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21/07/2004 | LUXEMBOURG | N°18405

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 juillet 2004, 18405


Tribunal administratif Numéro 18405 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 juillet 2004 Audience publique du 21 juillet 2004 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 18405 du rôle, déposée le 15 juillet 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de lâ€

™Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le…, de nationalité chinoise...

Tribunal administratif Numéro 18405 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 juillet 2004 Audience publique du 21 juillet 2004 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 18405 du rôle, déposée le 15 juillet 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le…, de nationalité chinoise, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 29 juin 2004 instituant à son égard une mesure de placement pour la durée maximum d’un mois audit Centre de séjour provisoire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 juillet 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le lendemain au nom du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Louis TINTI et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER entendus en leurs plaidoiries respectives.

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Le 29 juin 2004, le ministre de la Justice ordonna à l’encontre de Monsieur … une mesure de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification de la décision en question, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois. La décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu le rapport no SP15-1838-2004-JOA du 29 juin 2004 établi par la Police grand-

ducale, Service de Police Judiciaire ;

Considérant que l’intéressé est démuni de toute pièce d’identité et de voyage valable ;

Considérant qu'il ne dispose pas de moyens d’existence personnels ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant qu’en attendant le résultat des recherches quant à l’identité et à la situation de l’intéressé, l’éloignement immédiat n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 15 juillet 2004, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle précitée du 12 juillet 2004.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre la décision litigieuse. Le recours est également recevable pour avoir été déposé dans les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de son recours le demandeur fait exposer être arrivé au Grand-Duché de Luxembourg le 29 juin 2004, en provenance de l'Espagne, afin d'assister à l'anniversaire d'un de ses amis. Le même jour, lors d'un contrôle conjoint par la police et l'administration des douanes au restaurant "Perle Fine" à Rumelange où il se trouvait pour assister à la fête, il fut intercepté et placé au centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière. Il ajoute qu'à l'occasion de cette visite de courtoisie, il avait pris la précaution d'avoir sur lui la somme de 1.400 €, destinée à lui permettre de faire face à des difficultés quelconques. Il souligne qu'il vit de façon continuelle en Espagne où il est titulaire d'un permis de séjour et d'un permis de travail.

Il estime que les conditions légales pour prononcer une mesure de placement ne sont pas remplies. Il n'existerait dans son chef aucun danger qu'il essaye de se soustraire à la mesure d'éloignement envisagée par les autorités luxembourgeoises. Pareillement, il ne constituerait aucun danger pour l'ordre public. De plus, les autorités luxembourgeoises n'auraient pas entrepris tous les efforts en vue d'assurer que la mesure d'éloignement puisse être exécutée sans retard, dans les délais les plus brefs, comportement d'autant plus répréhensible que son identité leur serait connue. Finalement, la mesure critiquée serait disproportionnée par rapport au but poursuivi par l'autorité administrative.

Le délégué du gouvernement explique que Monsieur … a fait l'objet d'une mesure de placement parce qu'il a été trouvé au restaurant "Perle Fine" sans pièce d'identité et alors qu'il tentait de prendre la fuite. Il ajoute que dans la suite, la police judiciaire s'est vu remettre une copie du passeport chinois du demandeur, mais que le visa Schengen y apposé par les autorités françaises serait d'une qualité tellement mauvaise qu'il aurait été impossible d'en vérifier la validité. – La carte de séjour espagnole que le demandeur portait également sur lui aurait perdu sa validité. Les autorités espagnoles auraient entre-temps fourni l'information que Monsieur … est effectivement autorisé à résider en Espagne et la police judiciaire aurait été chargée d'organiser son retour vers l'Espagne.

Le délégué du gouvernement conteste l'absence de risque de fuite du demandeur, dès lors que celui-ci, lors du contrôle d'identité, aurait tenté de prendre la fuite, fait caractéristique du risque de fuite de nature à compromettre ultérieurement la mesure de rapatriement. – D'ailleurs, la mesure de placement se justifierait en dehors de tout danger pour l'ordre public, dès lors qu'elle serait légalement admissible par le seul fait de l'irrégularité du séjour et de l'imminence d'une mesure d'éloignement. – Les démarches en vue de l'éloignement du demandeur auraient été entreprises avec diligence, la police judiciaire ayant pris contact avec les autorités espagnoles dès le moment où elles étaient en possession des copies des pièces documentant un séjour en Espagne et du passeport chinois valable. A l'audience, il a encore déclaré que l'éloignement de Monsieur … serait prévu pour le 23 juillet 2004. – Finalement, la mesure critiquée ne serait pas disproportionnée par rapport au but poursuivi. Non seulement les autorités luxembourgeoises auraient-elles ignoré au moment du placement de Monsieur … que celui-ci avait sollicité un nouveau titre de séjour en Espagne, mais encore le fait d'avoir introduit en Espagne une telle demande ne conférerait pas au séjour au Luxembourg un caractère régulier, de sorte qu'en toute hypothèse la mesure de placement était encore justifiée.

Monsieur … réplique qu'il n'avait remis qu'une copie de son passeport chinois lors du contrôle d'identité dont il fut l'objet, l'original se trouvant entre les mains des autorités espagnoles en vue du renouvellement de sa carte de séjour. Depuis le 15 juillet 2004, les autorités luxembourgeoises disposeraient de l'information qu'il disposerait d'une autorisation de séjour en Espagne valable jusqu'en 2005. Ce ne serait que postérieurement au dépôt du recours contentieux que l'instruction aurait été donnée au service de police judiciaire d'organiser son éloignement, alors même qu'en l'espèce, ce retour vers l'Espagne aurait dû pouvoir être organisé dans un délai de quelques heures. Les circonstances de l'espèce témoigneraient d'un manque de diligence de la part des autorités luxembourgeoises.

Il est constant en cause que la décision de placement litigieuse n’est pas basée sur une décision d’expulsion. Il convient partant d’examiner si la décision de placement est basée sur une mesure de refoulement qui, en vertu de l’article 12 de la loi modifiée du 28 mars 1972, précitée, peut être prise, « sans autre forme de procédure que la simple constatation du fait par un procès-verbal », à l’égard d’étrangers non autorisés à résidence :

« 1) qui sont trouvés en état de vagabondage ou de mendicité ou en contravention à la loi sur le colportage ;

2) qui ne disposent pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ;

3) auxquels l’entrée dans le pays a été refusée en conformité de l’article 2 de [la loi précitée du 28 mars 1972] ;

4) qui ne sont pas en possession des papiers de légitimation prescrits et de visa si celui-ci est requis ;

5) qui, dans les hypothèses prévues à l’article 2 paragraphe 2 de la Convention d’application de l’accord de Schengen, sont trouvés en contravention à la loi modifiée du 15 mars 1983 sur les armes et munitions ou sont susceptibles de compromettre la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics ».

Aucune disposition législative ou réglementaire ne déterminant la forme d’une décision de refoulement, celle-ci est censée avoir été prise par le ministre de la Justice à partir du moment où les conditions de forme et de fond justifiant un refoulement, telles que déterminées par l’article 12 de la loi modifiée du 28 mars 1972 sont remplies, et où, par la suite, une décision de placement a été prise à l’encontre de l’intéressé. En effet, une telle mesure de refoulement est nécessairement sous-jacente à la décision de placement à partir du moment où il n’existe pas d’arrêté d’expulsion.

En l’espèce, parmi les motifs invoqués à l’appui de la décision de placement, le ministre de la Justice fait état du fait que le demandeur se trouvait en séjour irrégulier au pays.

Dans la mesure où il est constant que le demandeur n’était pas en possession ni des papiers de légitimation prescrits au moment de la prise de la mesure litigieuse, le refoulement tel que prévu par l’article 15 de la loi précitée du 28 mars 1972 était en principe justifié à son égard.

Cette conclusion ne saurait être énervée par la considération que le demandeur aurait à l’heure actuelle établi qu'il dispose d'un titre de séjour en Espagne, un tel document ne légitimant pas son séjour au Luxembourg. Dans ce contexte, la décision entreprise retient à bon droit que le demandeur se trouve en séjour irrégulier au pays.

Quant aux moyens du demandeur tirés de l’absence d’un danger de fuite et de dangerosité dans son chef, il y a lieu de relever que Monsieur … fut placé au centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière créé par le règlement grand-ducal précité du 20 septembre 2002. Ledit centre est à considérer comme un établissement approprié au sens de la loi précitée du 28 mars 1972, étant donné que le demandeur est en séjour irrégulier au pays, qu'il n'existe aucun élément qui permette de garantir au ministre de la Justice sa présence au moment où il pourra être procédé à son éloignement et qu'il n'a fait état d'aucun autre élément ou circonstance particuliers justifiant à son égard un caractère inapproprié du centre de séjour provisoire.

Il y a lieu d'ajouter qu'en fait, les autorités ont agi avec la diligence requise dès lors que selon les informations fournies au tribunal, l'éloignement de Monsieur … est prévu pour le 23 juillet prochain.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé et que le demandeur doit en être débouté.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 21 juillet 2004 par:

M. Ravarani, président, M. Campill, vice-président, Mme Lenert, premier juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Ravarani


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18405
Date de la décision : 21/07/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-07-21;18405 ?

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