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11/08/2004 | LUXEMBOURG | N°18425

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 août 2004, 18425


Tribunal administratif N° 18425 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 juillet 2004 Audience publique du 11 août 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18425 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 juillet 2004 par Maître Ardavan FATHOLAZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Kaïdy Rosso (Mauritanie), de nationalité maurit

anienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre d...

Tribunal administratif N° 18425 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 juillet 2004 Audience publique du 11 août 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18425 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 juillet 2004 par Maître Ardavan FATHOLAZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Kaïdy Rosso (Mauritanie), de nationalité mauritanienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 5 février 2004 déclarant manifestement infondée sa demande en obtention du statut de réfugié et de celle confirmative, intervenue sur recours gracieux, du même ministre du 11 juin 2004 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 juillet 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Louis TINTI, en remplacement de Maître Ardavan FATHOLAZADEH et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 11 août 2004.

Monsieur … introduisit le 12 décembre 2003 une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux de la police grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Le 3 février 2004, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Le ministre de la Justice informa Monsieur … par décision du 5 février 2004, lui notifié le 5 avril 2004, de ce que sa demande est refusée comme manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire. Le ministre a en effet constaté que la demande d’asile est basée sur le désir de faire des études et de trouver un travail au Luxembourg, motifs ne correspondant à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève. Il ajoute que les autres faits invoqués correspondent tout au plus à un sentiment général d’insécurité.

Par courrier de son avocat du 4 mai 2004, il fit introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision de refus.

Par décision du 11 juin 2004, envoyée par lettre recommandée le 15 juin 2004, le ministre de la Justice confirma sa décision de refus antérieure.

Par requête déposée le 19 juillet 2004 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation des décisions ministérielles des 5 février et 11 juin 2004.

Etant donné que l’article 10 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit qu’un recours en annulation peut être introduit contre les demandes d’asile déclarées manifestement infondées, le recours en annulation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

En premier lieu, le demandeur critique le laps de temps s’étant écoulé entre la confection matérielle de la décision litigieuse en date du 5 février 2004 et la notification de cette dernière en date du 5 avril 2004, soit 2 mois plus tard. A ce titre il se rapporte à prudence du tribunal quant au respect du délai prescrit par l’article 10 de la loi modifiée du 3 avril 1996 qui dispose que la décision dans le cas visée à l’article 9 sera prise au plus tard dans un délai de deux mois à partir de l’introduction de la demande d’asile.

L’article 10 de la loi modifiée du 3 avril 1996 dispose que « la décision dans les cas visées aux articles 8 et 9 qui précèdent sera prise au plus tard dans un délai de deux mois à partir de l’introduction de la demande d’asile ». En l’espèce le demandeur a introduit sa demande d’asile le 12 décembre 2003 et la décision litigieuse a été prise le 5 février 2004, de sorte que la condition légale fixée à l’article 10 quant au respect du délai maximal de deux mois pour la prise de la décision à partir de l’introduction de la demande d’asile a été respectée. Etant donné que l’article en question ne prévoit aucun délai pour la notification de la décision, il importe peu que la décision litigieuse a seulement été notifié 2 mois après la prise de la décision. Pour le surplus le demandeur reste en défaut de faire valoir un quelconque préjudice résultant de cette notification tardive.

Quant au fond, le demandeur fait valoir qu’il risquerait d’être persécuté dans son pays d’origine pour les motifs invoqués dans son audition, de sorte que ce serait à tort que le ministre de la Justice a retenu que sa demande rentre dans les prévisions de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996. Quant à situation générale en Mauritanie il fait valoir qu’il ferait partie de la minorité des Maures noirs laquelle serait opprimée par les Maures blancs.

Le délégué du Gouvernement estime que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte qu’il serait à débouter de son recours.

Aux termes de l’article 9 de la loi modifiée précitée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de fondement… » L’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, précise : « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de craintes de persécutions du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motifs de sa demande ».

L’examen des faits invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande d’asile amène le tribunal à conclure qu’il n’a manifestement pas établi des raisons personnelles de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Il résulte du rapport de son audition du 3 février 2004 que le demandeur est déjà parti depuis 4 ans et demi de Mauritanie, qu’il n’appartient à aucun groupe rebelle et qu’il n’est pas membre d’un parti politique. Le seul élément concret dont il fait état est un incident entre Maures et Sénégalais datant de 1988, sans cependant faire valoir un motif de persécution qui lui serait propre. Pour le surplus à la question « Que voulez-vous des autorités luxembourgeoises ? » , il répond : « Je veux me perfectionner en informatique et j’aimerais avoir un travail. Je veux continuer mes études et après travailler ici ». A la question « Selon votre opinion, quelles pourraient être les conséquences concrètes d’un retour dans votre pays d’origine ? », il répond : « Economiquement il y aura des conséquences parce que c’est difficile de vous intégrer là-bas. On peut dire que depuis 1984 il y a la dictature. Il parle tout le temps de la loi charia, parce qu’il y a des régions islamistes là-bas. Politiquement on ne peut pas s’intégrer. Mieux vaut mourir que d’y aller là ».

Au vu de ces affirmations, force est de constater que le demandeur invoque surtout des raisons économiques et matérielles lesquelles ne sauraient constituer une crainte justifiée de persécution en raison de ses opinions politiques, de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un groupe social, laquelle serait susceptible de lui rendre la vie intolérable en Mauritanie. Les raisons invoquées ne correspondent donc à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève.

Cette conclusion n’est pas susceptible d’être utilement énervée par les considérations d’ordre général basées sur la situation en Mauritanie, lesquelles ne sont pas de nature à caractériser l’existence d’un risque de persécution concret que le demandeur risquerait personnellement de subir du fait de sa situation.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours sous examen est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schroeder, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, et lu à l’audience publique du 11 août 2004 par le premier juge en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schroeder 4


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 18425
Date de la décision : 11/08/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-08-11;18425 ?

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