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14/07/2004 | LUXEMBOURG | N°18050

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 juillet 2004, 18050


Tribunal administratif N° 18050 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 mai 2004 Audience publique du 14 juillet 2004 Recours formé par Monsieur …, … (F) contre une décision du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines en présence de la société … S.A., … en matière d’élections des délégués du personnel

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18050 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 mai 2004 par Maître Marco FRITSCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au no

m de Monsieur …, chauffeur, demeurant à F-…, tendant à la réformation et subsidiairement à l’a...

Tribunal administratif N° 18050 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 mai 2004 Audience publique du 14 juillet 2004 Recours formé par Monsieur …, … (F) contre une décision du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines en présence de la société … S.A., … en matière d’élections des délégués du personnel

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18050 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 mai 2004 par Maître Marco FRITSCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, chauffeur, demeurant à F-…, tendant à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines du 26 avril 2004 déclarant non fondée la contestation par lui introduite relative à l’électorat et à la régularité des opérations électorales pour la désignation des délégués du personnel dans la société … S.A., établie à L-… ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Alec MEYER , demeurant à Esch-sur-Alzette, du 25 mai 2004, portant signification de ce recours à la société … S.A. ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 25 mai 2004 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 2 juin 2004 par Maître Arsène KRONSHAGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme … S.A. ;

Vu la notification de ce mémoire en réponse par voie de télécopie adressée au mandataire de Monsieur … en date du 1er juin 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Sylvain L’HOTE, en remplacement de Maître Marco FRITSCH et Frédérique LERCH, en remplacement de Maître Arsène KRONSHAGEN, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 7 juin 2004 ;

Vu l’invitation adressée en date du 15 juin 2004 au délégué du Gouvernement à communiquer en cause dans les meilleurs délais les noms et coordonnées de l’ensemble des candidats proclamés élus en tant que délégués du personnel, effectifs et suppléants, dans l’entreprise … S.A., afin de permettre leur mise en intervention utile en tant que parties tierces intéressées ;

Entendu Maître Sylvain L’HOTE, en remplacement de Maître Marco FRITSCH et Frédérique LERCH, en remplacement de Maître Arsène KRONSHAGEN, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs observations respectives en la Chambre du Conseil en date du 7 juillet 2004.

A la suite de l’annulation par le directeur de l’Inspection du Travail et des Mines des élections pour la désignation des délégués du personnel dans la société …S.A. tenues en date du 11 novembre 2003, ladite société a annoncé la tenue de nouvelles élections des délégués suivant un avis d’élection datant du 16 janvier 2004 avec l’information que le scrutin aura lieu les 13 et 16 février 2004 et que la désignation des listes de candidats devait se faire avant le 29 janvier 2004 à 18.00 heures.

Il se dégage du procès-verbal relatif aux élections pour la désignation des délégués du personnel, établi à Bettembourg le 9 février 2004, qu’une seule liste, en l’occurrence celle référencée sous le numéro 262 intitulée « xxx », fut reconnue valable et qu’en conséquence les candidats de cette liste furent proclamés élus, ceci sur base des considérations suivantes :

« Les élections pour la désignation des délégués du personnel devaient avoir lieu les vendredi 13 février 2004 et lundi 16 février 2004, par la voie d’un scrutin unique.

6 délégués titulaires et 6 délégués suppléants devaient être élus.

Les candidatures devaient être présentées au plus tard le 29 janvier 2004 avant 18.00 heures au chef d’établissement.

Le chef d’établissement ou son délégué ont enregistré les listes ou les candidatures isolées.

2 listes ont été enregistrées :

- Le mercredi 28 janvier 2004, Liste n° 262, Xxx composée de 12 candidats - Le vendredi 30 janvier 2004, Liste n° 3 OGB-L, composée de 7 candidats.

Le dépôt de la liste n° 3 OGB-L était donc tardive, la liste a été déclarée irrecevable et a été rejetée. » Monsieur … ayant figuré comme candidat sur la liste n° 3 de l’OGB-L, il adressa une première contestation moyennant courrier de son mandataire datant du 12 février 2004 à la société … S.A. pour solliciter l’admission des candidatures des membres de l’OGB-L. Cette demande n’ayant pas été suivie d’effet, Monsieur …, moyennant courrier recommandé de son mandataire datant du 3 mars 2004, s’adressa au directeur de l’Inspection du Travail et des Mines pour élever une contestation relative à l’électorat et à la régularité des opérations électorales en faisant valoir que l’entreprise aurait dû prendre en considération la liste de candidats présentée par l’OGB-L sur laquelle il figurait comme candidat.

Par décision du 26 avril 2004, le directeur de l’Inspection du Travail et des Mines a reçu cette contestation en la forme, mais au fond l’a déclarée non fondée.

Ladite décision du 26 avril 2004 est motivée comme suit :

« Attendu que les représentants de la société susmentionnée opposent en premier lieu l’irrecevabilité de la contestation pour ne pas avoir été introduite dans le délai prévu par l’article 39 du règlement grand-ducal modifié du 21 septembre 1979 concernant les opérations électorales pour la désignation des délégués du personnel ;

Attendu que l’article 39 alinéa 2 dipose que les contestations ne sont recevables que si elles ont été introduites dans les quinze jours qui suivent le dernier jour d’affichage du résultat du scrutin visé à l’article 36 ;

Que l’article 36 dispose que « les noms des délégués effectifs et suppléants élus sont affichés dans l’établissement durant les trois jours consécutifs à celui du scrutin.

Il en est de même des noms des représentants proclamés élus ou désignés d’office par application de l’article 9, paragraphe (2) du présent règlement ;

Que les dates de l’affichage étaient les 17, 18 et 19 février 2004 ;

Que la date limite d’introduction du recours était le 05 mars 2004 ;

Que la requête a été introduite dans les délai et forme prévus par l’article 39 du règlement grand-ducal modifié du 21 septembre 1979 concernant les opérations électorales pour la désignation des délégués du personnel, de sorte qu’elle est recevable ;

Attendu que le réclamant reproche à l’employeur de ne pas avoir tenu compte de la liste No. 3 OGB-L (Onofhängege Gewerkschaftsbond Lëtzebuerg) présentée par la Confédération syndicale indépendante du Luxembourg par l’intermédiaire du mandataire Hubert Hollerich ;

Qu’il résulte des explications à l’audience et des pièces du dossier que la liste susdite a été remise à l’employeur et enregistrée par celui-ci en date du 30 janvier 2004 ;

Que la date limite pour le dépôt des listes était le 29 janvier 2004 ;

Que suivant le réclamant, l’employeur, qui aurait dû refuser l’enregistrement, couvrirait par l’enregistrement l’irrégularité de la remise tardive ;

Attendu que le représentant de l’employeur expose avoir enregistré la liste au moment de la remise, mais à la suite s’étant rendu compte de la tardiveté, l’a rejetée comme irrecevable ;

Que l’enregistrement ne saurait couvrir une irrecevabilité prévue par la loi ;

Attendu que l’article 7 du règlement grand-ducal modifié du 21 septembre 1979 concernant les opérations électorales pour la désignation des délégués du personnel, dispose que le chef de l’établissement ou son délégué enregistre les listes ou les candidatures isolées dans l’ordre de leur présentation. Il refuse l’enregistrement de toute liste ou de toute candidature isolée qui ne répond pas aux prescriptions du présent règlement ;

Que l’article 4 (4) du même règlement dispose que les listes doivent être remises au plus tard le quinzième jour du calendrier précédant celui de l’ouverture du scrutin à six heures du soir. Passé ce délai, les candidatures ne sont plus recevables ;

Que l’article 8 du même règlement dispose qu’à l’expiration du délai visé à l’article 4 (4) du règlement, le chef d’établissement arrête la liste des candidats ;

Attendu qu’il résulte d’un procès-verbal dressé le 9 février 2004, en application de l’article 8 (2) du règlement susmentionné, que l’employeur a déclaré irrecevable la liste No. 3 OGB-L, a arrêté la liste n° 262 « Xxx » et a proclamé ces derniers élus en application de l’article 8 (2) ;

Que la date limite pour le remise des listes avait été portée à la connaissance des intéressés par l’avis des élections ;

Qu’il est constant en cause que la liste No. 3 OGB-L a été remise tardivement et était dès lors irrecevable ;

Que l’employeur aurait dû refuser l’enregistrement ;

Qu’en se rattrapant lors de l’arrêt des listes, l’employeur ne fait qu’appliquer la loi ;

Qu’un scrutin sur base de candidatures irrecevables aurait vicié les élections ;

Que le moyen n’est pas fondé ;

Attendu que le réclamant reproche en second lieu à l’employeur de ne pas avoir procédé aux élections aux dates annoncées ;

Attendu qu’il résulte du dossier que deux listes ont été remises, dont une tardivement ;

Que l’employeur a donc proclamé élus les candidats de la seule liste restante No.

262 « Xxx » en application de l’article 8 (2) du règlement grand-ducal modifié du 21 septembre 1979 concernant les opérations électorales pour la désignation des délégués du personnel ;

Que le moyen n’est pas fondé ;

Attendu que le premier moyen avancé par la partie réclamante, à savoir le reproche à l’employeur d’avoir prévu deux jours de scrutin, n’est pas davantage fondé, alors qu’en l’absence de scrutin, la partie laisse de justifier en quoi les élections sont viciées ; » Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision directoriale précitée du 26 avril 2004 moyennant requête déposée au greffe du tribunal administratif le 12 mai 2004.

Encore que le tribunal eût mis en avant la mise en intervention des parties tierces intéressées et invité l’Etat à communiquer en cause dans les meilleurs délais les noms de l’ensemble des candidats proclamés élus en tant que délégués du personnel, effectifs et suppléants, dans l’entreprise …, force est de constater que le recours n’a pas pu utilement être signifié aux dites parties en raison d’une impossibilité matérielle de procurer les adresses des candidats élus.

Les parties au litige ayant expressément renoncé à voir signifier le recours aux dites parties tierces intéressées, le tribunal est dès lors amené à rendre son jugement en l’état, vu l’urgence, sauf la voie de la tierce opposition ouverte pour ces parties conformément aux dispositions de l’article 36 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Conformément aux dispositions de l’article 40 du règlement grand-ducal modifié du 21 septembre 1979 concernant les opérations électorales pour la désignation des délégués du personnel, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, lequel est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi. Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est irrecevable.

A l’appui de son recours, Monsieur … fait valoir que le fait pour la société … S.A.

de ne pas avoir pris en considération la liste des candidats déposée par le syndicat OGB-L en date du 30 janvier 2004 et d’avoir simplement entériné la liste dont elle disposait, serait constitutif d’une « manœuvre de la direction de l’entreprise destinée à influer sur le résultat de vote ».

Il relève plus particulièrement que par le fait d’avoir enregistré les candidatures de la liste de l’OGB-L, la société … S.A. ne pourrait légitimement pas se prévaloir par la suite d’une quelconque irrecevabilité du fait d’un dépôt tardif, faute d’avoir refusé d’enregistrer cette liste de candidats suivant la possibilité lui offerte par l’effet combiné des articles 4 (4) et 7 du règlement grand-ducal du 21 septembre 1979 précité.

En second lieu, le demandeur conteste la possibilité pour l’employeur d’organiser l’élection des délégués du personnel sur deux jours, à savoir les vendredi 13 et lundi 16 février 2004 au motif que cette possibilité ne serait nullement prévue par la loi et ne serait pas de nature à garantir le bon déroulement des élections, voire l’absence de manipulation des bulletins de vote.

Le délégué du Gouvernement conclut au caractère bien-fondé de la décision directoriale litigieuse et se réfère à la motivation y énoncée.

La société … S.A. conclut également au rejet du recours comme étant non fondé en faisant valoir que parmi les prescriptions énoncées aux articles 4 (4) et 7 du règlement grand-ducal modifié du 21 septembre 1979 précité figure le délai imparti pour procéder au dépôt des listes et qu’en l’espèce la date limite pour la remise des listes, soit le 29 janvier 2004 à 18.00 heures, avait été portée à la connaissance des intéressés par l’avis d’élection affiché le 16 janvier 2004, de sorte qu’en l’absence de contestation quant à la date effective de la remise, soit le 30 janvier 2004, cette liste était donc clairement irrecevable pour cause de tardiveté au moment de son dépôt. Elle fait valoir en outre que si la société avait certes dû refuser d’emblée l’enregistrement de cette liste, le simple fait de l’enregistrement ne saurait pas pour autant couvrir une irrecevabilité prévue par la loi.

Quant au moyen basé sur le fait que l’organisation des élections des délégués du personnel était prévue sur deux jours, la société …souligne qu’aucun scrutin n’a eu lieu, étant entendu qu’en l’absence de scrutin le recourant laisserait de justifier en quoi les élections auraient été viciées. Elle relève pour le surplus que suivant l’article 3 du règlement grand-ducal modifié du 21 septembre 1979 précité il appartiendrait à l’employeur d’organiser les élections de manière à ce que chaque électeur puisse émettre son vote et que dans le cahier instructif établi par l’Inspection du Travail et des Mines, il serait expressément reconnu qu’il y a lieu d’autoriser les entreprises travaillant par équipes à étaler les élections sur plusieurs jours tel que cela avait initialement été prévu en l’espèce si scrutin avait dû y avoir.

Le règlement grand-ducal modifié du 21 septembre 1979 dispose au sujet de la présentation des candidatures dans son article 4 (4) que « les listes ou les candidatures isolées doivent être remises au chef de l’établissement ou à son délégué au plus tard le quinzième jour de calendrier précédent celui de l’ouverture du scrutin à 6.00 heures du soir. Passé ce délai, les candidatures ne sont plus recevables. » S’il est certes vrai qu’aux termes de l’article 7 du même règlement grand-ducal le chef d’établissement ou son délégué doivent refuser l’enregistrement de toute liste ou de toute candidature isolée qui ne répond pas aux prescriptions du dit règlement, de sorte qu’en l’espèce, au vu du caractère patent du dépôt tardif de la liste de candidatures de l’OGB-L en date du 30 janvier 2004, il aurait été possible de refuser l’enregistrement de celle-ci, il n’en demeure cependant pas moins que c’est à juste titre que le directeur, dans la décision déférée, a retenu que l’employeur, par le fait de rattraper cette erreur lors de l’arrêt des listes, n’a fait qu’appliquer la loi.

En effet, le non-respect d’une disposition réglementaire au niveau de l’enregistrement d’une liste ne saurait en tout état de cause avoir pour effet de neutraliser la sanction de l’irrecevabilité directement prévue par une autre disposition réglementaire, sous peine de permettre la mise en échec de la norme réglementaire par la volonté du chef d’établissement ou de son délégué, lesquels sont à tout moment tenus par les lois et règlements applicables au même titre d’ailleurs que l’auteur de la décision litigieuse.

Enfin, il incombe au tribunal d’appliquer les mêmes lois et règlements.

Il se dégage des considérations qui précèdent que ce premier moyen laisse d’être fondé.

Quant au deuxième moyen basé sur le fait que les élections étaient prévues sur deux journées, force est encore de constater que c’est à juste titre que la société …s’est interrogée sur la pertinence de ce moyen au regard de l’absence de scrutin ayant eu lieu.

Le demandeur laisse en effet d’établir un quelconque préjudice afférent, ceci au-delà même de toute question relative au bien-fondé par ailleurs du moyen sous examen.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare compétent pour connaître du recours en réformation ;

le reçoit en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 juillet 2004 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 8


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18050
Date de la décision : 14/07/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-07-14;18050 ?

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