir pour objet de pourvoir durablement à un emploi lié à l’activité normale et permanente d’une entreprise ». Le même article 5 dispose en son paragraphe (2) que « sont notamment considérés comme tâche précise et non durable au sens des dispositions du paragraphe (1) qui précède :… 3. les emplois pour lesquels dans certains secteurs d’activité il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée ou du caractère par nature temporaire de ces emplois ; la liste de ces secteurs et emplois est établie par règlement grand-ducal ». Le règlement grand-ducal du 11 juillet 1989 portant application des dispositions des article 5, 8, 34 et 41 de ladite loi modifiée du 24 mai 1989 dispose en son article 2 que « les secteurs d’activité dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois sont les suivants :…- dans le secteur de la formation et de l’enseignement : les emplois de chargé de cours, de chargé de direction et les emplois socio-

éducatifs, pour autant que les emplois à pourvoir ne peuvent pas être occupés par du personnel remplissant les conditions d’admission au stage ou de nomination requises à cet effet ».

Etant donné que le CLL a pour mission la dispense de cours de langues à des personnes qui ne sont plus soumises à l’obligation scolaire légale, il doit être considéré comme rentrant dans le secteur de la formation et de l’enseignement. Dans la mesure encore où le demandeur avait revêtu, au vœu des contrats d’engagement des 19 juillet 2001 et 5 juillet 2002, la qualité de chargé de cours affecté au CLL et où il n’est pas contesté que le poste en cause ne pouvait pas être occupé par du personnel satisfaisant aux critères de qualification, force est de conclure que la dérogation instaurée par l’article 5 (2) de la loi du 24 mai 1989 et l’article 2 du règlement grand-ducal précité du 11 juillet 1989 est applicable en l’espèce et que le moyen afférent du demandeur laisse d’être fondé.

En ce qui concerne le moyen du demandeur tiré du non-respect de la limitation du nombre de renouvellements d’un contrat d’emploi pour dispenser des cours auprès du CLL, il est vrai que l’article 17 de la loi prévisée du 5 juillet 1991, autorisant le renouvellement plus de deux fois, même pour une durée excédant 24 mois, de contrats de travail à durée déterminée, vise seulement « le chargé de direction d’une classe de l’éducation préscolaire ou de l’enseignement primaire, le chargé de cours de l’enseignement post-primaire, le chargé de cours des lycées et lycées techniques et l’agent socio-éducatif d’une administration ou service dépendant du département de l’éducation nationale », de manière qu’il n’est pas applicable aux chargés de cours sous contrat du Centre de Langues Luxembourg qui n’y sont pas expressément visés, compte tenu de l’interprétation nécessairement stricte à donner à ce texte d’exception érigé à l’encontre de dispositions d’ordre public résultant de la loi précitée du 24 mai 1989 (trib. adm. 12 mai 1999, n° 10889, Pas. adm. 2003, v° Fonction publique, n° 289).

Cependant, ainsi que le tribunal a dégagé supra, le contrat signé le 5 mars 2001 ne peut pas être pris en compte en guise de relation de travail distincte et seuls les engagements opérés par les contrats d’engagement des 19 juillet 2001 et 5 juillet 2002 constituent des engagements à durée déterminée pour l’accomplissement d’une tâche auprès du CLL. Or, la durée cumulée de ces deux contrats s’étend sur une période d’exactement deux années et ils représentent un contrat d’engagement initial à durée déterminée et un avenant portant renouvellement dudit contrat. Au regard de la durée totale correspondant précisément au maximum légal et d’un unique renouvellement, le moyen du demandeur fondé sur l’article 9 (1) alinéa 1er de la loi précitée du 24 mai 1989 est à rejeter. En considération encore de la qualification ainsi dégagée des deux contrats prévisés, le moyen du demandeur relatif à l’absence d’une clause de renouvellement est pareillement à écarter.

Le moyen du demandeur fondé sur l’achèvement de sa période de stage de deux ans depuis le début de son engagement au CLL laisse à son tour d’être fondé, étant donné que la loi prévisée du 27 janvier 1972 n’instaure pas de période de stage obligatoire en cas de contrat d’emploi à durée déterminée et que les contrats d’engagement des 19 juillet 2001 et 5 juillet 2002 ne comportent aucune stipulation d’une période d’essai.

Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours sous analyse n’est fondé en aucun de ses moyens et doit être rejeté comme n’étant pas fondé. Au vu de cette issue du litige, la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par le demandeur est également à rejeter.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, déclare le recours irrecevable dans la mesure où il est dirigé contre le courrier du directeur du service de la Formation des Adultes du 25 juin 2003, reçoit le recours en réformation en la forme pour le surplus, écarte les mémoire en réplique du demandeur et en duplique du délégué du gouvernement, au fond, déclare le recours non justifié et en déboute, déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable, rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par le demandeur, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. SCHROEDER, premier juge, M. SPIELMANN, juge, Mme GILLARDIN, juge, et lu à l’audience publique du 25 août 2004 par le premier juge en présence de M.

MAY, greffier en chef de la Cour administrative, greffier assumé.

s. MAY s. SCHROEDER 10


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17631
Date de la décision : 25/08/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-08-25;17631 ?

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