La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/07/2004 | LUXEMBOURG | N°17808

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 juillet 2004, 17808


Tribunal administratif N° 17808 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 mars 2004 Audience publique du 14 juillet 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17808 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 mars 2004 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo/Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-

monténégrine, demeurant actuellement à L-… , tendant à la réformation sinon à l’annulation...

Tribunal administratif N° 17808 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 mars 2004 Audience publique du 14 juillet 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17808 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 mars 2004 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo/Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-… , tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 25 février 2004 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 mai 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé par Maître François MOYSE au greffe du tribunal administratif le 8 juin 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Entendu le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Maître François MOYSE et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 juillet 2004.

Monsieur … introduisit en date du 3 décembre 2003 une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Il fut entendu le 15 janvier 2004 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Monsieur … par décision du 25 février 2004, lui envoyée par courrier recommandé en date du 2 mars 2004, de ce que sa demande a été refusée comme non fondée au motif qu’il n’alléguerait aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre sa vie intolérable dans son pays.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 24 mars 2004, Monsieur … fait déposer un recours en réformation sinon en annulation à l’encontre de la décision du 25 février 2004.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le tribunal est compétent pour l’analyser. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable. Le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire est dès lors irrecevable.

Quant au fond, Monsieur … fait valoir qu’il aurait subi des persécutions dans son pays pendant les années 2002 et 2003. Il relate qu’il aurait tenu sa propre épicerie, qu’on aurait essayé de lui extorquer de l’argent et qu’on l’aurait menacé de mort. Il continue que suite au refus de payer ses persécuteurs, ceux-ci l’auraient agressé et auraient cassé les vitres de son épicerie. Il conclue que malgré une plainte à la police, aucune suite n’aurait été donnée au dossier, de sorte qu’il aurait été contraint de quitter son pays. En ce qui concerne la situation actuelle au Kosovo il soutient qu’au vu des récents événements relatés dans la presse, il serait prématuré d’affirmer que la situation se serait stabilisée au Kososvo.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte qu’il serait à débouter de son recours.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2 de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En ce qui concerne les persécutions mises en avant par le demandeur émanant de personnes inconnues, s’agissant de persécutions commises par des tiers et non par les autorités étatiques, il y a lieu de relever qu’elles ne sauraient en tout état de cause être retenues que si les autorités étatiques tolèrent ces actes ou si elles sont incapables d’assurer une protection adéquate. Ce défaut de protection doit être mis suffisamment en évidence par le demandeur d’asile. Une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur d’asile risque de subir des persécutions.

Or, en l’espèce le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit une crainte personnelle de persécution, voire une incapacité des autorités en place d’assurer sa protection. En effet le demandeur affirme lui-même lors de son audition que les autorités sont venues sur place et ont dressé procès-verbal. Le fait que les autorités n’ont apparemment rien trouvé sur place ne met pas en exergue une incapacité des autorités à assurer sa protection. Pour le surplus, il affirme avoir reçu des menaces et qu’on lui demandait de payer une rançon. En ce qui concerne ces menaces, le demandeur reste en défaut de soumettre au tribunal un élément quelconque permettant de retenir que ces menaces seraient liées à sa race, sa religion, sa nationalité, son appartenance à un certain groupe social ou à ses opinions politiques, pourtant seuls envisagés par la Convention de Genève comme motifs de persécution susceptibles de valoir l’octroi du statut de réfugié.

Cette conclusion n’est pas énervée par les moyens développés par le mandataire du demandeur et relatifs à la flambée de violence qu’a connu tout récemment le Kosovo, cette violence, trouvant apparemment son origine dans un incident isolé, opposant les Albanais aux Serbes, ne constitue pas une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève, étant donné que ces troubles ne constituent pas un danger direct pour la personne et la situation spécifique du demandeur qui pour le surplus n’habite pas à Mitrovica.

De tout ce qui précède il résulte que le recours sous analyse est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, déclare le recours en annulation irrecevable, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 juillet 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17808
Date de la décision : 14/07/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-07-14;17808 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award