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04/08/2004 | LUXEMBOURG | N°18415

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 août 2004, 18415


Numéro 18415 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 juillet 2004 Audience publique du 4 août 2004 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 18415 du rôle, déposée le 16 juillet 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Steve COLLART, avocat à la Cour, assisté de Maître

Stéphane MEYER, avocat, les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg...

Numéro 18415 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 juillet 2004 Audience publique du 4 août 2004 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 18415 du rôle, déposée le 16 juillet 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Steve COLLART, avocat à la Cour, assisté de Maître Stéphane MEYER, avocat, les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Tub (Kirghistan), de nationalité kirghise, actuellement détenu au Centre pénitentiaire du Luxembourg, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 7 novembre 2003 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme étant manifestement infondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 6 mai 2004 prise sur recours gracieux;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 23 juillet 2004;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Nadine SCHEUREN, en remplacement de Maître Steve COLLART et Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 4 août 2004.

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Le 25 septembre 2003, Monsieur …, préqualifié, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

En date du 3 octobre 2003, une convocation à une audition prévue pour le 29 octobre 2003 lui fut remise en mains propres, un courrier recommandé confirmatif lui ayant en outre été adressé le 8 octobre 2003 par le service compétent du ministère de la Justice. Néanmoins, Monsieur … ne se présenta pas à la prédite date afin d’être auditionné.

Le ministre de la Justice l’informa par décision du 7 novembre 2003, notifiée d’abord par courrier recommandé non réclamé du 20 novembre 2003 et ensuite en mains propres le 11 février 2004, que sa demande d’asile avait été rejetée comme étant manifestement infondée aux motifs suivants :

« Il résulte de vos déclarations que vous auriez quitté Shymkent au mois d’août 2003 pour venir en camion à Moscou. Pendant une semaine vous auriez séjourné à Moscou avant de prendre place dans un autre camion et venir au Luxembourg.

Vous avez déposé votre demande en obtention du statut de réfugié le 30 septembre 2003.

Vous avez été convoqué au bureau d’accueil pour les demandeurs d’asile pour une audition concernant les motifs de votre demande d’asile. L’audition était prévue le 29 octobre 2003 à 14 heures. Vous avez reçu la convocation en mains propres le 3 octobre 2003 et un courrier du 8 octobre vous a confirmé cette date. Vous ne vous êtes pas présenté à la date du 29 octobre 2003. L’audition par un agent du ministère de la Justice s’est donc avérée impossible.

Je vous informe que l’article 6 f) du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile dispose comme suit : « Une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle repose clairement sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile. Tel est le cas notamment lorsque le demandeur a omis de manière flagrante de s’acquitter d’obligations importantes imposées par les dispositions régissant les procédures d’asile ».

Le fait de ne pas vous présenter au ministère de la Justice au rendez-vous fixé pour votre audition constitue une des omissions prévues par l’article 6 précité.

Je constate que vous n’alléguez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de vous rendre la vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie. Dès lors, votre demande ne correspond à aucun des critères de fond prévus par la Convention de Genève.

Il résulte de ce qui précède que votre demande en obtention du statut de réfugié est refusée comme manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne sauriez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

Le recours gracieux formé par son mandataire suivant courrier du 5 mars 2004 s’étant soldé par une décision confirmative du même ministre du 6 mai 2004, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation des deux décisions précitées des 7 novembre 2003 et 6 mai 2004 par requête déposée en date du 16 juillet 2004.

L’article 10 (3) de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2. d’un régime de protection temporaire, disposant expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives, de manière que le tribunal est compétent pour connaître du recours, lequel est également recevable pour avoir été, par ailleurs, introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur expose qu’il n’aurait pas eu l’occasion de s’expliquer sur les motivations à la base de sa demande d’asile dans la mesure où sa demande en vue de la fixation d’une nouvelle audition formulée dans son recours gracieux du 5 mars 2004 serait restée sans réponse de la part du ministre, de manière que ce dernier aurait commis une faute en affirmant que sa demande ne remplirait pas les critères de la Convention de Genève sans même l’avoir entendu. Il fait valoir qu’il serait de nationalité kirghise, de confession chrétienne orthodoxe et d’appartenance à la minorité coréenne, tout comme il ferait partie d’une association d’opposants au régime nommée « les hommes libres du Kirghistan ». Il affirme avoir fait l’objet de nombreuses persécutions en sa double qualité de chrétien orthodoxe et d’opposant politique et même d’une arrestation arbitraire qui aurait motivé sa fuite vers le Luxembourg.

Le délégué du gouvernement rétorque que, suite à la remise en mains propres de la convocation pour l’audition du 29 octobre 2003, le fait par le demandeur de ne pas s’être présenté à cette date sans avoir présenté dans les meilleurs délais une excuse satisfaisante et crédible constituerait une omission flagrante de ses obligations au sens de l’article 6, f) du règlement grand-ducal du 22 avril 1996. Il ajoute que le demandeur n’aurait pas précisé dans son recours gracieux les persécutions dont il prétend avoir fait l’objet et que le simple fait d’appartenir à une minorité serait insuffisant pour se réclamer de la protection de la Convention de Genève. Le représentant renvoie également aux infractions commises par le demandeur sur le territoire luxembourgeois pour soutenir que sa demande d’asile apparaîtrait comme étant clairement abusive.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 6, paragraphes 1) et 2), f) du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle repose clairement sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile. Tel est le cas notamment lorsque le demandeur a : (…) omis de manière flagrante de s’acquitter d’obligations importantes imposées par les dispositions régissant les procédures d’asile ;

(…)».

En l’espèce, force est de constater que faute d’avoir participé activement à l’instruction de sa demande d’asile, le demandeur a mis les autorités luxembourgeoises dans l’impossibilité d’examiner sa situation particulière et de vérifier concrètement et individuellement s’il a raison de craindre d’être persécuté pour un des motifs visés par la Convention de Genève.

Dans ce contexte, le demandeur est malvenu de critiquer le défaut d’instruction suffisante de sa demande d’asile, étant donné que cet état des choses tient essentiellement au fait qu’il n’a pas participé activement à l’instruction de son dossier en ne se présentant pas à son audition à la date lui communiquée presque quatre semaines à l’avance et en ne faisant ni dans son recours gracieux, ni dans son recours contentieux état de circonstances particulières qui auraient pu justifier son défaut de se présenter à son audition.

Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre de la Justice a constaté que le demandeur a omis, de manière flagrante, de s’acquitter d’obligations importantes imposées par la législation applicable en matière de demandes d’asile, en ne permettant pas à un agent du ministère de la Justice de l’interroger sur les motifs de persécution susceptibles de rentrer dans le cadre du champ d’application de la Convention de Genève.

Il suit de ce qui précède que le recours est à rejeter pour ne pas être fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. CAMPILL, vice-président, M. SCHROEDER, premier juge, Mme THOMÉ, juge, et lu à l’audience publique du 4 août 2004 par le vice-président en présence de M.

LEGILLE, greffier.

LEGILLE CAMPILL 4


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 18415
Date de la décision : 04/08/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-08-04;18415 ?

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