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14/07/2004 | LUXEMBOURG | N°18285

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 juillet 2004, 18285


Tribunal administratif N° 18285 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 juin 2004 Audience publique du 14 juillet 2004

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Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18285 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 juin 2004 par Maître Steve COLLART, avocat à la Cour, assisté de Maître Stéphane MEYER, avocat, tous les deux inscrits au

tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M. …, né le … à Tub (Kirghizstan), de nationa...

Tribunal administratif N° 18285 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 juin 2004 Audience publique du 14 juillet 2004

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Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18285 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 juin 2004 par Maître Steve COLLART, avocat à la Cour, assisté de Maître Stéphane MEYER, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M. …, né le … à Tub (Kirghizstan), de nationalité kirghize, actuellement détenu au Centre pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision implicite de refus résultant du silence du ministre de la Justice gardé pendant plus de trois mois suite au recours gracieux introduit par le demandeur en date du 5 mars 2004 à l’encontre de la décision dudit ministre du 7 novembre 2003 par laquelle ledit ministre a déclaré manifestement infondée sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 juillet 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maître Stéphane MEYER et Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 30 septembre 2003, M. … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Monsieur … fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il fut convoqué pour le 29 octobre 2003 pour être entendu par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Ne s’étant pas présenté le 29 octobre 2003, le ministre de la Justice, par décision du 7 novembre 2003, l’informa que sa demande avait été déclarée manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire. La décision afférente est libellée comme suit :

« Vous avez été convoqué au Bureau d’accueil pour les demandeurs d’asile pour une audition concernant les motifs de votre demande d’asile. L’audition était prévue le 29 octobre 2003 à 14.00 heures. Vous avez reçu la convocation en mains propres le 3 octobre 2003 et un courrier du 8 octobre vous a confirmé cette date. Vous ne vous êtes pas présenté à la date du 29 octobre 2003. L’audition par un agent du Ministère de la Justice s’est donc avérée impossible.

Je vous informe que l’article 6 f) du Règlement Grand Ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile dispose comme suit : « Une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle repose clairement sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile. Tel est le cas notamment lorsque le demandeur a omis de manière flagrante de s’acquitter d’obligations importantes imposées par les dispositions régissant les procédures d’asile. ».

Le fait de ne pas vous présenter au Ministère de la Justice au rendez-vous fixé pour votre audition constitue une des omissions prévues par l’article 6 précité.

Je constate que vous n’alléguez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de vous rendre la vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie. Dès lors, votre demande ne correspond à aucun des critères de fond prévus par la Convention de Genève.

Il résulte de ce qui précède que votre demande en obtention du statut de réfugié est refusée comme manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne sauriez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

Suite à un recours gracieux formulé par lettre de son mandataire du 5 mars 2004 à l’encontre de la prédite décision ministérielle, dans le cadre duquel M. … sollicita « le réexamen de sa demande » sans indiquer les raisons de son absence lors de l’audition à laquelle il avait été convoqué, mais en précisant qu’il se tenait à la disposition des autorités pour une nouvelle audition, le ministre de la Justice confirma sa décision initiale le 6 mai 2004 à « défaut d’éléments pertinents nouveaux ».

Par requête déposée le 25 juin 2004, M. … a fait introduire « un recours en réformation sinon en annulation à l’encontre de la décision implicite de rejet faisant suite au gracieux introduit » par lui en date du 5 mars 2004 à l’encontre de la décision précitée du ministre de la Justice du 7 novembre 2003.

Dans le cadre de ce recours contentieux, M. … fait valoir qu’il aurait demandé dans le cadre du recours gracieux une nouvelle audition, mais qu’il n’aurait pas reçu de réponse. Il soutient que le ministre de la Justice aurait commis une faute en estimant qu’il ne remplirait pas les conditions posées par la Convention de Genève, alors qu’il n’aurait pas été entendu en ses explications. Quant au fond, il expose qu’il serait de nationalité kirghize, qu’il appartiendrait à la minorité coréenne du Kirghizstan, laquelle représenterait un pour cent de la population, qu’il serait de confession chrétienne orthodoxe et qu’il aurait fait partie d’un mouvement d’opposition au régime en place appelé « Les hommes libres du Kirghizstan ». Il expose qu’il aurait fui son pays en raison des nombreuses persécutions dont il aurait été victime du fait de sa confession et de son activité d’opposant politique et qu’une arrestation arbitraire l’aurait finalement décidé à fuir son pays.

Le délégué du gouvernement soulève l’irrecevabilité du recours en réformation au motif qu’un recours de pleine juridiction ne serait pas prévu en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées. Il précise que, contrairement à l’affirmation du demandeur, le recours gracieux aurait fait l’objet d’une réponse laquelle aurait été notifiée au demandeur en mains propres en date du 17 juin 2004. Il conclut au rejet du recours en annulation, au motif que le défaut de se présenter à l’audition fixée du 29 octobre 2003 constituerait un manquement grave aux obligations de collaboration du demandeur. Il soulève encore spécialement que le demandeur aurait été convoqué à l’audition du 29 octobre 2003 à deux reprises, une fois par convocation remise en mains propres le 3 octobre 2003 et une fois par courrier recommandé en date du 8 octobre 2003 et qu’il n’aurait pas essayé d’expliquer son absence, de sorte que ce serait à bon droit que le ministre de la Justice en aurait déduit que le demandeur n’avait aucun motif à invoquer à l’appui de sa demande d’asile.

Etant donné que l’article 10 (3) de la loi précitée du 3 avril 1996 dispose expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives, le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en réformation formulée à titre principal à travers la requête sous analyse.

Le tribunal est amené à examiner la question de la recevabilité du recours en annulation, abordée en termes de plaidoiries à l’audience, en ce que le recours est dirigé contre la prétendue décision implicite de rejet tirée du silence du ministre de plus de trois mois depuis l’introduction du recours gracieux.

En vertu de l’article 4 (1) de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, « dans les affaires contentieuses qui ne peuvent être introduites devant le tribunal administratif que sous forme de recours contre une décision administrative, lorsqu’un délai de trois mois s’est écoulé sans qu’il soit intervenu aucune décision, les parties intéressées peuvent considérer leur demande comme rejetée et se pourvoir devant le tribunal administratif ».

L’article 4 (1) est clair dans la mesure où il prévoit une présomption de rejet de la demande introduite à partir du moment où aucune décision n’est intervenue dans le délai de trois mois, qui court en principe à partir du moment de l’introduction de la demande.

Force est de constater, en l’espèce, que par une décision du 6 mai 2004, notifiée au demandeur en mains propres 17 juin 2004, le ministre de la Justice a confirmé sa décision de refus initiale du 7 novembre 2003. Il s’ensuit qu’il n’y a pas en l’espèce de décision implicite de refus tirée du silence du ministre de plus de trois mois depuis l’introduction du recours gracieux en date du 5 mars 2004, étant donné qu’une décision expresse est intervenue dans ledit délai de trois mois à compter de l’introduction du recours gracieux.

Le recours en annulation étant uniquement dirigé contre la décision implicite de rejet du recours gracieux, il y a lieu de le déclarer irrecevable pour manquer d’objet.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Schroeder, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 14 juillet 2004, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Campill 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 18285
Date de la décision : 14/07/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-07-14;18285 ?

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