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21/07/2004 | LUXEMBOURG | N°18321

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 juillet 2004, 18321


Tribunal administratif N° 18321 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er juillet 2004 Audience publique du 21 juillet 2004

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18321 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 1er juillet 2004 par Maître Adrian SEDLO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats

à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le…, Kosovo, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réfor...

Tribunal administratif N° 18321 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er juillet 2004 Audience publique du 21 juillet 2004

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18321 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 1er juillet 2004 par Maître Adrian SEDLO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le…, Kosovo, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 1er juin 2004 par laquelle ledit ministre a déclaré manifestement infondée sa demande en obtention du statut de réfugié;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 juillet 2004;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 16 juillet 2004 par Maître Adrian SEDLO pour le compte du demandeur;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Adrian SEDLO et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER entendus en leurs plaidoiries respectives.

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Le 19 avril 2004, Monsieur …, originaire du Kosovo, présenta au bureau d'accueil pour demandeurs d'asile une demande en obtention du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg, ainsi qu’en date du 12 mai 2004 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 1er juin 2004, notifiée le 4 juin suivant, le ministre de la Justice rejeta sa demande comme manifestement non fondée au motif qu'il n'alléguerait aucune crainte de persécution en raison de ses opinions politiques, de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un groupe social qui soit susceptible de lui rendre la vie intolérable dans son pays d'origine, de sorte que sa demande ne répondrait à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève.

Par requête déposée le 1er juillet 2004, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation de la décision ministérielle du 1er juin 2004.

Etant donné que l’article 10 (3) de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2) d’un régime de protection temporaire, dispose qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives, le tribunal n’est pas compétent, en l'espèce, pour statuer comme juge du fond.

Dans une matière dans laquelle seul un recours en annulation est prévu, le recours introduit sous forme de recours en réformation est néanmoins recevable dans la mesure des moyens de légalité invoqués, à condition d'observer les règles de procédure et le délai dans lequel le recours en annulation doit être introduit.

Il se dégage de ce qui précède que le recours introduit par Monsieur …, introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable dans la mesure des moyens de légalité invoqués.

A l’appui de son recours, Monsieur … fait expliquer que sur conseil de certains "amis", il avait invoqué, lors de son audition par un agent du ministère de la Justice sur les motifs de la présentation d'une demande d'asile, des motifs économiques plutôt que politiques, convaincu que les originaires du Kosovo, même persécutés, ne pourraient pas obtenir le statut de réfugiés politiques. En réalité, il aurait effectivement subi des persécutions dans son pays d'origine en raison de son appartenance au parti AAK, allié du parti PDK. Ayant refusé de participer à plusieurs rassemblements du PDK alors qu'il était membre du parti allié, lui-même ainsi que sa famille auraient fait l'objet de menaces graves et continuelles de mort ou d'atteinte à leur intégrité physique. Il serait partant bien à considérer comme réfugié politique tombant sous l'application des dispositions de la Convention de Genève.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre de la Justice a fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisse d’être fondé. Il insiste sur le fait qu'étant donné qu'en l'espèce, le tribunal ne saurait statuer que dans le cadre d'un contentieux de l'annulation, il devrait apprécier la légalité de la décision ministérielle en considération de la situation telle qu'elle se présentait au moment de la prise de la décision litigieuse, sans pouvoir prendre en compte les développements nouveaux intervenus depuis la prise de décision du ministre, ce à quoi Monsieur … réplique qu'il découlerait des exigences d'un procès équitable qu'il soit admis à livrer toutes les explications nécessaires, même postérieures à la prise de décision, afin que le juge soit en mesure de juger le litige équitablement et en toute connaissance de cause.

Les principes du procès équitable s'opposent, il est vrai, au refus de prendre en considération toutes les explications nécessaires, comme s'exprime le demandeur, même des explications postérieures à la prise de décision, mais ils n'empêchent pas que le juge, saisi d'un recours en annulation contre une décision administrative, ayant pour objet d'en contrôler la légalité, se place au jour de la prise de cette décision pour apprécier si l'autorité compétente, au vu des circonstances de fait et de droit telles qu'elles se présentaient à ce moment, a légalement agi.

Les explications supplémentaires fournies par le demandeur dans son recours n'entraînent cependant pas, par ailleurs, la conviction du tribunal que le rejet de sa demande d'asile comme étant manifestement infondée n'a pas été légalement justifié, ainsi qu'il va être expliqué ci-après.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New-York, si la crainte du demande d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement (…) ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

Le tribunal doit partant examiner, sur base de l’ensemble des pièces du dossier et des renseignements qui lui ont été fournis, si la crainte invoquée peut être qualifiée de manifestement dénuée de fondement.

En l’espèce, l’examen des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande d’asile amène le tribunal à conclure qu’il n’a manifestement pas établi des raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance.

En effet, selon les déclarations que Monsieur … a faites devant l'agent du ministère de la Justice chargé d'acter ses déclarations, sa demande d'asile a été motivée par le désir de pouvoir continuer à faire ses études au Luxembourg, alors qu'il n'aurait pas des possibilités similaires dans son pays d'origine. Il a pareillement déclaré ne pas avoir subi de persécutions et ne pas avoir eu des problèmes en raison de son adhésion au parti AAK. Dans ce contexte, il y a lieu de souligner que Monsieur … est Albanais du Kosovo, groupe de population majoritaire au pays et ne faisant actuellement pas l'objet de persécutions par le pouvoir en place. Finalement, l'affirmation, par Monsieur …, que son abstention, en tant qu'adhérent au parti AAK, de participer à des manifestations organisées par le PDK, engendre dans son chef un risque de persécution de la part des adhérents de ce parti entraînant un risque pour sa vie, est hautement incrédible et n'emporte pas la conviction du tribunal.

Il se dégage des considérations qui précèdent que Monsieur … reste en défaut de faire état d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance, de sorte que le ministre de la Justice a valablement pu retenir que sa demande d’asile ne repose sur aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève.

Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre de la Justice a déclaré sa demande d’asile comme étant manifestement infondée, de sorte que son recours est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation, reçoit le recours en annulation dans la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 21 juillet 2004 par:

M. Ravarani, président, M. Campill, vice-président, Mme Lenert, premier juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Ravarani 4


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 18321
Date de la décision : 21/07/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-07-21;18321 ?

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