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15/07/2004 | LUXEMBOURG | N°17687

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 juillet 2004, 17687


Tribunal administratif N° 17687 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 mars 2004 Audience publique extraordinaire du 15 juillet 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17687 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 3 mars 2004 par Maître Michel KARP, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg

, au nom de Monsieur …, né le … (Cuba), de nationalité cubaine, demeurant actuellement à L...

Tribunal administratif N° 17687 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 mars 2004 Audience publique extraordinaire du 15 juillet 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17687 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 3 mars 2004 par Maître Michel KARP, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Cuba), de nationalité cubaine, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation sinon à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 6 février 2004 rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décisions critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Sandra FADI, en remplacement de Maître Michel KARP en sa plaidoirie à l’audience publique du 21 juin 2004.

Vu la rupture du délibéré prononcée le 29 juin 2004 ;

Ouï Maître Stéphane SABELLA, en remplacement de Maître Michel KARP ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs explications à l’audience publique du 12 juillet 2004.

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Le 8 septembre 2003, Monsieur … introduisit par écrit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-

après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, il fut entendu par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

Il fut entendu le 8 décembre 2003 par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 6 février 2004, le ministre de la Justice informa Monsieur … de ce que sa demande avait été rejetée au motif qu’il n’alléguerait aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre sa vie intolérable dans son pays d’origine, de sorte qu’aucune crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un certain groupe social ne serait établie dans son chef.

Le 3 mars 2004, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation et subsidiairement en réformation contre la décision ministérielle précitée.

Il fait exposer que tant Cuba que la Biélorussie ne seraient pas des Etats démocratiques, mais des dictatures où les droits de l’homme ne seraient pas respectés et que les autorités cubaines le considéreraient comme traître parce qu’il aurait quitté Cuba. Il se réfère pour le surplus à l’exposé et aux motifs contenus dans sa demande d’asile politique.

Il y a lieu de relever de prime abord que l’Etat n’a pas fourni de mémoire en réponse en cause dans le délai légal bien que la requête introductive lui ait été valablement signifiée en date du 3 mars 2004. Conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le tribunal statue néanmoins à l’égard de toutes les parties par un jugement ayant les effets d’une décision contradictoire, même si la partie défenderesse n’a pas comparu dans le délai prévu par la loi.

En ce qui concerne la recevabilité du recours, encore que le demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation, l’existence d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision (trib. adm. 4 décembre 1997, n° 10404 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Recours en réformation, n° 2 et autres références y citées).

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre la décision ministérielle entreprise. Le recours en réformation, formulé à titre subsidiaire, ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Le recours en annulation, formulé à titre principal, est dès lors irrecevable.

Quant au fond, l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

Les motifs avancés par le demandeur dans le cadre de sa demande d’asile, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Le demandeur, originaire de Cuba, expose dans sa demande d’asile datée du 8 septembre 2003 avoir vécu jusqu’en 1992 en Russie, et être retourné à Cuba en novembre 1992 avec son épouse et son fils, tous les deux de nationalité russe. Il explique avoir eu des problèmes pour obtenir un permis de résidence pour son épouse et son fils du fait de leur nationalité étrangère, et affirme que son fils aurait été contraint d’adopter la nationalité cubaine afin d’obtenir certaines prestations sociales.

Il expose encore que son épouse ayant voulu quitter Cuba avec son fils en 1994, les autorités cubaines auraient exigé son consentement en tant que père, avant d’accepter le départ de son fils. Il affirme que ses propres efforts en vue d’aider son épouse auraient été à l’origine de son licenciement, motivé par le fait que son comportement ne serait pas compatible avec la politique migratoire de l’Etat, de sorte qu’il n’aurait pas eu d’autres alternatives que de quitter Cuba.

Après un passage par le Luxembourg, il se serait rendu en Biélorussie, où il aurait eu des difficultés pour trouver du travail, de sorte qu’il serait retourné au Luxembourg sous couvert d’un visa touristique. Suite à une demande infructueuse visant à obtenir un permis de séjour au Luxembourg, il serait retourné à Cuba, où les autorités cubaines l’auraient informé qu’il y serait dorénavant persona non grata, son séjour y étant strictement limité à 21 jours.

Il relate être retourné en Biélorussie, où il aurait trouvé du travail, mais où sa condition d’étranger ne lui aurait pas permis de se développer professionnellement. Enfin, il affirme que du fait qu’il ait critiqué la politique écologique, migratoire et intérieure biélorusse, il risquerait de perdre son emploi.

Ayant obtenu en 2000 le divorce de son épouse, qui résiderait actuellement avec son fils au Luxembourg, il aurait décidé en 2003 de se rendre également au Luxembourg, sous couvert d’un visa Schengen pour être près de son fils.

Force est de constater que le demandeur n’a pas établi, ni même allégué, des raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution laissant supposer un danger sérieux pour sa personne au sens de la Convention de Genève, et ce tant à Cuba qu’en Biélorussie.

En effet, les problèmes avec les autorités cubaines relatés par le demandeur relèvent tous de questions d’état civil ou de droit civil, et plus particulièrement de droit de la famille, mais non de persécutions du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques.

Quant à l’allégation qu’il ne pourrait plus retourner à Cuba où il serait dorénavant considérée comme persona non grata, ce qui l’aurait empêché depuis novembre 1997 d’y séjourner, le tribunal constate que le demandeur dispose d’un passeport cubain, l’identifiant expressément comme citoyen cubain, émis en date du 7 mai 2001, de sorte qu’il ne saurait être accordé une quelconque crédibilité aux affirmations du demandeur relatives au fait qu’il aurait depuis 1997 perdu le droit de vivre à Cuba.

En ce qui concerne son séjour en Biélorussie, il y a là encore lieu de constater que le demandeur ne fait état d’aucun problème concret justifiant dans son chef la crainte d’une persécution au sens de la Convention de Genève, de vagues avertissements concernant son éventuel licenciement, d’origine non précisée par le demandeur, n’étant pas constitutifs de telles persécutions.

Enfin, de vagues références à la situation politique à Cuba et en Biélorussie ne sauraient non plus à elles seules justifier l’obtention du statut de réfugié, étant donné que la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile, qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef.

Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, déclare le recours en annulation formulé à titre principal irrecevable, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 15 juillet 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17687
Date de la décision : 15/07/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-07-15;17687 ?

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