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11/08/2004 | LUXEMBOURG | N°17896C

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 août 2004, 17896C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 17896 C Inscrit le 13 avril 2004

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Audience publique de vacation du 11 août 2004 Recours formé par … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour - Appel -

(jugement entrepris du 10 mars 2004, n° 17110 du rôle)

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Vu la requête d’appe

l, inscrite sous le numéro 17896C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 1...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 17896 C Inscrit le 13 avril 2004

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Audience publique de vacation du 11 août 2004 Recours formé par … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour - Appel -

(jugement entrepris du 10 mars 2004, n° 17110 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 17896C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 13 avril 2004 par Maître Edmond Dauphin, avocat à la Cour, au nom de …, né le … , de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 10 mars 2004, par lequel il a décidé que le recours en annulation introduit contre une décision du ministre de la Justice du 29 juillet 2003, portant rejet de sa demande en obtention d’une autorisation de séjour, était devenu sans objet ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 12 mai 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport, Maître Edmond Dauphin et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles Roth en leurs plaidoiries respectives.

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Par requête, inscrite sous le numéro 17110 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 30 octobre 2003, … a fait introduire un recours tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 29 juillet 2003, portant rejet de sa demande en obtention d’une autorisation de séjour.

Par jugement rendu le 10 mars 2004, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, a déclaré le recours comme étant devenu sans objet. Le tribunal a en effet justifié sa décision par le fait que depuis la prise de la décision litigieuse, le ministre de la Justice a délivré à … une autorisation de séjour valable jusqu’au 31 août 2004 afin de lui permettre de pouvoir suivre l’enseignement de la classe de 12ième au lycée technique de Bonnevoie, en section « boucher », pour se présenter, à l’issue de cette année scolaire, aux épreuves du CATP afférent, de sorte que la finalité poursuivie par l’actuel appelant à travers la demande à la base de la décision litigieuse, en l’occurrence l’octroi d’une autorisation de séjour au Luxembourg, est entre-temps atteinte dans son chef par l’octroi de l’autorisation de séjour valable jusqu’au 31 août 2004.

En date du 13 avril 2004, Maître Edmond Dauphin, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel en nom et pour compte de …, inscrite sous le numéro 17896C du rôle, par laquelle la partie appelante sollicite la réformation du jugement entrepris du 10 mars 2004.

A l’appui de sa requête d’appel, la partie appelante estime que ce serait à tort que le tribunal administratif a déclaré son recours comme étant devenu sans objet, alors qu’il aurait sollicité la délivrance d’un permis de séjour « normal » l’habilitant à solliciter la délivrance d’un permis de travail, et non pas l’obtention d’un permis de séjour temporaire pour lui permettre de suivre une formation de boucher. Le fait d’avoir sollicité la délivrance d’un permis de séjour en vue de l’acquisition d’une formation professionnelle ne saurait être interprété comme valant renonciation à sa demande tendant à se voir délivrer un permis de séjour.

Dans son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour le 12 mai 2004, le délégué du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement de première instance.

La requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai prévus par la loi.

Il échet tout d’abord de constater que l’appelant avait déposé en date du 10 juillet 2001 une demande en obtention d’une autorisation de séjour auprès du service commun des ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille, à la suite de laquelle les ministres de la Justice et du Travail et de l’Emploi ont refusé, par une décision du 5 mars 2002, de lui accorder l’autorisation de séjour ainsi sollicitée. L’appelant avait ensuite fait introduire un recours contentieux à l’encontre de cette décision du 5 mars 2002, qui s’est soldé en deuxième et dernière instance par un arrêt de la Cour administrative du 25 mars 2003 ayant, par réformation d’un jugement du tribunal administratif du 18 décembre 2002, annulé la décision ministérielle précitée du 5 mars 2002, au motif qu’il « ne résulte d’aucun élément de la décision ministérielle déférée que la demande a été examinée sur base des conditions de régularisation publiées dans une brochure « Régularisation » par les ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice ainsi que de la Famille, de la Solidarité sociale et de la Jeunesse ». A la suite de cet arrêt, par lequel le dossier fut renvoyé au ministre de la Justice, ce dernier s’est prononcé une nouvelle fois sur la demande initiale de l’appelant par la décision sous analyse du 29 juillet 2003, libellée comme suit :

« Suite à l’arrêt de la Cour administrative du 25 mars 2003, votre demande en obtention d’une autorisation de séjour que vous avez déposée en date du 9 juillet 2001 auprès du Service commun des ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille, de la Solidarité sociale et de la Jeunesse a été soumise à un réexamen de mes services.

Or après ce réexamen de votre demande, je suis au regret de vous informer que je ne suis pas en mesure d’y réserver une suite favorable.

En effet, selon l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1° l’entrée et le séjour des étrangers ; 2° le contrôle médical des étrangers ; 3° l’emploi de la main-

d’œuvre étrangère, la délivrance d’une autorisation de séjour est subordonnée à la possession de moyens d’existence personnels suffisants légalement acquis permettant à l’étranger de supporter ses frais de séjour au Luxembourg, indépendamment de l’aide matérielle ou des secours financiers que de tierces personnes pourraient s’engager à lui faire parvenir.

Comme vous ne remplissez pas cette condition, une autorisation de séjour ne saurait vous être délivrée.

Pour le surplus, votre demande en obtention d’une autorisation de séjour est également à rejeter au regard des directives applicables en matière de régularisation.

En effet, il ressort des pièces accompagnant votre demande introduite sur base de la catégorie C que vous ne remplissez pas les conditions prévues pour cette catégorie qui est libellée comme suit : « Je réside de façon ininterrompue au Grand-Duché de Luxembourg depuis le 1er juillet 1998 au moins », étant donné que vous êtes venu au Grand-Duché de Luxembourg en octobre 1998.

De même, vous ne remplissez non plus les conditions prévues pour la catégorie B qui est libellée comme suit : « Je réside et travaille de façon ininterrompue au Grand-Duché de Luxembourg depuis le 1er janvier 2000, je ne suis pas affilié à la sécurité sociale luxembourgeoise, j’ai un emploi stable et j’ai touché et touche toujours soit un salaire égal au salaire social minimum revenant à un travailleur non qualifié âgé de 18 ans (52.047,- LUF), soit un salaire égal au RMG auquel je peux prétendre compte tenu de ma situation familiale », alors que vous n’avez pas rapporté la preuve que vous avez travaillé sans interruption depuis le 1er janvier 2000 jusqu’à la date du dépôt de votre demande en obtention d’une autorisation de séjour, soit le 9 juillet 2001.

Finalement, vous ne remplissez non plus les conditions prévues pour la catégorie A qui est libellée comme suit : « Je réside et travaille de façon ininterrompue au Grand-Duché de Luxembourg depuis le 1er janvier 2000, je suis affilié(e) depuis cette date à la sécurité sociale luxembourgeoise, et j’ai touché et touche toujours soit un salaire égal au salaire social minimum revenant à un travailleur non qualifié âgé de 18 ans (52.047,- LUF), soit un salaire égal au RMG auquel je peux prétendre compte tenu de ma situation familiale », car votre certificat d’affiliation auprès du centre commun de la sécurité sociale prouve que la période d’affiliation comme ouvrier auprès de l’employeur … s.à r.l. s’étend seulement du 25 février 2000 au 15 juin 2000. » Il est encore constant en cause qu’à la suite d’une demande introduite auprès du ministre de la Justice, au nom de l’appelant par la fondation Caritas Luxembourg en date du 25 août 2003, tendant à obtenir l’autorisation de résider au Grand-Duché de Luxembourg afin de pouvoir achever sa formation et notamment de se présenter aux épreuves de CATP (Boucher), l’appelant s’est vu délivrer par le ministre de la Justice, en date du 30 janvier 2004, une autorisation de séjour valable jusqu’au 31 août 2004, non prorogeable, afin de lui permettre d’achever sa formation professionnelle au vu de ce qu’il était inscrit durant l’année scolaire 2003/2004 en classe C2BC1 correspondant à une 12ième CCM Boucher.

Le tribunal administratif, dans son jugement entrepris du 10 mars 2004, a estimé que le fait par l’appelant d’avoir sollicité, postérieurement à sa demande initiale du 10 juillet 2001 tendant à se voir délivrer une autorisation de séjour dans le cadre de la campagne dite de régularisation de certaines catégories d’étrangers résidant au pays, une autorisation de séjour l’autorisant à terminer sa formation professionnelle, aurait pour conséquence sa renonciation à sa demande initiale du 10 juillet 2001, d’autant plus que le tribunal ne se trouvait pas saisi de « contestations écrites afférentes » lui permettant de douter de cet état des choses. Le tribunal en a conclu que dans la mesure où la finalité poursuivie par l’appelant, à savoir la délivrance d’une autorisation de séjour au Luxembourg, était entre-temps atteinte dans son chef par la délivrance de l’autorisation de séjour valable jusqu’au 31 août 2004, le recours contentieux dont il était saisi était devenu sans objet.

Il échet toutefois de constater, à la lecture de la requête d’appel dont se trouve actuellement saisie la Cour, que l’appelant n’a à aucun moment entendu renoncer à sa demande initiale du 10 juillet 2001, ni de manière expresse ni de manière implicite, mais qu’au contraire, la fondation Caritas Luxembourg, qui avait cru bien faire en défendant les intérêts de l’appelant de la manière la plus complète possible, avait sollicité de manière complémentaire également un permis de séjour en faveur de l’appelant, afin qu’il puisse terminer ses études scolaires et qu’il puisse au moins bénéficier de cette garantie minimale en attendant que sa demande principale du 10 juillet 2001 ne soit enfin résolue par les instances compétentes.

Il s’ensuit que le tribunal administratif n’est partant pas à confirmer dans sa décision par laquelle il a déclaré le recours contentieux comme étant devenu sans objet, puisque le simple fait de solliciter la délivrance d’un permis de séjour à un autre titre que celui invoqué à la base d’une demande antérieure n’est pas à lui seul suffisant pour conclure à la renonciation à solliciter le permis de séjour également sur base de la demande initiale, d’autant plus que les deux demandes ont des objets manifestement différents, en ce que la demande initiale avait pour objet de voir délivrer à l’appelant un permis de séjour à durée indéterminée et que la deuxième demande tendait à lui voir délivrer un permis de séjour à durée déterminée, à savoir jusqu’à la fin de sa formation scolaire. Il ne saurait donc manifestement pas être question d’une renonciation éventuelle à sa demande initiale, puisqu’une telle renonciation serait manifestement contraire à ses intérêts bien compris.

Le jugement entrepris du tribunal administratif du 10 mars 2004 est partant à réformer, en ce que c’est à tort qu’il a décidé que le recours contentieux était devenu sans objet.

Comme par ailleurs la Cour se trouve en possession de tous les éléments de droit et de fait la mettant en mesure de trancher l’affaire au fond, il y a lieu à évocation de sa part.

Tout d’abord, il y a lieu de rectifier une erreur commise par le mandataire de l’appelant dans sa requête d’appel sous analyse, en retenant que contrairement à l’opinion y exprimée, la Cour administrative, dans son arrêt précité du 25 mars 2003, n’a pas accordé une autorisation de séjour à l’appelant - ce que de toute façon, elle n’aurait pas pu faire, étant donné que seul un recours en annulation peut être introduit en la matière devant les juridictions administratives -, mais elle a simplement annulé, par réformation d’un jugement du tribunal administratif du 18 décembre 2002, la décision ministérielle précitée du 5 mars 2002, en renvoyant le dossier au ministre de la Justice afin qu’il prenne une nouvelle décision.

Ceci dit, il appartient à la Cour d’analyser si le ministre de la Justice pouvait à bon droit refuser de faire droit à la demande tendant à la délivrance d’une autorisation de séjour formulée sur base de la brochure de régularisation.

En ce qui concerne le premier motif de refus de délivrance de l’autorisation de séjour, telle que sollicitée par l’appelant, tiré de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, il échet de constater qu’il ne ressort d’aucun élément du dossier que l’appelant ait été, au moment de la prise de la décision litigieuse du 29 juillet 2003, en possession de moyens d’existence personnels suffisants légalement acquis lui permettant de supporter ses frais de séjour au Luxembourg, de sorte que ce motif se trouve vérifié en l’espèce.

En ce qui concerne les critères tels que fixés par la brochure de régularisation en vue de l’obtention d’une autorisation de séjour, il échet de constater que suivant les informations fournies par l’appelant lui-même dans le recours initial introduit devant le tribunal administratif, ayant abouti au jugement entrepris, il n’est arrivé au Luxembourg qu’en date du 20 octobre 1998, de sorte qu’il ne remplit pas les conditions prévues par la catégorie C de ladite brochure, suivant lesquelles il doit établir avoir résidé de façon ininterrompue au Grand-Duché depuis le 1er juillet 1998 au moins, afin de bénéficier de la délivrance d’un permis de séjour au titre de la brochure de régularisation.

En ce qui concerne les catégories A et B de ladite brochure, il échet de constater, comme l’a déjà fait le ministre de la Justice dans sa décision litigieuse du 29 juillet 2003, que l’appelant n’a pas rapporté la preuve qu’il a travaillé sans interruption depuis le 1er janvier 2000 jusqu’à la date du dépôt de sa demande tendant à se voir délivrer une autorisation de séjour, à savoir le 10 juillet 2001, de sorte qu’il ne remplit pas les conditions fixées par la catégorie B de la brochure et qu’il n’a pas rapporté la preuve de son affiliation auprès du Centre commun de la sécurité sociale depuis le 1er janvier 2000, de sorte qu’il ne remplit pas non plus les conditions telles que prévues par la catégorie A de la brochure.

Il suit de ce qui précède que le ministre de la Justice a valablement pu refuser de faire droit à la demande présentée par l’appelant tendant à se voir délivrer une autorisation de séjour au titre des critères fixés par la brochure de régularisation, de sorte que le recours en annulation introduit devant le tribunal administratif à l’encontre de la décision ministérielle litigieuse du 29 juillet 2003 est à déclarer non fondé.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit la requête d’appel du 13 avril 2004 en la forme ;

la déclare fondée en ce qu’elle tend à voir dire que c’est à tort que le tribunal administratif a déclaré le recours en annulation comme étant devenu sans objet ;

par réformation du jugement entrepris, et sur évocation de l’affaire, déclare non fondé le recours en annulation introduit devant le tribunal administratif contre la décision litigieuse du 29 juillet 2003 ;

condamne l’appelant aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par :

Jean-Mathias Goerens, vice-président, Marc Feyereisen, conseiller, Carlo Schockweiler, conseiller, rapporteur, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier assumé Claude Legille, greffier du tribunal administratif.

le greffier le vice-président 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17896C
Date de la décision : 11/08/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-08-11;17896c ?

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